Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 5, 6

Chapitre 5

Consolations des âmes. – La Sainte Vierge. – Révélations de sainte Brigitte – Le Père Jérôme Carvalho – Le Bienheureux Renier de Cîteaux.

Les âmes du purgatoire reçoivent aussi de grandes consolations de la Sainte Vierge. N’est-elle pas la Consolatrice des affligés ? et quelle affliction comparable à celle des pauvres âmes? N’est-elle pas la Mère de miséricorde ? Et n’est-ce pas à l’égard de ces âmes saintes et souffrantes qu’elle doit montrer toute la miséricorde de son Cœur ? Il ne faut donc pas s’étonner que dans les Révélations de sainte Brigitte la Reine des cieux se donne à elle-même le beau nom de Mère des âmes du purgatoire: « Je suis, dit-elle à cette Sainte, la Mère de tous ceux qui sont dans le lieu de l’expiation; mes prières adoucissent les châtiments qui leur sont infligés pour leurs fautes (Révélations S. Brig. 1. 4. c. 1. ). »

Le 25 octobre 1604, au collège de la Compagnie de Jésus à Coïmbre, mourut en odeur de sainteté le Père Jérôme Carvalho, âgé de 60 ans. Cet admirable et humble serviteur de Dieu sentait une très vive appréhension des peines du purgatoire. Ni les rudes macérations auxquelles il se livrait plusieurs fois chaque jour, sans compter celles que lui suggérait encore chaque semaine le souvenir plus particulier de la Passion, ni les six heures qu’il consacrait soir et matin à la méditation des choses saintes, ne lui semblaient devoir le mettre à l’abri des châtiments, dus après sa mort à ses prétendues infidélités. Mais, un jour, la Reine du ciel, à laquelle il avait une tendre dévotion, daigna consoler elle-même son serviteur par la simple assurance qu’elle était Mère de miséricorde pour ses chers enfants du purgatoire, aussi bien que pour ceux qui vivent sur la terre. – Cherchant plus tard à répandre une doctrine si consolante, le saint homme laissa, par mégarde et dans la chaleur du discours, échapper ces mots: Elle me l’a dit.

On rapporte qu’un autre grand serviteur de Marie, le Bienheureux Renier de Cîteaux (30 mars), tremblait à la pensée de ses péchés et de la justice terrible de Dieu après la mort. Dans sa frayeur, s’étant adressé à sa grande protectrice, qui s’appelle la Mère de miséricorde, il fut ravi en esprit, et vit la Mère de Dieu supplier son Fils en sa faveur. « Mon Fils, disait-elle, faites-lui grâce du purgatoire, puisqu’il se repent humblement de ses péchés. » – « Ma Mère, répondit Jésus-Christ, je remets sa cause entre vos mains »; ce qui voulait dire, qu’il soit fait à votre client comme vous souhaitez. – Le Bienheureux comprit avec une ineffable joie que Marie lui avait obtenu l’exemption du purgatoire.

Chapitre 6

Consolations du purgatoire. – La Sainte Vierge Marie, privilège du samedi. – La vénérable Paule de Sainte-Thérèse

C’est à certains jours surtout que la Reine des cieux exerce sa miséricorde au purgatoire. Ces jours privilégiés sont d’abord tous les samedis, ensuite les diverses fêtes de Marie, qui deviennent ainsi comme les jours de fête du purgatoire. – Nous voyons dans les révélations des Saints que le samedi, jour spécialement consacré à la Sainte Vierge, la douce Mère des miséricordes descend dans les cachots du purgatoire pour visiter et consoler ses dévots serviteurs. Alors, selon la pieuse croyance des fidèles, elle délivre les âmes qui, ayant porté le saint Scapulaire, ont droit au privilège de la Sabbatine; ensuite elle prodigue les douceurs de ses consolations aux autres âmes qui l’ont particulièrement honorée. Voici ce que vit à ce sujet la Vénérable Sœur Paule de Sainte-Thérèse, religieuse Dominicaine du monastère de Sainte-Catherine à Naples (Rossign. Merv. 50. Marchese, t. I, p. 56).

Ayant été ravie en extase, un jour de samedi, et transporté en esprit dans le purgatoire, elle fut toute surprise de le trouver transformé comme en un paradis de délices, éclairé par une vive lumière, en place des ténèbres habituelles. Comme elle se demandait la raison de ce changement, elle aperçut la Reine des cieux, entourée d’une infinité d’anges, auxquels elle ordonnait de délivrer les âmes qui lui avaient été spécialement dévouées et de les conduire au ciel.

S. Pierre Damien

S’il en est ainsi des simples samedis, on ne peut guère douter qu’il n’en soit de même des jours de fête consacrés à la Mère de Dieu. Parmi toutes ces fêtes, celle de la glorieuse Assomption de Marie semble être le grand jour des délivrances. S. Pierre Damien (Opusc. 34, p. 2, c. 3.) nous dit que, chaque année au jour de l’Assomption, la Sainte Vierge délivre plusieurs milliers d’âmes. Voici la vision miraculeuse qu’il rapporte à ce sujet.

La défunte Marozi

C’est un pieux usage, dit-il, qui existe parmi le peuple de Rome, de visiter les églises un cierge à la main, pendant la nuit qui précède la fête de l’Assomption de Notre-Dame. Or il arriva à cette occasion qu’une personne de qualité, se trouvant agenouillée dans la basilique de l’Ara Cœli, au capitole, aperçut en prière devant elle une autre Dame, sa marraine, qui était morte plusieurs mois auparavant. Surprise et ne pouvant en croire ses yeux, elle voulut éclaircir ce mystère, et alla se placer près de la porte de l’église. Dès qu’elle la vit sortir, elle la prit par la main et la tirant à l’écart: « N’êtes-vous pas, lui dit-elle, ma marraine Marozi, qui m’avez tenue sur les fonts du baptême ? – Oui, répond aussitôt l’apparition, c’est moi-même. – Eh ! comment se fait-il que je vous retrouve parmi les vivants, puisque vous êtes morte il y a près d’une année ? – Jusqu’à ce jour je suis restée plongée dans un feu épouvantable, à cause des nombreux péchés de vanité que j’ai commis dans ma jeunesse; mais dans cette grande solennité, la Reine du ciel est descendue au milieu des flammes du purgatoire, et m’a délivrée ainsi qu’un grand nombre d’autres défunts, afin que nous entrions au ciel le jour de son Assomption. Ce grand acte de clémence elle l’exerce chaque année; et, dans la circonstance actuelle, le nombre de ceux qu’elle a délivrés égale celui du peuple de Rome. »

Voyant que sa filleule restait stupéfaite et semblait douter encore, l’apparition ajouta: « En preuve de la vérité de mes paroles, sachez que vous-même vous mourrez dans un an, à la fête de l’Assomption: si vous passez ce terme, tenez tout ceci pour illusion. »

Saint-Pierre Damien termine ce récit en disant, que la jeune Dame passa l’année en bonnes œuvres pour se préparer à paraître devant Dieu. L’année suivante, l’avant-veille de l’Assomption, elle tomba malade, et mourut le jour même de la fête, comme il lui avait été prédit.

La fête de l’Assomption est donc le grand jour des miséricordes de Marie envers les âmes: elle se plaît à introduire ses enfants la gloire l’anniversaire du jour où elle-même y fit son entrée. Cette pieuse croyance, ajoute l’abbé Louvet, est appuyée sur un grand nombre de révélations particulières; c’est pourquoi, à Rome, l’église de Sainte-Marie in Montorio, qui est le centre de l’archiconfrérie des suffrages pour les trépassés, est dédiée sous le vocable de l’Assomption.