Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 18, 19

Chapitre 18 – Soulagement des âmes

Saint Malachie à Clairvaux

Nous ne devons point ici omettre le récit de la grâce toute particulière, qui valut à S. Malachie sa grande charité envers les âmes du purgatoire. Un jour qu’il se trouvait avec plusieurs personnes pieuses et les entretenait familièrement des choses spirituelles, il vint à parler du dernier passage. « Si on laissait, dit-il, à « chacun de vous le choix, à quel jour et en quel lieu souhaiteriez-vous de mourir ? » A cette question les uns indiquaient une fête, les autres une autre; ceux-ci tel endroit et ceux-là tel autre. Quand ce fut au tour du Saint de manifester sa pensée, il dit qu’il ne finirait nulle part plus volontiers sa vie qu’au monastère de Clairvaux, gouverné par S. Bernard, afin de jouir tout de suite des sacrifices de ces fervents religieux; et quant au temps, il préférerait, disait-il, le jour de la Fête des morts, afin d’avoir part à toutes les messes, à toutes les prières, qui se font ce jour-là pour les défunts dans tout le monde catholique.

Ce souhait de sa piété fut accompli de point en point. Il se rendait à Rome auprès du Pape Eugène III, quand, arrivé à Clairvaux, peu avant la Toussaint, il fut surpris par une grave maladie, qui l’obligea de s’arrêter dans cette pieuse maison. Il comprit bientôt que le Seigneur avait exaucé ses vœux, et s’écria avec le prophète: C’est ici le lieu de mon repos pour toujours: j’y demeurerai parce que je l’ai choisi (Psalm. 131). En effet le lendemain de la Toussaint, tandis que toute l’Église priait pour les défunts, il rendit son âme au Créateur.

La sœur Zénaïde

Nous avons connu, dit l’abbé Postel, une sainte religieuse, la sœur Zénaïde P. qui, attaquée d’une maladie affreuse depuis plusieurs années, demandait à Notre-Seigneur la grâce de mourir le jour de la Commémoration des morts, pour lesquels elle avait eu toujours une grande dévotion. Il lui fut accordé comme elle désirait. Le 2 novembre au matin, après deux ans de souffrances, supportées avec le courage le plus chrétien, elle se mit à chanter un cantique d’action de grâces, et expira doucement quelques instants avant l’heure où commence la célébration des messes dans toutes les églises.

Le sacrifice de la Messe – Le vénérable Joseph Anchieta et la messe de Requiem

On sait qu’il y a dans la liturgie catholique une messe spéciale pour les défunts: elle se célèbre en ornement noir et on la nomme messe de Requiem. On pourrait demander si cette messe est plus profitable aux âmes que les autres ? – Le sacrifice de la Messe, malgré la diversité des cérémonies est toujours le même, le sacrifice infiniment saint du Corps et du Sang de Jésus-Christ. Mais comme la messe des morts contient des prières particulières pour les âmes, elle leur obtient aussi des secours particuliers, du moins toutes les fois que les règles liturgiques permettent au prêtre de célébrer en noir. Cette opinion fondée sur l’institution et la pratique de l’Église, se trouve confirmée par un fait que nous lisons dans la vie du vénérable Père Joseph Anchieta.

Ce saint religieux de la Compagnie de Jésus, surnommé à juste titre le thaumaturge du Brésil, avait comme tous les saints une grande charité pour les âmes du purgatoire. Un jour, c’était pendant l’octave de Noël, où l’Église défend les messes de Requiem, le 27 décembre, fête de S Jean l’Évangéliste, cet homme de Dieu au grand étonnement de tous, monta à l’autel en ornement noir et célébra une messe de morts.

Son supérieur, le Père Nobréga, connaissant la sainteté d’Anchieta, ne doutait point qu’il n’agit par inspiration divine; néanmoins pour ôter à cette conduite le caractère d’irrégularité qu’elle paraissait avoir, il le reprit devant tous ses confrères. « Eh ! Quoi, mon Père, lui dit-il, ne savez-vous pas que l’Église « défend de célébrer en noir aujourd’hui ? Avez-vous donc oublié les règles « liturgiques ? » – Le bon Père, humble et obéissant, répondit avec une respectueuse simplicité que Dieu lui avait fait connaître la mort d’un Père de la Compagnie. Ce Père, son ancien condisciple à l’université de Coïmbre, et qui résidait pour lors en Italie au collège de la sainte Maison de Lorette, était mort cette nuit-là même. « Dieu, ajouta-t-il, en m’en donnant connaissance, m’a fait « comprendre que je devais aussitôt offrir pour lui le saint Sacrifice et faire tout « ce qui était en mon pouvoir pour soulager cette âme. – Mais, continua le « supérieur, savez-vous si la sainte Messe célébrée, comme vous l’avez fait, lui a « été utile ? – Oui, repris modestement Anchieta: immédiatement après la « commémoraison des morts, lorsque je disais ces paroles: A Dieu le Père Tout-Puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et gloire ! le Seigneur m’a « fait voir cette chère âme, délivrée de toute peine, monter au ciel, où l’attendait « la couronne. »

Chapitre 19 – Soulagement des âmes

Le sacrifice de la Messe

Nous venons de parler de l’efficacité du saint Sacrifice de la Messe pour le soulagement des âmes. C’est la foi vive à ce consolant mystère qui enflamme la dévotion des vrais fidèles, et adoucit l’amertume de leur deuil. La mort leur enlève-t-elle un père, une mère, un ami ? Ils tournent leurs yeux mouillés vers l’autel, qui leur offre le moyen de témoigner au cher défunt leur amour et leur reconnaissance. De là ces messes nombreuses qu’ils font célébrer, de là cet empressement pieux à assister en faveur des défunts au sacrifice de propitiation.

La vénérable Mère Agnès et la sœur Séraphique

La vénérable Mère Agnès de Langeac, religieuse Dominicaine dont nous avons déjà parlé, assistait à la sainte Messe avec la plus grande dévotion, et engageait ses sœurs à la même ferveur. Elle leur disait que ce divin sacrifice est l’action la plus sainte de la religion, l’œuvre de Dieu par excellence; et elle leur rappelait la parole des Livres saints: maudit soit celui qui fait l’œuvre de Dieu négligemment. Une sœur de la communauté, nommée sœur Séraphique, vint à mourir: elle n’avait pas assez tenu compte des salutaires avis de sa supérieure, et fut condamnée à un rude purgatoire.

La mère Agnès en eut connaissance. Dans un ravissement, elle se trouva en esprit au lieu des expiations, y vit beaucoup d’âmes dans les flammes, et reconnut parmi elles la sœur Séraphique, qui d’une voix lamentable lui demandait du secours. Touchée de la plus vive compassion, la charitable Supérieure fit tout ce qu’elle put pendant huit jours: elle jeûnait, communiait et assistait à la sainte Messe, pour la chère défunte. Comme elle priait avec beaucoup de larmes et de gémissements, conjurant la divine miséricorde par le précieux sang de Jésus-Christ, qu’il lui plût de tirer sa chère fille des flammes, et de l’admettre au bonheur de voir sa face; elle entendit une voix qui lui disait: Continue encore de prier, il n’est pas temps de la délivrer. La mère Agnès persévéra avec confiance, et deux jours après, tandis qu’elle assistait au divin sacrifice, au moment de l’élévation, elle vit l’âme de sœur Séraphique monter au ciel avec une extrême joie. Cette vue si consolante fut la récompense de sa charité et enflamma d’une nouvelle ardeur sa dévotion au saint Sacrifice de la messe.

Marguerite d’Autriche – L’archiduc Albert

Les familles, chrétiennes, où règne l’esprit de foi, se font un devoir de faire célébrer un grand nombre de messes pour leurs morts, selon leur condition et leur fortune: elles s’épuisent en de saintes prodigalités, pour multiplier les suffrages de l’Église et soulager ainsi les âmes. Il est rapporté dans la Vie de la reine Marguerite d’Autriche, femme de Philippe III, qu’en un seul jour, qui fut celui de ses obsèques, on célébra dans la ville de Madrid, près de onze cents messes pour le repos de son âme. Cette Princesse avait demandé mille messes dans son testament; le roi en fit ajouter vingt mille. – Quand l’archiduc Albert mourut à Bruxelles, sa veuve, la pieuse Isabelle, fit célébrer pour lui quarante mille messes; et pendant un mois tout entier, elle-même en entendit dix par jour, avec la plus grande piété (Le Père Munford, Charité envers les défunts).

Le Père Mancinelli

Un des plus parfaits modèles de la dévotion à la sainte messe et de la charité envers les âmes du purgatoire, fut le Père Jules Mancinelli de la Compagnie de Jésus. Les Sacrifices offerts par ce digne religieux, dit le P. Rossignoli (Merveille 23), semblaient avoir auprès du Seigneur une efficacité particulière pour le soulagement des défunts.

Les âmes lui apparaissaient fréquemment pour lui demander la grâce d’une seule messe.

César Costa, oncle du P. Mancinelli, était archevêque de Capoue. Un jour rencontrant son saint neveu fort pauvrement vêtu, malgré la rigueur du froid, il lui donna avec beaucoup de charité une aumône pour se procurer un manteau. A quelque temps de là, l’Archevêque mourut; et le Père étant sorti pour visiter ses malades, couvert de son nouveau vêtement, vit son oncle défunt venir à lui tout entouré de flammes, le suppliant de lui prêter son manteau. Le Père le lui donna, et le défunt s’en étant enveloppé, ses flammes s’éteignirent aussitôt. Mancinelli comprit que cette âme souffrait dans le purgatoire et qu’elle lui demandait de la soulager dans ses peines, en retour de la charité dont elle avait usé à son égard. Aussi, reprenant son manteau, il lui promit de prier pour elle avec le plus grand zèle, surtout à l’autel du Seigneur.

Ce fait fut si notoire et produisit une si salutaire impression, qu’après la mort du Père, on le reproduisit sur un tableau qui se conserve au collège de Macerata, sa patrie. On y voit le P. Jules Mancinelli à l’autel, revêtu des ornements sacerdotaux; il est un peu élevé au-dessus du marchepied de l’autel, pour signifier les ravissements dont Dieu le favorisait. De sa bouche sortent des étincelles, image de ses brûlantes prières et de sa ferveur pendant le saint Sacrifice. Au-dessous de l’autel on aperçoit le purgatoire et les âmes qui y reçoivent le bienfait des suffrages. Au-dessus, deux anges puisent dans des vases précieux et répandent une pluie d’or, qui marque les bénédictions, les grâces, les délivrances accordées à ces pauvres âmes, en vertu des Sacrifices du pieux célébrant. On y voit aussi le manteau, dont il a été parlé, et une inscription en vers dont voici le sens: O miraculeux vêtement, donné pour garantir des rigueurs du froid et qui a servi ensuite à tempérer les ardeurs du feu. C’est ainsi que la charité réchauffe ou rafraîchit, suivant la nature des maux qu’elle doit soulager.