Le château intérieur ou les demeures – Septièmes demeures

CHAPITRE I – Des grandes faveurs que Dieu accorde aux âmes qui sont entrées dans les Septièmes Demeures. De certaines différences entre l’âme et l’esprit bien que ici deux ne fassent qu’un. Ce chapitre contient des choses dignes de remarque.

  1. Peut-être, mes sœurs, ai-je si longuement parlé de cette voie spirituelle qu’il ne semble y avoir rien d’autre à dire. Le croire serait une grande erreur ; puisque la grandeur de Dieu est sans bornes, ses œuvres ne sauraient en avoir. Cessera-t-on jamais de narrer ses miséricordes et ses grandeurs ? C’est impossible, ne vous étonnez donc point de ce qui fut dit et de ce qui reste à dire, ce n’est qu’un abrégé de tout ce qu’on peut conter de Dieu. Il s’est montré fort miséricordieux en communiquant ces choses à quelqu’un dont nous pouvons les apprendre, afin que nous louions ses grandeurs d’autant plus que nous savons qu’il communique avec les créatures, et nous nous efforcerons de ne pas mésestimer les âmes en qui le Seigneur se complaît. Nous avons tous une âme, mais nous ne l’apprécions pas comme le mérite une créature faite à l’image de Dieu, nous ne comprenons donc pas les grands secrets qui sont en elle. Plaise à Sa Majesté, si Elle le veut, de diriger ma plume, et de m’aider à vous parler un peu de tout ce qu’il y a à dire ; Dieu le fait comprendre à ceux qu’il introduit dans cette Demeure. J’ai vivement supplié Sa Majesté, Elle sait que mon intention est de faire en sorte que ses miséricordes ne restent pas cachées, afin que son nom soit mieux loué et glorifié.
  2. J’ai l’espoir que Dieu me fera cette faveur, pour l’amour de vous, mes sœurs, et non pour moi, pour que vous compreniez ce qui vous sera précieux, et que, par votre faute, votre Époux ne manque pas de célébrer ce mariage spirituel avec vos âmes, puisqu’il entraîne tous les bienfaits que nous verrons. Ô grand Dieu ! Une créature aussi misérable que moi peut trembler de parler d’une chose que je suis loin de mériter de comprendre. C’est vrai, j’ai été dans une grande confusion, et je me suis demandé s’il ne serait pas préférable de conclure cette Demeure en quelques mots, on va croire, je le suppose, que je la connais d’expérience, et j’en ai une honte extrême, car me connaissant comme je me connais, c’est chose terrible. D’autre part, il m’est apparu qu’il y a là une tentation, une faiblesse, si mal que vous me jugiez. Mais que Dieu soit un petit peu mieux loué et compris, et que tout le monde me crie après ; d’autant plus qu’il se peut que je sois morte quand ceci verra le jour. Béni soit Celui qui vit et vivra à jamais. Amen.
  3. Quand Notre-Seigneur consent à prendre en pitié cette âme qui a souffert et souffre de désir et qu’il a déjà prise spirituellement pour épouse, avant la consommation du mariage spirituel il l’introduit dans sa Demeure qui est cette Septième ; de même qu’il a une demeure au ciel, il doit trouver dans l’âme une chambre où Sa Majesté habite seule : nous pouvons dire un autre ciel. Il est très important pour nous, mes sœurs, de comprendre que l’âme n’est pas quelque chose d’obscur ; car comme nous ne la voyons pas, nous pouvons croire, d’ordinaire, qu’il n’existe pas d’autre lumière intérieure, sauf celle que nous voyons, et qu’il règne dans notre âme une certaine obscurité. Je parle de l’âme qui n’est pas en état de grâce, ce n’est pas la faute du Soleil de Justice qui est en elle et qui lui donne l’être, mais c’est elle qui est incapable de recevoir la lumière, et je crois avoir dit dans la première Demeure ce que certaine personne a compris à ce sujet : ces âmes infortunées sont comme dans une prison obscure, les pieds et les mains liés, aveugles et muettes, pour qu’elles ne puissent faire le bien qui les aiderait à acquérir des mérites. Nous pouvons les plaindre, considérer qu’il fut un temps où nous nous sommes vues dans le même état, et que le Seigneur peut leur faire miséricorde, à elles aussi.
  4. Ayons particulièrement soin, mes sœurs, de l’en supplier, ne l’oublions pas, c’est faire une très grande charité que de prier pour ceux qui sont en état de péché mortel ; bien plus grande que celle que nous ferions au chrétien que nous verrions les mains liées derrière le dos par une forte chaîne, attaché à un poteau, et mourant de faim, non par faute de nourriture, car il a auprès de lui des mets d’extrême délicatesse, mais il ne peut les prendre pour les porter à sa bouche ; bien qu’il éprouve un vif dégoût et se voire prés d’expirer, non de la mort d’ici-bas mais de celle qui est éternelle, ne serait-ce pas extrêmement cruel de le regarder sans approcher de sa bouche de quoi manger ? Qu’adviendrait-il si, par vos prières, on lui ôtait ses chaînes ? Vous voyez bien. Je vous le demande pour l’amour de Dieu, ayez toujours un souvenir pour ces âmes-là dans vos prières.
  5. Ce n’est pas à elles que nous parlons en ce moment, mais à celles qui, par la miséricorde de Dieu, ont fait pénitence de leurs péchés, et qui sont en état de grâce ; nous ne pouvons la considérer cette âme, comme une chose limitée à un recoin, mais comme un monde intérieur qui contient les belles et nombreuses demeures que vous avez vues ; il est juste qu’il en soit ainsi, puisqu’il y a dans cette âme une demeure pour Dieu. Quand il plaît à Sa Majesté de lui accorder la faveur de ce mariage divin, Elle commence par l’introduire dans Sa demeure ; Sa Majesté ne se contente plus des ravissements qu’Elle lui a déjà fait connaître, où elle l’unit à Elle, à ce que je crois, ni de l’oraison d’union dont j’ai parlé où l’âme n’avait pas le sentiment d’être aussi nettement appeler à pénétrer dans son centre qu’elle l’est, ici, dans cette demeure, mais dans sa partie supérieure seulement. Peu importe : d’une manière ou d’une autre, le Seigneur l’unit à lui ; mais c’est en la rendant aveugle et muette, comme ce fut le cas pour saint Paul lors de sa conversion (Ac 9,8), et en lui retirant la faculté de sentir ce qu’est cette faveur, et comment elle en jouit : car la grande délectation de cette âme est de se voir tout près de Dieu. Quand il l’unissait à lui, elle ne comprenait plus rien, puisque toutes ses puissances étaient aliénées.
  6. Ici, il en est autrement. Notre bon Dieu, maintenant, veut faire tomber les écailles de ses yeux ; pour lui faire voir et comprendre quelque chose de la faveur qu’il lui fait, il use d’un procédé extraordinaire ; introduite dans cette Demeure par une vision intellectuelle, on lui montre, par une sorte de représentation de la vérité, la Très Sainte Trinité, toutes les trois personnes, dans un embrasement qui s’empare d’abord de son esprit à la manière d’une nuée d’immense clarté ; et de ces personnes distinctes, par une intuition admirable de l’âme, elle comprend l’immense vérité ; toutes les trois personnes sont une substance, un pouvoir, une science, et un seul Dieu. Ce que nous croyons par un acte de foi, l’âme, donc, le saisit ici, on peut le dires de ses yeux, sans qu’il s’agisse toutefois des yeux du corps ni des yeux de l’âme, car ce n’est pas une vision imaginaire. Ici, toutes les trois personnes se communiquent à elle, elles lui parlent, elles lui font comprendre ces paroles du Seigneur que rapporte l’Évangile : qu’il viendrait, Lui, et le Père, et le Saint-Esprit, demeurer avec l’âme qui l’aime et qui observe ses commandements (Jn 14,23).
  7. Ô Dieu secourable ! Qu’il est donc différent d’entendre ces paroles, de les croire, ou de comprendre de cette manière-là combien elles sont vraies ! L’âme s’en étonne chaque jour davantage, car il lui semble que les Trois Personnes ne l’ont jamais quittée, elle les voit, manifestement, à l’intérieur de son âme ; au très très intime d’elle-même, dans quelque chose de très profond qu’elle ne saurait décrire car elle n’est point docte, elle sent en elle cette divine compagnie.
  8. Il va vous sembler, d’après cela, qu’elle doit être hors de sens, si absorbée qu’elle ne peut plus s’occuper de rien. En fait, bien mieux que naguère, en tout ce qui touche au service de Dieu, ou lorsqu’elle n’a pas d’occupation, elle vit dans cette agréable compagnie ; et si cette âme ne fait pas défaut à Dieu, jamais il ne manquera, ce me semble, de lui faire discerner très clairement sa présence ; elle a la ferme confiance que Dieu ne l’abandonnera point, il ne lui a pas accordé cette faveur pour qu’elle la perde ; et elle est en droit de le penser, sans cesser toutefois d’être plus attentive que jamais à ne lui déplaire en rien.
  9. Cette présence dans laquelle elle vit, comprenez-le, n’est pas aussi totalement manifestée, je précise, aussi clairement, que la première fois, et certain nombre d’autres, où Dieu voulut lui faire ce don ; s’il en était ainsi, il lui serait impossible de s’occuper de quoi que ce soit, et même de vivre au milieu des gens ; mais bien que cette présence ne s’accompagne pas d’une lumière aussi claire, elle constate toujours qu’elle se trouve en cette compagnie. On peut la comparer à une personne qui serait avec d’autres dans une pièce très claire, mais on ferme les fenêtres, et elle reste dans l’obscurité : l’absence de lumière l’empêche de les voir, elle ne les verra pas jusqu’à ce que la lumière revienne, elle ne cesse toutefois pas de comprendre qu’elles sont là. On peut demander si lorsque la lumière revient il lui est possible de les revoir à son gré. Ça n’est pas en son pouvoir, il faut que Notre-Seigneur consente à ouvrir la fenêtre de l’entendement ; il témoigne d’une grande miséricorde en lui permettant de comprendre si clairement qu’il ne la quitte jamais.
  10. Il semble que la divine Majesté veuille, ici, par cette admirable compagnie, disposer l’âme à recevoir davantage ; il est clair que cela l’aidera fort à avancer dans la perfection en toutes choses et perdre les craintes que lui ont parfois inspirées les autres faveurs que Dieu lui a faites, comme nous l’avons dit. Et il en fut ainsi, elle faisait, en tout, des progrès, il lui semblait que malgré tant d’épreuves et d’affaires, l’essentiel de son âme ne quittait jamais cette Demeure. Comme s’il y avait, en quelque sorte, des compartiments dans son âme, peu après cette faveur que lui accorda Dieu, elle eut à s’occuper de grands travaux, elle s’en plaignit, comme Marthe se plaignit au Seigneur de Marie (Lc 10,40) qui jouissait toujours à son gré de cette quiétude, et qui lui laissait tant de travail, tant d’occupations, qu’elle ne pouvait jouir de sa compagnie.
  11. Vous jugerez que c’est de la folie, mes sœurs, mais cela se passe vraiment ainsi, bien qu’on comprenne que l’âme est une ; ce que j’ai dit n’est pas une idée que je me forge, car telle est l’impression qu’on a ordinairement. J’en ai donc déduit qu’on voit des choses intérieures dans lesquelles on distingue vraiment certaines différences, fort visibles, entre l’âme et l’esprit, malgré que tout soit un. La division qu’on perçoit est si subtile que l’âme et l’esprit semblent parfois agir différemment, comme sont différentes les saveurs que le Seigneur veut leur donner. Il me semble aussi que l’âme diffère des puissances, qu’elles ne sont pas une seule chose. Il y a tant de ces différences, et si délicates, dans l’intime de nous-même que je serais bien téméraire si je me mettais à les expliquer. Nous verrons cela là-haut, si, dans sa miséricorde, le Seigneur nous fait la grâce de nous conduire là où nous comprendrons ces secrets.

CHAPITRE II – Suite du même sujet. De subtiles comparaisons aident à comprendre la déférence qu’il y a entre l’union spirituelle et le mariage spirituel.

  1. Venons-en donc à parler du mariage spirituel et divin, bien que cette haute faveur ne doive pas atteindre à sa perfection de notre vivant, puisque nous perdrions cet immense bienfait si nous nous écartions de Dieu. La première fois que Sa Majesté accorde cette faveur par une vision imaginaire, Elle veut montrer à l’âme sa très Sainte Humanité pour qu’elle en ait la pleine connaissance et n’ignore rien du don souverain qu’elle reçoit. A d’autres personnes, le Seigneur pourra se présenter sous une autre forme ; à celle dont nous parlons, alors qu’elle venait de communier, il apparut, dans la splendeur, la beauté, la majesté qu’on lui vit après sa résurrection ; Il lui dit qu’il était temps qu’elle s’occupe de ses affaires à lui, qu’il s’occuperait des siennes, et d’autres paroles plus sensibles que communicables (Relations, chap. 35).
  2. Il n’y avait là, semblera-t-il, rien de nouveau, puisque le Seigneur s’était déjà manifesté à cette âme de cette manière. Ce fut toutefois si différent qu’elle en fut bien affolée et effrayée ; d’abord, parce que cette vision fut fort intense, ensuite, à cause des paroles que le Seigneur lui dit, enfin, parce qu’il se manifesta à l’intérieur de son âme, ce qui ne s’était jamais produit, sauf dans la vision précédente. Comprenez-le, la différence est immense entre toutes les visions précédentes et celles de cette Demeure ; entre les fiançailles spirituelles et le mariage spirituel il y a la même différence qu’entre l’état de deux fiancés et celui de ceux qui ne pourront désormais se séparer.
  3. J’ai déjà dit que malgré ces comparaisons dont j’use à défaut d’en trouver de meilleures, il faut entendre qu’ici il n’est pas plus question du corps que si l’âme ne l’habitait point, et qu’elle ne soit qu’esprit ; son rôle est encore bien moindre dans le mariage spirituel ; cette union secrète s’accomplit au centre le plus profond de l’âme où doit se tenir Dieu lui-même, et, ce me semble, il n’a pas besoin de porte pour y entrer. Je dis qu’il n’a pas besoin de porte, parce que tout ce qui a été dit jusqu’ici semble se réaliser au moyen des sens et des puissances et il doit en être ainsi de cette apparition de l’Humanité du Seigneur ; mais l’union dans le mariage spirituel est bien différente. Le Seigneur apparaît en ce centre de l’âme non pas dans une vision imaginaire, mais intellectuelle, plus subtile toutefois que les précédentes : il apparut ainsi aux Apôtres, sans entrer par la porte, quand il leur dit :  » Pax vobis  » (Lc 24,35). Ce que Dieu communique alors à l’âme en un instant est un si grand mystère, une faveur si haute, la délectation de l’âme est si immense, que je ne sais à quoi la comparer ; je puis seulement dire que le Seigneur veut lui manifester à ce moment la gloire du ciel avec plus d’élévation que par toutes les visions ou plaisirs spirituels. D’après ce qu’on comprend, et on ne saurait dire plus, l’âme, c’est-à-dire l’esprit de cette âme, ne fait plus qu’une avec Dieu ; Sa Majesté, qui Elle aussi est esprit, pour montrer son amour pour nous, veut faire concevoir à certaines personnes jusqu’où va cet amour, pour que nous louions sa grandeur ; Dieu a tenu à s’unir à la créature si intimement que comme ceux qui ne peuvent désormais se séparer, il ne veut pas se séparer d’elle.
  4. Il en est autrement des fiançailles spirituelles, car souvent les fiancés se séparent, et l’union également est différente ; car bien que l’union soit la jonction de deux choses en une, elles peuvent, enfin, se séparer, et chacune d’elles se retrouver seule ; ainsi, à l’ordinaire, cette faveur du Seigneur passe vite, l’âme ensuite est privée de cette compagnie, c’est-à-dire qu’elle ne la perçoit plus. Dans cette autre faveur du Seigneur, non : l’âme demeure en ce centre avec son Dieu. On peut comparer l’union à deux cierges de cire qui s’uniraient si étroitement que leurs lurnières ne feraient qu’une, ou que la mèche, et la lumière, et la cire, ne sont qu’une même chose ; on peut toutefois séparer les cierges l’un de l’autre, et il reste deux cierges, comme on peut séparer la mèche de la cire. Ici encore, il en est comme de l’eau du ciel qui tombe dans une rivière ou dans une fontaine, tout se confond en une eau unique, jamais on ne pourra séparer ni trier l’eau de la rivière de l’eau tombée du ciel ; de même, si un petit ruisseau se jette dans la mer, il n’y aura nul moyen de l’en séparer ; et dans une pièce percée de deux fenêtres par où pénètre une vive clarté, les deux clartés, divisées à l’arrivée, se fondent en une seule.
  5. C’est peut-être ce que dit saint Paul à propos de ce sublime mariage, supposant que Sa Majesté se rapproche de l’âme par l’union :  » Celui qui s’unit au Seigneur ne fait qu’un esprit avec Lui  » (Cor 6,17). Il dit aussi :  » Mihi vivere Christus est, mori lucrum  » (Ph 1,21) ; il me semble que l’âme peut dire la même chose ici, car c’est là que le petit papillon dont nous avons parlé meurt dans une immense joie, puisque sa vie est déjà le Christ.
  6. On discerne mieux cette faveur, le temps aidant, par ses effets, car on comprend clairement que c’est Dieu qui donne vie à notre âme par de secrètes aspirations souvent si vives qu’on ne peut aucunement en douter ; l’âme les perçoit clairement, mais elles sont inexprimables ; ce sentiment est si fort qu’il se traduit parfois en paroles caressantes qu’elle ne peut contenir :  » Ô vie de ma vie et substance qui me sustente !  » et autres choses de ce genre. Car de ce sein divin, où Dieu semble continuellement nourrir l’âme, jaillissent des rayons de lait qui fortifient tous les habitants du château ; il apparaît que le Seigneur veut qu’ils jouissent un peu de tout ce dont jouit l’âme, de ce fleuve opulent où la petite fontaine s’est perdue, il jaillit parfois un jet de cette eau pour soutenir ceux qui doivent pour le corporel servir ces deux époux. Et comme une personne inattentive sentirait qu’on la baigne soudain dans cette eau et ne pourrait manquer de le sentir, ainsi, et même avec plus de certitude, on perçoit les opérations dont je parle. Car de même qu’un jet d’eau ne pourrait jaillir de rien, comme je l’ai dit, on comprend clairement qu’il y a à l’intérieur quelqu’un qui lance ces flèches et donne vie à cette vie, un soleil d’où provient une grande lumière qui se projette de l’intérieur sur les puissances. L’âme, comme je l’ai dit, ne bouge pas de ce centre, et ne perd point la paix ; car celui qui l’a donnée aux Apôtres (Jn 20,19) quand ils étaient réunis peut la lui donner, à elle aussi.
  7. Il me vient à l’idée que cette salutation du Seigneur devait signifier beaucoup plus qu’elle n’en a l’air, ainsi que ce qu’il a dit à la glorieuse Madeleine :  » Va en paix  » (Lc 7,50), car les paroles du Seigneur ont en nous valeur d’actes, elles devaient donc agir dans ces âmes déjà bien disposées, éloigner de l’âme tout ce qui est corporel afin que, pur esprit, elle puisse s’unir par cette union céleste à l’esprit incréé ; et il est très vrai que lorsque nous nous vidons de toute créature, que nous nous en détachons pour l’amour de Dieu, ce même Dieu doit nous emplir de Lui. Ainsi, un jour où Jésus-Christ Notre-Seigneur priait pour ses Apôtres, je ne sais où on le dit, il demanda que tous soient un avec le Père et avec Lu, comme Notre-Seigneur Jésus-Christ est dans le Père et le Père en Lui (Jn 17,21). Je ne sais s’il peut exister un plus grand amour que celui-là ! Et ne manquons point d’y pénétrer tous, puisque Sa Majesté a dit : e ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi, qui, grâce à leur parole, croiront en moi (Jn 17,20) et Elle dit aussi : Je suis en eux (Jn 17,23).
  8. Ô Dieu secourable, que ces paroles sont vraies, et comme l’âme qui le voit par elle-même dans cette oraison les comprend ! Et comme nous les comprendrions toutes, si nous n’y faisions pas obstacle par notre faute, puisque les paroles de Jésus-Christ notre Roi et Seigneur ne peuvent manquer de s’accomplir ! Mais nous commettons l’erreur de ne pas nous y disposer en nous écartant de tout ce qui peut faire obstacle à cette lumière, nous ne nous voyons donc pas dans ce miroir que nous contemplons, et où notre image est gravée.
  9. Pour revenir à ce que nous disions : lorsque le Seigneur a introduit l’âme dans Sa demeure, qui est le centre de l’âme elle-même, de même que le ciel empyrée où se tient Notre-Seigneur ne se meut pas, dit-on, comme les autres, dès que cette âme y pénètre, tout mouvement cesse en elle ; ni les puissances, ni l’imagination, ne peuvent lui porter tort ni lui enlever la paix. J’ai l’air de vouloir dire que lorsque l’âme a obtenu de Dieu cette faveur elle est assurée de son salut et de ne pas retomber, mais je ne dis rien de tel : chaque fois que je parlerai de cette sécurité apparente de l’âme, il s’entend qu’il en est ainsi tant que la Divine Majesté la tient par la main, pour que l’âme ne l’offense point. J’ai du moins la certitude que cette âme, bien qu’elle ait vécu dans cet état, et cela pendant des années, ne s’estime pas en sûreté ; elle craint au contraire bien plus que naguère d’offenser Dieu moindrement, elle a le vif désir de Le servir, comme on le verra plus loin, elle vit dans la peine et la confusion, sachant le peu qu’elle est capable de faire, alors qu’elle lui a tant d’obligation ; ça n’est pas une petite croix, mais une fort sérieuse mortification ; toutefois, plus cette âme se mortifie, plus grandes sont ses délices. Lorsque Dieu lui ôte la santé et les forces dont elle a besoin pour faire pénitence, c’est là sa vraie mortification ; j’ai déjà dit ailleurs le chagrin que cela cause, mais il est bien plus grand ici, et tout doit venir à l’âme du sol où elle plante ses racines; car de même que l’arbre qui est proche d’une eau courante est le plus frais, celui qui produit plus de fruits, peut-on s’étonner des désirs qu’éprouve cette âme dont l’esprit véritable ne fait qu’un avec l’eau céleste dont nous avons parlé ?
  10. Pour en revenir, donc, à ce que je disais, il ne faut pas croire que les puissances, et les sens, et les passions, jouissent toujours de cette paix ; l’âme, oui. Dans les autres Demeures, il est des combats, des moments d’épreuves et de fatigue, mais à l’ordinaire cela ne lui ôte ni sa paix, ni sa place. Ce centre de notre âme, ou cet esprit, est chose si difficile à décrire, il est même si difficile d’y croire, que je crains, mes sœurs, que faute d’avoir su m’exprimer vous ne soyez tentées de ne pas me croire ; car il est difficile de dire qu’il y a là des épreuves et des peines, mais que l’âme reste en paix. Je vais faire une ou deux comparaisons : plaise à Dieu qu’elles m’aident à expliquer quelque chose, mais si je n’y réussissais pas, je sais que je dis la vérité.
  11. Le Roi est dans son Palais, la guerre et bien des choses pénibles sévissent dans son royaume, mais il n’en reste pas moins à sa place ; de même, ici ; bien qu’il y ait un grand tumulte, beaucoup de bêtes venimeuses, dans les autres Demeures, et que tout cela fasse grand bruit, rien ne pénètre dans cette Demeure-là, et ne force l’âme à en sortir ; les choses qu’elle entend, qui toutefois lui font un peu de peine, ne parviennent pas à l’agiter et à lui ôter la paix ; les passions, déjà vaincues, ont peur de pénétrer dans cette Demeure, car elles en sortent plus asservies. Le corps tout entier nous fait mal, mais si la tête est saine, nous n’aurons pas mal à la tête du fait que nous avons mal au corps. Je ris toute seule de ces comparaisons dont je ne suis pas satisfaite, mais je n’en trouve pas d’autres ; Pensez ce que vous voudrez : tout ce que j’ai dit est la vérité.

CHAPITRE III – Des grands effets de cette oraison. L’attention et la réflexion sont nécessaires, car elle diffère des états précédents d’une manière admirable.

  1. Nous disions donc que ce petit papillon est mort dans l’immense allégresse d’avoir trouvé le repos, et que le Christ vit en lui. Voyons comment il vit, ou comment cette vie diffère de celle qu’il a connue quand il était vivant ; ce sont les effets produits dans l’âme par cette oraison qui nous montreront si ce qui fut dit est vrai. A ce que je puis entendre, ces effets sont les suivants.
  2. Le premier, un tel oubli d’elle-même que l’âme semble vraiment n’être plus, comme je l’ai dit ; elle est dans un état où elle ne se connaît plus, elle ne se souvient plus qu’il doive y avoir pour elle ni ciel, ni vie, ni honneur, tout entière occupée de l’honneur de Dieu; les paroles de Sa Majesté semblent avoir eu force d’acte lorsqu’elle lui a dit de s’inquiéter de Ses affaires, et qu’Elle s’inquiéterait des siennes. Ainsi, l’âme ne se soucie pas de ce qui peut advenir, elle est dans un étrange oubli de toute chose, car, comme je l’ai dit, elle semble n’être plus, et elle voudrait n’être rien en rien, si ce n’est lorsqu’elle comprend qu’elle peut contribuer à accroître d’un point la gloire et l’honneur de Dieu ; elle exposerait alors sa vie de très bon cœur.
  3. N’entendez pas par là, mes filles, qu’elle cesse de tenir compte de manger et de dormir, car ce n’est pas le moindre de ses tourments, ainsi que d’accomplir toutes les obligations de son devoir d’état ; nous parlons des choses intérieures, car il n’y a que peu à dire des actions extérieures ; sa peine est plutôt de voir que ses propres forces sont désormais néant. Elle ne renoncerait pour rien au monde à faire tout son possible lorsqu’elle comprend qu’il s’agit du service de Notre- Seigneur.
  4. Le second de ces effets est un grand désir de souffrir, mais il n’est plus capable de l’inquiéter, comme naguère ; son désir de voir la volonté de Dieu s’accomplir en elle est si absolu que tout ce que fait Sa Majesté lui semble bon ; s’il veut qu’elle souffre, à la bonne heure ; si non, ce refus ne la tue point, comme avant.
  5. Ces âmes éprouvent aussi une grande joie intérieure dans la persécution, et une paix croissante, sans aucune inimitié envers ceux qui leur nuisent ou cherchent à le faire ; elles s’éprennent plutôt pour eux d’un amour particulier, s’affligent tendrement si elles les voient en peine, et endureraient bien des choses pour les en libérer ; elles les recommandent à Dieu de bien bon cœur, et se réjouiraient de perdre les grâces que leur accorde Sa Majesté pour qu’Elle les reverse sur eux, afin qu’ils n’offensent plus Notre-Seigneur.
  6. Et voilà surtout ce qui m’ébahit, quand on a vu les peines et afflictions que leur causait leur désir de mourir pour jouir de Notre-Seigneur : elles ont maintenant un si grand désir de le servir, d’obtenir qu’il soit loué, et, si possible, d’aider quelques âmes, que non seulement elles ne désirent plus mourir, mais vivre de très longues années, dans les plus grandes épreuves, au cas où elles mériteraient ainsi que le Seigneur soit loué, ne serait-ce que de bien peu de chose. L’assurance que leur âme jouirait de Dieu dès qu’elle quitterait leur corps ne les influencerait point, pas plus que de songer à la gloire des saints ; elles ne désirent pas y accéder pour le moment. Elle mettent leur gloire dans l’aide qu’elles peuvent apporter au Crucifié, en particulier lorsqu’elles voient combien on l’offense, combien rares sont ceux qui considèrent vraiment son honneur, détachés de tout le reste.
  7. Il est vrai que lorsqu’il lui arrive d’oublier cela, ses désirs de jouir de Dieu et de sortir de cet exil la reprennent tendrement, surtout lorsqu’elle voit le peu de services qu’elle lui rend, mais elle se reprend bientôt, elle considère-la continuité de Sa présence en elle, et elle offre à Sa Majesté sa volonté de vivre comme l’offrande la plus coûteuse qu’elle puisse lui faire. La mort, elle ne la craint nullement, pas plus qu’elle ne craindrait un doux ravissement. Le fait est que celui qui lui communiquait ces désirs avec d’excessifs tourments lui donne maintenant ceux dont nous parlons. Qu’il soit à jamais loué et béni.
  8. Enfin, le désir de ces âmes n’est plus jamais orienté vers les régals et les plaisirs, car le Seigneur lui-même est avec elles, et c’est Sa Majesté, maintenant, qui vit en elles. Il est clair que sa vie ne fut qu’un tourment continuel, et c’est ce qu’il fait de la notre, du moins en ce qui concerne nos désirs ; quant au reste, il nous dirige en faibles que sommes, quoiqu’il nous emplisse de sa force quand il voit que nous en avons besoin. Un grand détachement de toutes choses, avec le désir constant de vivre dans la solitude, ou occupés à aider une âme. Ni sécheresses, ni épreuves intérieures, mais le souvenir de Notre-Seigneur, dans une telle tendresse que l’âme voudrait ne rien faire d’autre que de le louer ; lorsqu’elle s’en distrait, le Seigneur lui-même la réveille comme je l’ai dit, car on voit très clairement que cette impulsion, – je ne sais quel autre mot employer, – vient de l’intérieur de l’âme comme les transports dont j’ai parlé. Elle se manifeste maintenant avec une grande douceur, mais elle ne procède ni de la pensée ni de la mémoire, ni de rien qui puisse suggérer que l’âme ait agi d’elle-même. Ce réveil se produit si habituellement, et si fréquemment, qu’il a été possible de bien l’examiner ; de même qu’un feu ne projette pas sa flamme vers le bas mais vers le haut, si grand soit le feu qu’on veuille allumer, on constate ici que ce mouvement intérieur vient du centre de l’âme et éveille les puissances.
  9. Certes, quand bien même on ne trouverait sur cette voie de l’oraison d’autre bénéfice que celui de comprendre le soin particulier que Dieu a de communiquer avec nous et de nous prier de nous y prêter, car on ne peut y voir autre chose, enfin, de nous garder auprès de lui, j’estime bien employées toutes les peines par lesquelles on passe pour jouir de ces attouchements de son amour, si suaves et si pénétrants. Cela, mes sœurs, vous l’avez sans doute éprouvé ; car lorsqu’on atteint à l’oraison d’union, je pense que le Seigneur y veille, si nous ne négligeons pas d’observer ses commandements. Lorsque cela vous arrivera, rappelez-vous ce qu’il en est de cette Demeure intérieure où Dieu vit en notre âme, et louez-le beaucoup ; car, vraiment, il vient de lui, ce message, ou billet écrit avec tant d’amour, de manière à vous signifier qu’il veut que vous- soyez seule à comprendre cette écriture, et ce qu’il vous demande. Ne manquez sous aucun prétexte de répondre à Sa Majesté, même si vous êtes occupée extérieurement et en conversation avec plusieurs personnes, car il arrivera souvent que Notre-Seigneur veuille vous faire en public cette faveur secrète, et comme votre réponse doit être intérieure, il est très facile d’agir comme je le dis par un acte d’amour, ou en disant comme saint Paul :  » Que voulez-vous de moi, Seigneur ?  » Il vous enseignera bien des façons de lui être agréable, au moment même où nous croyons comprendre qu’il nous écoute ; et cet attouchement si délicat dispose presque toujours l’âme à accomplir ce qui lui a été demandé avec une ferme volonté.
  10. Cette Demeure se différencie donc des autres par ce que je viens de dire : on n’y trouve presque jamais la sécheresse ni les agitations intérieures qu’on a connues par moments dans toutes les autres, mais l’âme y est presque toujours dans la quiétude ; ne craignez pas que le démon puisse contrefaire ce si haut état de grâce, mais soyez intimement persuadée qu’il provient de Dieu seul ; car, comme je l’ai dit, ni les sens ni les puissances n’ont rien à voir ici ; Sa Majesté s’est découverte à l’âme, Elle l’a introduite avec elle là où à mon avis le démon n’oserait entrer et d’ailleurs le Seigneur ne le lui permettrait point ; toutes les grâces qu’il accorde ici ne doivent rien aux efforts de l’âme elle-même, comme je l’ai dit, sauf celui de se livrer tout entière à Dieu.
  11. Les progrès que le : Seigneur fait ici accomplir à l’âme, les enseignements qu’il lui donne, tout cela se passe dans un silence qui me rappelle la construction du temple de Salomon, où on ne devait entendre aucun bruit ; ainsi, dans ce temple de Dieu, dans cette sienne demeure, Lui seul et l’âme jouissent l’un de l’autre, dans un immense silence. L’entendement n’a aucune raison de s’agiter ni de chercher ; le Seigneur qui l’a crée veut l’apaiser ici, et qu’il regarde par une étroite rainure ce qui se passe. Il est des moments où il ne voit plus rien, car on ne lui permet plus de regarder, mais ces intervalles sont brefs ; car, ce me semble, on ne perd pas ici l’usage des puissances, mais elles n’agissent pas, et sont comme ébahies.
  12. Je le suis de voir que lorsque l’âme elle arrive là, elle cesse d’avoir des ravissements, (j’entends en particulier la perte des sens) si ce n’est de temps en temps, et alors même sans rapts ni envols de l’esprit ; ils sont très rares et n’ont presque jamais lieu en public, comme naguère où c’était fréquemment le cas ; ils ne sont plus provoqués comme alors par ce qui excitait sa dévotion, car lorsqu’elle voyait une image pieuse ou entendait un sermon, ne fût-ce qu’un fragment, ou de la musique, le pauvre petit papillon était si anxieux que tout l’étonnait, et qu’il s’envolait. Maintenant, soit que l’âme ait trouvé son repos, soit qu’elle ait vu tant de choses en cette Demeure elle ne s’estompe plus de rien, elle n’est plus comme naguère, solitaire, puisqu’elle jouit d’une telle compagnie, Enfin, mes sœurs, j’en ignore la cause, mais dés que le Seigneur commence à montrer à l’âme ce qui se trouve en cette Demeure et à l’y introduire, elle est guérie de la grande faiblesse qui lui a causé tant de peines et dont jamais auparavant elle ne s’était libérée. Il se peut que le Seigneur l’ait fortifiée, élargie, et habilitée ; il se peut aussi qu’il veuille montrer publiquement ce qu’il a opéré secrètement dans ces âmes, à des fins que Sa Majesté connaît seule, car Ses jugements dépassent tout ce que nous pouvons imaginer ici-bas.
  13. Ces effets, comme tous les autres dont nous avons dit qu’ils sont bons dans les degrés d’oraison déjà décrits, Dieu les suscite lorsqu’il attire l’âme à Lui, et lui donne le baiser que réclamait l’épouse ; car j’entends que ce qu’elle demandait s’accomplit dans cette Demeure. Ici, à cette biche blessée, on donne l’eau en abondance. Ici, elle se délecte dans le tabernacle de Dieu. Ici, la colombe que Dieu envoya voir si la tempête était apaisée trouve l’olive, signe qu’elle a trouves la terre ferme sous les eaux et les tempêtes de ce monde. Ô Jésus ! Que ne puisée connaître tout ce que doivent contenir les Écritures pour décrire cette paix de l’âme ! Mon Dieu, qui en connaissez la valeur, faites que les Chrétiens veuillent bien la chercher, et, dans votre miséricorde, ne la retirez pas à ceux à qui vous l’avez donnée ; car, enfin, jusqu’à ce que vous leur accordiez la véritable paix, et que vous les conduisiez là où elle ne finira jamais, nous devons vivre dans la crainte. Lorsque je parle de la véritable paix, je n’entends pas que celle-ci ne soit point vraie, mais que la guerre pourrait éclater de nouveau si nous nous écartions de Dieu.
  14. Qu’éprouvent ces âmes lorsqu’elles voient qu’un si grand bien pourrait leur faire défaut ? Cela les oblige à plus de vigilance, à tirer force de faiblesse pour ne rien négliger par leur faute de ce qui s’offre à elles pour mieux plaire à Dieu. Plus Sa Majesté les favorise, plus elles sont craintives et plus elles ont peur d’elles- mêmes. Et comme au milieu de ces grandeurs elles ont mieux connu leurs misères et que leurs péchés leur semblent d’autant plus graves, souvent, comme le Publicain, elles n’osent plus lever les yeux ; il en est d’autres qui désirent cesser de vivre pour être en sécurité, mais bientôt, pour l’amour de Lui, elles recommencent à vouloir vivre pour le servir, comme je l’ai dit et remettent tout ce qui les concerne à sa miséricorde. Quelquefois, l’excès des faveurs les anéantit à tel point qu’elles craignent quel n’en soit d’elles comme d’un navire si lourdement chargé qu’il coule à pic.
  15. Je vous le dis, mes sœurs, elles n’en portent pas moins leur croix, mais cela ne les inquiète point et ne leur ôte pas la paix ; quelques tempêtes passent vite, comme une vague, et le calme revient ; car la présence constante du Seigneur en elles leur fait tout oublier. Qu’il soit toujours béni et loué par toutes ses créatures. Amen.

CHAPITRE IV – Des buts que poursuit Notre-Seigneur quand il accorde à l’âme de si hautes faveurs, et de la nécessité pour Marthe et Marie de vivre unies. Chapitre fort profitable.

  1. N’allez pas croire, mes sœurs, que ces effets dont j’ai parlé soient immuables dans ces âmes ; c’est pourquoi, lorsque j’y pense, je précise que tel est, à l’ordinaire, leur état ; car Notre-Seigneur les abandonne parfois à leur naturel et on dirait alors que toutes les bêtes venimeuses des faubourgs et premières Demeures de ce château se conjurent pour se venger du temps où elles ne les ont pas elles à leur portée.
  2. Il est vrai que cet état dure peu ; souvent un jour, ou un peu plus. Et dans ce grand tumulte, suscité d’ordinaire par une circonstance quelconque, on voit ce que l’âme gagne à vivre en si bonne compagnie ; le Seigneur lui donne une grande fermeté pour qu’elle ne se détourne jamais de le servir et tienne ses bonnes résolutions ; ces résolutions semblent plutôt se fortifier, elle ne s’en écarte même pas d’un infime premier mouvement. Comme je le dis, les écarts sont rares, mais Notre-Seigneur veut que l’âme ne perde pas le souvenir de ce qu’elle est, d’abord pour qu’elle soit toujours humble, ensuite pour qu’elle comprenne mieux ce qu’elle doit à Sa Majesté, la grandeur de la faveur qu’elle reçoit, et qu’elle l’en loue.
  3. Il ne doit pas non plus vous passer par l’esprit que du fait que ces âmes ont le si vif désir et la si ferme détermination de ne faire pour rien au monde quoi que ce soit d’imparfait, elles ne succombent jamais et ne commettent aucun péché. Volontairement, non, et le Seigneur doit leur accorder pour cela une aide toute particulière. Je parle de péchés véniels, car, autant qu’elles puissent le déceler, elles sont affranchies des mortels ; ce n’est toutefois pas une certitude, le moindre de leurs tourments n’est pas de se demander si elles n’en ont pas commis qu’elles ignorent. Un autre de leurs tourments, ce sont les âmes qui se perdent ; bien qu’elles aient en quelque sorte grand espoir de ne pas être dans ce cas, quand elles se souviennent de certains personnages dont il est dit dans l’Écriture qu’ils semblaient favorisés de Dieu, tel un Salomon, qui eut des rapports si étroits avec Sa Majesté, elles ne peuvent manquer d’avoir des craintes, comme je l’ai dit. Que celle d’entre vous qui serait le plus sure d’elle soit la plus craintive ; car Heureux l’homme qui craint Dieu dit David (Ps 61,1). Plaise à Sa Majesté de nous garder toujours ; la plus grande assurance que nous pussions avoir est de toujours supplier Dieu de ne pas nous permettre de l’offenser. Qu’il soit loué à jamais. Amen.
  4. Il sera bon, mes sœurs, de vous dire dans quel but le Seigneur accorde tant de faveurs en ce monde. Les effets ont du vous le faire comprendre, si vous avez été attentives, mais je veux toutefois vous en reparler ici, pour qu’aucune d’entre vous n’imagine qu’il ne cherche qu’à choyer ces âmes, ce serait une grave erreur ; Sa Majesté ne peut nous accorder une plus grande faveur que de nous faire vivre dans l’imitation de la vie de son Fils tant aimé ; j’ai donc la certitude que ces faveurs tendent à fortifier notre faiblesse, comme je l’ai parfois dit ici, afin que nous sachions, à son exemple, beaucoup souffrir.
  5.  Nous avons toujours vu ceux qui ont vécu le plus près du Christ Notre-Seigneur subir les plus grandes épreuves. Considérons celles de sa glorieuse Mère et des glorieux Apôtres. Par quel moyen supposez-vous que saint Paul ait pu supporter ses immenses épreuves ? Nous pouvons juger d’après lui des effets des vraies visions et de la contemplation quand elles émanent de Notre-Seigneur et qu’il ne s’agit pas de nos imaginations ou d’une tromperie du démon. Est-il allé se cacher, d’aventure pour jouir de ces délices, sans s’occuper de rien d’autre ? Vous le voyez, jamais il n’eut de répit le jour, à notre connaissance ; et il ne dut pas non plus en avoir la nuit, puisqu’il l’employait à gagner de quoi manger (1Th 2,9). J’aime beaucoup saint Pierre, qui, lorsque Notre-Seigneur lui apparut alors qu’il s’enfuyait de prison lui dit qu’il allait à Rome pour être crucifié à nouveau. Jamais nous ne célébrons la fête où ce fait est conté sans que ce me soit un réconfort tout particulier. Qu’en fut-il de saint Pierre après cette faveur du Seigneur, ou que fit-il ? Marcher immédiatement à la mort ; et qu’il trouve quelqu’un pour la lui donner ne fut pas la moindre des miséricordes du Seigneur.
  6. Ô mes sœurs, quel oubli de son repos, quel mépris de son honneur, quel éloignement de toute recherche d’estime, chez l’âme qu’habite si particulièrement le Seigneur ! Comme elle vit beaucoup avec Lui, il est juste qu’elle ne pense guère à elle-même ; sa mémoire s’emploie toute à chercher le meilleur moyen de le contenter, que faire dans ce but, et comment lui montrer son amour. Tel est le but de l’oraison, mes filles ; voilà à quoi sert ce mariage spirituel : donner toujours naissance à des œuvres, des œuvres.
  7. C’est à cela qu’on reconnaît vraiment que cette faveur est octroyée par Dieu, comme je vous l’ai déjà dit ; car il ne m’est guère utile de vivre très recueillie dans la solitude, d’agir avec Notre-Seigneur, de proposer et promettre de réaliser des merveilles à son service si, aussitôt sortie de là, à la moindre occasion, je fais tout le contraire. En disant que ça n’est guère utile, je me suis mal exprimée, car tout le temps qu’on passe avec Dieu est fort utile, et ces résolutions, même si nous sommes ensuite trop faibles pour les accomplir, Sa Majesté nous donnera un jour ou l’autre le moyen de les respecter, même malgré nous, comme c’est souvent le cas ; car lorsque le Seigneur voit qu’une âme est fort lâche, il lui impose une très lourde épreuve, contre sa volonté, mais dont elle tire grand avantage ; par la suite, l’âme qui a compris cela perd toute crainte de s’offrir à Lui plus généreusement. J’ai voulu dire que c’est peu de chose, en comparaison de ce qu’on obtient quand les œuvres sont conformes aux actes et aux paroles ; et celle qui n’y parviendrait pas d’un seul coup doit chercher à y arriver peu à peu. Qu’elle travaille à fléchir sa volonté, si elle veut que l’oraison lui soit profitable ; de nombreuses occasions de le faire ne lui manqueront pas, dans le petit recoin où vous vivez.
  8. Considérez que c’est beaucoup plus important que je ne saurais dire. Fixez votre regard sur le Crucifix, et tout vous semblera facile. Alors que Sa Majesté nous a manifesté son amour par tant d’actes et d’épouvantables tourments, comment voulez-vous ne le satisfaire qu’avec des mots ? Être un vrai spirituel, savez- vous ce que cela signifie ? C’est se faire les esclaves de Dieu ; ceux-là sont marqués, au fer, du signe de la croix, car ils lui ont déjà aliéné leur liberté pour qu’il puisse les vendre comme esclaves à tout le monde, comme il le fut lui-même ; il ne leur fait ainsi nulle injure, mais une grande faveur. Que ceux qui ne se résoudraient pas à cela n’aient crainte, ils ne feront pas de grands progrès, car, comme je l’ai dit, l’humilité est le fondement de tout cet édifice ; le Seigneur ne voudra pas les élever très haut, si elle n’est pas très sincère ; cela, pour votre bien, afin de leur éviter de s’effondrer. Donc, mes sœurs, pour que cet édifice ait de bonnes fondations, tâchez d’être la plus petite de toutes, l’esclave de toutes vos sœurs, cherchez comment et en quoi vous pouvez leur être agréable et les servir ; ce que vous ferez ainsi, vous le ferez pour vous plus que pour elles, car vous poserez des pierres si solides que votre château ne pourra s’écrouler.
  9. Je répète qu’il faut pour cela que vos fondations ne portent pas seulement sur la prière et la contemplation, car si vous ne recherchez pas les vertus, si vous ne vous exercez pas à les pratiquer, vous ne serez jamais que des naines ; et même plaise à Dieu qu’il ne s’agisse que de ne pas grandir, vous savez que celui qui ne croît pas décroît ; et j’estime impossible que l’amour là où il est, se contente d’être toujours le même.
  10. Il vous semblera que je parle à ceux qui, ayant débuté, peuvent désormais se reposer. Je vous ai déjà dit que le repos intérieur dont jouissent ces âmes aboutit à leur retirer en partie leur repos extérieur, et à leur faire désirer de n’en avoir aucun. A quoi tendent, selon vous, ces inspirations dont j’ai parlé, ou pour mieux dire, ces aspirations, ces messages que l’âme envoie du centre intérieur aux gens du sommet du château et aux demeures situées à l’extérieur de celle où elle se trouve ? Sont-ce des invitations à se coucher pour dormir ? Non, non, non ; pour que les puissances, les sens, et tout ce qui est corporel ne restent pas oisifs, elle leur fait bien plus rudement la guerre qu’elle ne la leur a jamais faite quand elle souffrait avec eux ; car alors elle ne comprenait pas le si grand bienfait que sont les épreuves dont Dieu s’est servi, d’aventure, pour l’amener où elle est, et la compagnie qu’elle trouve ici lui donne plus de force qu’elle n’en a jamais eu. David dit que nous serons saints avec les saints (Ps 17,26), nous ne pouvons donc pas en douter : lorsque l’âme ne fait plus qu’une avec Celui qui est fort par l’union si souveraine de l’esprit avec l’esprit, la force est contagieuse, et nous verrons ainsi celle dont les saints ont fait preuve pour souffrir et mourir.
  11. Il est absolument vrai que l’âme communique la contagion de cette force à tous ceux qui sont dans le château et au corps lui-même, qu’elle semble souvent ignorer ; sa vigueur, soutenue par le vin qu’elle boit dans cette cave où son Époux l’a amenée et d’où il ne la laisse pas sortir, retentit sur le faible corps, comme ici-bas la nourriture qu’on met dans l’estomac donne des forces à la tête et à tout le corps. Le corps est donc bien infortuné, tant qu’il vit : il a beau faire, la force intérieure surpasse de beaucoup la sienne, l’âme lui fait la guerre et estime que ça n’est rien. De là, sans doute, les grandes pénitences auxquelles se sont livrés de nombreux saints, en particulier la glorieuse Madeleine, qui avait été élevée dans un tel bien-être ; et la faim de l’honneur de Dieu qu’éprouva notre Père Élie (1R 19,10), celle que saint Dominique, saint François, ont eue d’inciter les âmes à le louer ! Je vous le dis, oublieux d’eux-mêmes, ils n’ont guère du s’épargner.
  12. Voilà, mes sœurs, ce que je veux que nous tâchions d’atteindre ; et pas pour jouir, mais pour servir, désirons ces forces, et occupons-nous, par l’oraison, de les obtenir. Ne cherchons pas à suivre un chemin non frayé, nous nous y perdrions au meilleur moment, et il serait inouï de croire obtenir ces faveurs de Dieu sur une voie autre que celle qu’il a suivie, et qu’ont parcourue tous ses saints ; que cela ne nous passe pas par l’esprit ; croyez-moi, Marthe et Marie doivent offrir ensemble l’hospitalité au Seigneur, le retenir toujours auprès d’elles, et ne pas lui faire mauvais accueil en ne lui donnant pas à manger. Comment Marie, toujours assise à ses pieds, le nourrirait-elle, si sa sœur ne l’aidait point ? Sa nourriture, c’est l’effort que nous faisons de rapprocher les âmes de Lui par tous les moyens possibles, pour qu’elles se sauvent et ne cessent de le louer.
  13. Vous allez me dire deux choses : d’abord, Il a dit que Marie a choisi la meilleure part (Lc 10,42). Mais elle avait déjà rempli l’office de Marthe et choyé le Seigneur en lui lavant les pieds, en les essuyant de ses cheveux (Lc 7,37-38). Pensez-vous qu’une dame comme elle ne fut guère mortifiée d’aller par les rues, peut-être même seule, car son ardeur était telle qu’elle ne savait ce qu’elle faisait d’entrer là où jamais elle n’était entrée, d’être ensuite en butte aux médisances du pharisien, suivies de bien d’autres dont elle eut a souffrir ? Voir dans la ville une femme comme elle manifester un tel changement, aux yeux, comme nous le savons, de si méchantes gens qui haïssaient le Seigneur à tel point qu’il leur suffisait de voir qu’elle était liée d’amitié avec Lui pour qu’ils évoquent la vie qu’elle avait menée, et disent qu’elle voulait maintenant faire la sainte ; car il est clair qu’elle changea immédiatement ses vêtements et tout le reste. Il en est bien ainsi de nos jours, à propos de personnes qui ont moins de renom : que put-il en être alors ? Je vous le dis, mes sœurs, la meilleure part venait après beaucoup d’épreuves et de mortifications ; voir qu’on haïssait son Maître fut déjà pour elle une épreuve intolérable. Et que n’a-t-elle souffert lors de la mort du Seigneur ? Je crois, à part moi, que si elle n’a pas subi le martyre, c’est que voir mourir le Seigneur fut un martyre pour elle, et les années qu’elle a vécu sans lui furent sans doute aussi un terrible tourment ; on voit donc bien qu’elle n’a pas toujours vécu dans les régals de la contemplation, aux pieds du Seigneur.
  14. Vous direz encore que vous ne pouvez pas, faute de moyen, rapprocher des âmes du Seigneur ; vous le feriez de grand cœur, mais sans pouvoir ni enseigner, ni prêcher comme les Apôtres, vous ne savez comment vous y prendre. J’ai répondu plusieurs fois par écrit à cette question, et peut-être même dans ce Château (Le Chemin de la Perfection, chap 1 et 3) ; Pensées, chap. 2 et 7). Toutefois je ne manquerai pas de le marquer ici, car vu le désir que vous insuffle le Seigneur, je crois que cela vous préoccupe. Je vous ai d’ailleurs dit que le démon, parfois, nous inspire de grands désirs qui nous empêchent de mettre en œuvre ce qui est à portée de notre main pour servir Notre-Seigneur dans les choses possibles, et que nous nous contentions d’avoir désiré faire l’impossible. Sans parler de l’aide que vous apportez avec l’oraison, ne cherchez pas à être utiles au monde entier, mais a celles qui vivent en votre compagnie ; votre action, ainsi, sera plus efficace, et c’est à leur égard que vous avez le plus d’obligations. Pensez-vous n’avoir guère à gagner si, du fait de votre grande humilité ainsi que de votre mortification, serviables envers toutes vos sœurs, débordantes d’une charité jointe à un amour du Seigneur tel que ce feu les embrase toutes, vous les tenez constamment en éveil par tout cela et vos autres vertus ? Ainsi, vous servirez le Seigneur non seulement abondamment, mais d’une manière qui lui sera très agréable, c’est dans vos moyens, et ce que vous accomplirez ainsi montrera à Sa Majesté que vous pourriez faire beaucoup plus ; il vous récompensera donc autant que si vous lui gagniez beaucoup d’âmes.
  15. Vous direz que ce n’est convertir personne, puisque toutes vos sœurs sont excellentes. De quoi vous mêlez-vous ? Leurs louanges seront d’autant plus agréables au Seigneur qu’elles sont meilleures, et leurs prières pour le prochain d’autant plus profitables. Enfin, mes sœurs, voici ma conclusion : ne construisons pas de tour sans fondement, car le Seigneur considère moins la grandeur des œuvres que l’amour avec lequel on les fait ; et si nous faisons ce que nous pouvons, Sa Majesté nous aidera à faire chaque jour davantage si nous ne nous lassons pas bientôt ; le peu de temps que dure cette vie, et elle sera peut-être plus brève que chacune de nous ne l’imagine, offrons intérieurement et extérieurement au Seigneur le sacrifice qui est à notre portée, Sa Majesté l’unira à celui qu’Elle offrit pour nous au Père sur la croix, lui conférant ainsi la valeur que mérite notre amour, même si nos œuvres sont petites.
  16. Plaise à Sa Majesté, mes sœurs et mes filles, de nous réunir toutes là où nous le louerons à jamais, et qu’Elle m’accorde la grâce d’accomplir un peu de ce que je vous recommande, par les mérites de son Fils, qui vit et règne à jamais, amen ; car je vous le dis, ma confusion est grande, je vous demande donc, par ce même Seigneur, de ne pas oublier dans vos prières cette pauvre misérable.
JHS
  1. Lorsque j’ai du commencer à écrire ce qui précède, je fus bien contrariée, comme je l’ai dit au début ; mais depuis que j’ai terminé, ma joie est vive, et je tiens pour bien employée ma peine, qui, d’ailleurs, je le confesse, fut fort légère. Considérant l’étroite clôture dans laquelle vous vivez, et vos rares distractions, mes sœurs, cela joint au fait que vous n’êtes pas assez largement logées dans certains monastères, vous trouverez, je le crois, de la consolation, à vous délecter dans ce château intérieur ; là, sans autorisation des supérieures, vous pouvez entrer et vous promener à n’importe quelle heure.
  2. Il est vrai que vous ne pouvez pénétrer dans toutes les Demeures par vos propres forces, si grandes qu’elles vous paraissent, à moins que le Seigneur du château lui-même ne vous y installe. C’est pourquoi je vous recommande de ne pas insister si vous trouvez la moindre résistance : ce serait tellement le mécontenter que jamais il ne vous laisserait y pénétrer. Il aime beaucoup l’humilité. Si vous vous jugez même incapables de mériter de pénétrer dans les troisièmes Demeures, vous obtiendrez de Lui d’atteindre les cinquièmes beaucoup plus promptement ; et de là, vous pourrez le servir de telle façon que vous y retournerez souvent, et qu’il vous introduira dans la Demeure même qu’il se réserve, à Lui, pour n’en jamais plus sortir, sauf à l’appel de la Prieure, à qui ce grand Seigneur veut que vous obéissiez comme à lui-même. Aussi souvent que vous vous absentiez, vous trouverez la porte ouverte au retour. Et une fois habituée à jouir de ce château, vous trouverez votre repos en toutes choses, si pénibles soient-elles, du seul fait de votre espoir d’y revenir, sachant que nul ne peut vous en empêcher.
  3. Bien que je ne parle que de sept Demeures, elles sont nombreuses dans chacune d’elles, en bas, en haut, sur les côtés, avec de beaux jardins, des fontaines, et des choses si délicieuses que vous souhaiterez vous anéantir dans la louange du grand Dieu qui a créé ce château à son image et ressemblance. Si vous trouvez quelque chose de bien dans ces nouvelles de Dieu que, par ordre, je vous ai données, croyez vraiment que Sa Majesté les a dites pour votre joie ; ce que vous jugerez mal dit est de moi.
  4. Dans mon grand désir de contribuer un peu à vous aider à servir mon Dieu et mon Seigneur, je vous demande, chaque fois que vous lirez ceci, de beaucoup louer Sa Majesté en mon nom, de lui demander l’exaltation de son Église, et la lumière pour les luthériens ; quant à moi, qu’Elle me pardonne mes péchés et me sorte du purgatoire ; j’y serai peut-être, par la miséricorde de Dieu, quand on vous donnera à lire cet écrit, si on estime bon de le faire après que de doctes hommes l’auront examiné. Si J’ai erré en certaines choses, ce sera faute d’avoir compris, puisque je me soumets en toute chose à ce qu’enseigne la sainte Église Catholique Romaine, en qui je vis, et je proteste, et je promets de vivre et mourir. Que Dieu Notre-Seigneur soit à jamais loué et béni. Amen. Amen.
  5. Cet écrit fut achevé dans le Monastère de Saint Joseph d’Avila, année 1627, vigile de la Saint-André, à la gloire de Dieu, qui vit et règne à jamais. Amen.