Traité de la prière II – Chapitre CXX, CXXI, CXXII

CXX.- Résumé de ce qui précède.- Respect qu’on doit aux prêtres, qu’ils soient bons ou mauvais.

1. Ma fille bien-aimée, je t’ai montré une étincelle de la gloire ne mes ministres; je dis une étincelle, en comparaison de ce qu’elle est réellement. Je t’ai fait voir la dignité à laquelle je les avais élevés en les choisissant pour être mes ministres: et à cause de cette autorité que je leur ai donnée, je ne veux pas que la main des séculiers les punisse de leurs fautes; car en le faisant, ils m’offensent d’une manière déplorable. Je veux qu’on; les respecte non pour eux, mais pour moi et à cause de l’autorité dont ils sont revêtus. Ce respect ne doit jamais diminuer, même lorsque la vertu diminuerait en eux. Il faut le conserver pour les mauvais et pour les bons, parce que je les ai tous faits les ministres du Soleil, c’est-à-dire du corps et du sang de mon Fils dans les sacrements.

2. Les bons et les mauvais ont la même dignité; tous sont revêtus des mêmes fonctions, mais je t’ai montré que les parfaits avaient les qualités du soleil, puisqu’ils illuminent et réchauffent le prochain par l’ardeur de leur charité. Cette ardeur produit des fruits et fait naître des vertus dans les âmes de ceux qui leur sont confiés. Je t’ai dit aussi qu’ils étaient des anges que je vous avais donnés pour vous garder, car ils vous gardent et répandent dans vos cœurs, de saintes inspirations par leurs prières, leurs enseignements et leurs exemples. Ils vous servent et vous administrent les sacrements comme le fait l’ange qui vous garde et qui met en vous de bonnes et saintes pensées.

3. Tu vois qu’outre la dignité où je les ai placés, je veux qu’ils soient ornés de toutes les vertus, afin que vous les aimiez et que vous ayez pour eux le plus grand respect. Car ce sont mes fils bien-aimés qui ressemblent à un soleil, éclairant par leur vertu le corps mystique de la sainte Église. Tout homme vertueux est digne d’amour: à bien plus forte raison celui auquel j’ai confié un pareil ministère. Vous devez les aimer à cause de la sainteté du Sacrement. Vous devez haïr les fautes de ceux qui vivent mal, mais je ne veux pas que vous vous fassiez leurs juges, parce qu’ils sont mes Christs, et que vous devez aimer et vénérer l’autorité que je leur ai confiée.

4. Si un homme sale et mal vêtu vous portait un grand trésor qui vous donnerait la vie, par amour pour ce trésor et pour le prince qui vous l’enverrait, vous ne détesteriez pas le porteur, quoiqu’il fût sale et mal vêtu. Son extérieur ne vous plairait pas sans doute, mais à cause du maître vous tâcheriez de le laver et de le vêtir. La charité ordonne que vous agissiez ainsi, et je veux que vous traitiez de la même manière mes ministres peu exemplaires, dont les mains sont souillées et les vêtements déchirés par le défaut de charité, mais qui vous portent de grands trésors, c’est-à-dire les sacrements de la sainte Église, par lesquels vous recevez la vie de la grâce.

5. Vous devez les honorer, quels que soient leurs défauts, par amour pour moi qui vous les envoie, et par amour de la vie de la grâce que vous trouvez dans le grand trésor qu’ils vous portent, puisqu’ils vous donnent un Dieu-Homme tout entier, c’est-à-dire le corps et le sang de mon Fils unis à ma nature divine. Il faut déplorer et haïr leurs fautes; il faut vous efforcer de les revêtir par le zèle de votre charité et la sainteté de vos prières; il faut les laver de leurs souillures avec vos larmes, et me les présenter avec un grand désir, pour que ma bonté les couvre du vêtement de la charité.

6. Vous savez bien que je veux leur faire grâce, pourvu qu’ils s’y disposent, et que vous me le demandiez. Car ce n’est pas ma volonté qu’ils vous distribuent le Soleil dans les ténèbres, étant eux-mêmes dépouillés du vêtement des vertus et souillés par une vie coupable. Je vous les ai au contraire donnés pour qu’ils soient vos anges de la terre et votre lumière. S’ils ne le sont pas, vous devez prier pour eux et ne pas les juger, mais me les laisser juger moi-même. Je désire pouvoir leur faire miséricorde par vos prières. S’ils ne se convertissent pas, la dignité qu’ils ont reçue sera leur ruine; et s’ils ne changent pas, s’ils ne profitent pas de la grandeur de ma miséricorde, moi, le Juge suprême, je les confondrai à l’heure de la mort, et je les enverrai au feu éternel.

CXXI.- De la vie coupable des ministres infidèles.

1. Écoute maintenant, ma fille bien-aimée. Afin que vous tous mes serviteurs, vous soyez excités à m’offrir pour mes ministres infidèles d’humbles et continuelles prières, je vais te montrer leur vie coupable. De quelque côté que tu regardes, que ce soient les séculiers, les religieux, les clercs, les prélats, les petits, les grands, les jeunes et les vieux, dans toutes les conditions, tu ne verras qu’offenses contre moi. Tous me jettent l’infection du péché mortel; mais cette infection ne saurait m’atteindre, elle ne nuit qu’à eux-mêmes.

2. Je t’ai dit jusqu’à présent la dignité de mes ministres et la vertu de ceux qui sont bons, pour donner un peu de repos à ton âme, et te faire ensuite mieux connaître le malheur de ces infortunés. Tu verras combien ils sont coupables et dignes d’un châtiment terrible. Autant mes bien-aimés ministres, qui font saintement valoir le trésor qua je leur ai confié, méritent d’être magnifiquement récompensés, et d’être comme des pierres précieuses en ma présence, autant ces misérables méritent au contraire les foudres de ma justice.

3. Écoute, ma fille bien-aimée, et apprends, dans la douleur et l’amertume de ton cœur, quel est le principe et le fondement de leur égarement: c’est l’amour-propre, d’où naît l’arbre de l’orgueil qui produit l’aveuglement. Comme ils ne savent pas discerner la vérité, ils s’attachent aux hommes, à la gloire, et recherchent les grandes dignités, le faste et les délicatesses du corps. Ils m’outragent et m’offensent; ils s’attribuent ce qui ne leur appartient pas, et m’attribuent ce qui n’est pas de moi.

4. La gloire et l’honneur doivent m’appartenir, et ils doivent n’avoir pour eux que la haine de leurs sens. Ils doivent se connaître assez pour se réputer indignes du sublime ministère qu’ils ont reçu, et ils font le contraire. Tout pleins d’orgueil, ils ne peuvent se rassasier de la boue des richesses et des délices du monde; ils sont avides, impitoyables, avares à l’égard des pauvres, et à cause de ce misérable orgueil et de cette avarice qu’engendre l’amour-propre sensitif, ils abandonnent le soin des âmes. Ils ne pensent qu’à conserver et soigner les choses temporelles, et ils laissent mes brebis que je leur ai confiées, comme des troupeaux sans pasteur. Ils ne les conduisent pas et ne les nourrissent ni spirituellement ni temporellement.

5. Ils administrent, il est vrai, spirituellement les sacrements de la sainte Église, et ces sacrements ne peuvent, par leur faute, perdre leur efficacité et leur vertu mais ils ne nourrissent pas les âmes de prières ferventes, de l’ardent désir de votre salut et d’une vie sainte et honnête. Ils ne nourrissant pas non plus leur troupeau des choses temporelles; ils n’assistent pas les pauvres des biens de l’Église, dont ils doivent faire trois parts, comme je te l’ai dit: une pour leurs besoins, une autre pour les pauvres, et l’autre pair l’utilité de l’Église.

6. Ils font le contraire; car non seulement ils ne donnent pas ce qu’ils sont obligés de donner aux pauvres, mais encore ils dépouillent le prochain par la simonie et la passion de l’argent; ils vendent la grâce du Saint Esprit. Il s’en trouve souvent de si infidèles, que ce que je leur ai donné gratuitement pour qu’ils vous le donnent de même, ils le refusent à ceux qui en ont besoin, à moins qu’on ne leur remplisse la main et qu’on ne les comble de présents. Ils n’aiment ceux qui leur sont confiés qu’autant qu’ils en retirent quelque utilité, et jamais davantage.

7. Ils dépensent les biens de l’Église en riches ornements, pour aller, vêtus avec délicatesse, non comme des clercs et des religieux, mais comme des grands seigneurs et des hommes de cour. Ils s’appliquent à avoir de beaux chevaux, une quantité de vases d’or et d’argent, et de magnifiques ameublements; ils possèdent toutes ces choses, qu’ils ne devraient pas avoir, avec une grande vanité de cœur. Leurs discours sont aussi déréglés: ils ne rêvent que festins somptueux et font un dieu de leur ventre; ils mangent et boivent sans mesure, et tombent bientôt dans la fange et le désordre.

(Vae, vae ipsorum vite miserabili et infelici! quoniam illud quod unigenitus Filius meus acquisivit, cum gravissima pœna, super ligno sanctissimcae Crucis, ipsi cum meretricibus expendunt. Et ita damnabiliter jugiter animas devorant et occidunt lesu Christi sanguine pretioso redemptas, eas diversimode cum fetenti miseria corrumpendo, et de patrimonio vel haereditate pauperum filios adulterinos alunt et ornant).

8. O temples du démon! je vous avais choisis pour être des anges sur la terre, et vous êtes des démons; vous en faites l’office! Les démons répandent les ténèbres qu’ils ont en eux, et deviennent de cruels bourreaux. Ils s’efforcent, autant qu’ils peuvent, par leurs tentations et leurs attaques, de détruire la grâce dans les âmes, pour les faire tomber dans le péché mortel. Le péché ne peut souiller une âme, si elle n’y consent; mais ils font tous leurs efforts pour l’y décider. Ces malheureux, indignes prêtres, appelés mes ministres, sont des démons incarnés, puisque par leurs fautes ils se sont soumis à la volonté du démon, et qu’ils en remplissent les fonctions. Ils me distribuent, moi, le vrai Soleil, au milieu des ténèbres du péché mortel, et ils répandent les ténèbres de leur vie coupable et déréglée parmi les créatures raisonnables qui leur sont confiées. Ils troublent et scandalisent ceux qui les voient vivre ainsi, et souvent leurs mauvais exemples égarent les autres loin de la grâce et de la voie de la vérité, dans les sentiers du mal et de l’erreur.

9. Celui qui les suit n’a pourtant pas d’excuse; car ces démons visibles, pas plus que les démons invisibles, ne peuvent forcer l’homme à pécher. Personne ne doit imiter leur vie et faire ce qu’ils font; car comme ma Vérité vous l’enseigne dans le saint Évangile, vous devez faire ce qu’ils vous disent (S. Mt., XXIII, 3), c’est-à-dire suivre la doctrine qui vous a été donnée dans le corps mystique de la sainte Église, qui est consignée dans la sainte Écriture et proclamée par les prédicateurs chargés d’annoncer ma parole. Gardez-vous d’imiter leur vie coupable et de les punir comme ils le méritent; car vous m’offenseriez.

10. Ne vous arrêtez pas à leurs vices, et suivez seulement ma doctrine. Laissez-moi le châtiment; car je suis le Dieu bon et éternel, je, récompense tout bien et je punis tout mal. Je ne leur ménagerai pas la vengeance; ma justice ne les épargnera pas parce qu’ils ont eu l’honneur d’être mes ministres. Ils seront, au contraire, s’ils ne se convertissent, plus terriblement punis que les autres, parce qu’ils auront plus reçu de ma bonté; plus ils m’offensent misérablement, plus ils sont dignes de punition. Tu vois bien que ce sont des démons, tandis que mes élus, dont je t’ai parlé sont des anges sur la terre, et remplissent les fonctions des anges.

CXXII.- De ceux qui commettent l’injustice en ne reprenant pas leur prochain.

1. Je t’ai dit qu’en mes ministres bien-aimés brillait la perle précieuse de la justice. Maintenant je te dis que des malheureux portent pour ornement l’injustice. Cette injustice procède et est inséparable de l’amour-propre. C’est par l’amour-propre qu’ils commettent l’injustice envers leurs âmes et envers moi dans les ténèbres de leur aveuglement. Envers moi, car ils ne me rendent pas gloire; et envers eux, car ils n’ont pas une vie honnête et sainte, le désir du salut des âmes, et la faim des vertus; c’est pourquoi ils commettent l’injustice envers leur troupeau et leur prochain, dont ils ne corrigent pas les vices. Ils ne les voient pas même dans leur aveuglement, et la crainte coupable qu’ils ont de déplaire aux autres, fait qu’ils les laissent dormir et languir dans leurs infirmités.

2. Ils ne s’aperçoivent pas qu’en voulant plaire aux créatures, ils leur nuisent et déplaisent au Créateur: quelquefois ils les reprennent pour se couvrir d’une apparence de justice, mais ils ne s’adressent pas aux grands, qui peut-être seront plus coupables que les petits, parce qu’ils craignent par là de nuire à leur position et à leur fortune; mais ils reprendront les petits, qui ne peuvent rien contre eux et leur puissance. Voilà le fruit de leur injustice et de leur déplorable amour-propre.

3. L’amour-propre corrompt le monde et le corps mystique de la sainte Église: il rend sauvage le jardin de l’Époux, et le remplit de fleurs empoisonnées. Ce jardin était bien cultivé par les vrais jardiniers, mes saints ministres; il était orné d’une multitude de fleurs odoriférantes. La vie de ceux qui s’y trouvaient n’était pas encore viciée par leurs pasteurs, qui leur donnaient, au contraire, l’exemple de la vertu et de la sainteté.

4. Il n’en est plus ainsi maintenant, car les mauvais pasteurs rendent mauvais ceux qui leur sont confiés. L’Épouse est entourée des épines et des ronces du péché. Elle ne peut être atteinte elle-même, de la corruption du péché, parce que la vertu des sacrements ne peut recevoir aucune atteinte; mais ceux qui se nourrissent sur le sein de l’Épouse reçoivent le poison dans leur âme, en perdant la dignité à laquelle je les avais élevés. La dignité ne diminue pas en elle-même, mais elle diminue pour eux, parce que leurs fautes font mépriser le précieux sang de mon Fils. Les séculiers ne les respectent pas comme ils devraient toujours le faire, à cause de ce précieux Sang: et ce manque de respect n’a pas son excuse dans les fautes des ministres. Ces malheureux sont des modèles d’iniquité, tandis que je les avais choisis pour être des modèles de vertu.