Prières de Sainte Catherine de Sienne XVI, XVII, XVIII

XVI – Prière faite à Rome, le 13 février.

1. O Amour ineffable, doux Amour, Flamme éternelle, Feu qui ne s’éteint jamais! O Dieu, Trinité adorable, vous la Droiture sans défaut, la simplicité sans ombre, la Sincérité sans mensonge, jetez les regards de votre miséricorde sur vos créatures. La miséricorde vous est naturelle; de quelque côté que je me tourne, je ne rencontre que votre miséricorde. Je m’adresse donc à votre miséricorde, et je la demande pour le monde. Vous voulez que nous vous servions selon votre bon plaisir, et vous dirigez vos serviteurs de mille manières. Aussi ne devons-nous pas juger l’intérieur de la créature par ses actes extérieurs; mais nous devons juger la volonté de chacun dans votre volonté, surtout pour vos serviteurs qui lui sont entièrement unis.

2. L’âme est heureuse lorsqu’elle voit la lumière dans votre Lumière. Les moyens que prennent vos serviteurs sont différents; mais, quelle que soit leur route, ils sont toujours dans le chemin de votre ardente charité; sans cela ils ne suivraient pas véritablement votre vérité. Nous en voyons courir dans la voie de la pénitence et s’adonner à la mortification du corps; d’autres marchent dans l’humilité et la destruction de leur volonté; d’autres dans le zèle de la foi; ceux-ci avancent par la miséricorde, ceux-là par l’amour du prochain, auquel ils se sacrifient; et dans tous, l’âme se développe, parce qu’en se servant bien de la lumière naturelle, elle obtient la lumière surnaturelle, qui lui fait voir l’immensité de votre bonté.

3. Oh! comme ils avancent royalement, ceux qui voient en toute chose votre volonté, et qui ne jugent jamais celle de votre créature! O ineffable Charité! ils connaissent et pratiquent parfaitement votre doctrine, puisque vous avez dit: « Ne jugez pas d’après le visage » (Jean, VII, 24). O Vérité éternelle! quelle est votre doctrine, et quelle voie devons-nous suivre pour arriver à votre Père? Je n’en connais pas d’autre que celle que vous avez tracée avec votre Sang précieux, et que vous avez affermie par les admirables vertus de votre ardente charité. C’est là notre chemin; car notre seule erreur est d’aimer ce que vous détestez, et de haïr ce que vous aimez.

4. Aujourd’hui, ô abîme de charité! j’implore votre miséricorde; faites-moi la grâce de suivre votre vérité avec un cœur simple; accordez-moi une faim continuelle de souffrir pour vous les peines et les tourments. Donnez à mes yeux, Ô mon Père, des fontaines de larmes, afin que j’obtienne votre miséricorde pour le monde entier, et surtout pour l’Église votre Épouse.

5. O douce et ineffable Charité, l’Église est le jardin que vous avez fécondé de votre sang et arrosé de celui des martyrs, qui ont généreusement couru après le parfum de votre sacrifice; protégez-la donc. Qui pourrait prévaloir contre la cité que vous défendez? O Père très clément! plongez nos cœurs dans votre Sang, afin qu’ils brûlent d’ardeur pour votre gloire et pour le salut des âmes. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

6. O Dieu éternel! comment parler dignement de vous? Tout ce que nous pouvons dire, c’est que vous êtes notre Dieu, et que vous ne voulez que notre sanctification. Ne l’avez-vous pas montré en nous donnant le sang de votre Fils, qui s’est passionné pour notre salut jusqu’à la mort ignominieuse de la Croix? L’homme ne doit-il pas avoir honte de lever orgueilleusement la tête, lorsque vous, le Dieu très haut, vous vous êtes humilié dans la boue de notre humanité!

7. O Dieu! combien la miséricorde vous est naturelle! L’homme, votre serviteur, l’invoque contre les rigueurs de votre justice, que le monde a méritées par ses péchés. Votre miséricorde nous a créés, votre miséricorde nous mi rachetés de la mort éternelle, votre miséricorde nous couvre et nous protège contre votre justice; elle vous empêche d’ordonner à la terre de s’ouvrir pour nous engloutir, et aux bêtes féroces de nous dévorer: tout est à notre service, au contraire, et la terre nous prodigue l’abondance de ses fruits. C’est votre miséricorde qui règle, qui gouverne tout; c’est elle qui retarde notre mort afin que nous ayons le temps de revenir et de nous réconcilier avec vous.

8. O Père tendre et miséricordieux! qui est-ce qui empêche les anges de punir l’homme, votre ennemi? Votre miséricorde. Elle nous donne aussi les douceurs qui nous obligent à vous aimer, qui séduisent le cœur de votre créature; elle nous envoie les peines et les afflictions qui nous obligent à vous reconnaître, et qui nous font souffrir, afin que vous puissiez couronner ceux qui auront combattu avec courage.

9. C’est elle qui a conservé les cicatrices glorieuses de l’Agneau, votre Fils unique, afin qu’elles intercèdent sans cesse pour nous votre souveraine Majesté. C’est cette miséricorde qui m’a montré si clairement aujourd’hui, à moi, si indigne et si misérable, que je ne puis et ne dois jamais juger les intentions des créatures raisonnables que vous conduisez par des voies si différentes. Vous me l’avez prouvé par moi-même, et je vous en rends grâces.

10. Votre miséricorde n’a pas voulu que l’Agneau sans tache rachetât le genre humain par une seule goutte de son sang, comme il le pouvait; elle a voulu qu’il le donnât tout entier, qu’il souffrît dans tout son corps, afin qu’il satisfit surabondamment pour le genre humain qui vous avait offensé. Et cela pour deux raisons: d’abord parce que, parmi vos créatures raisonnables, les unes vous outragent avec la tête, les autres avec les mains ou avec les autres parties de leur corps; le genre humain avait donc péché par tous ses membres. Puis tout péché vient de la volonté, et sans elle il n’en existerait pas; c’est elle qui dirige tout le corps. Par conséquent, tout le corps de la créature vous avait offensé.

11. Aussi, vous avez voulu que tout le corps et tout le sang de votre Fils unique satisfissent à votre justice, afin que la satisfaction fût complète, et cela par la vertu de la Divinité unie à notre nature humaine, qui seule pouvait souffrir. La Divinité a accepté le sacrifice. O Verbe éternel, Fils de Dieu! comment avez-vous eu la contrition parfaite de la faute, puisque vous n’en avez jamais eu la souillure? Je vois que vous avez voulu satisfaire par les peines de votre esprit et de votre corps, parce que c’était par son esprit et par son corps que l’homme avait péché. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi, et ne regardez pas nos péchés, Dieu tout puissant, Dieu bon et miséricordieux!

XVII – Prière faite à Rome, le 14 février.

1. O Trinité, éternelle Trinité! ô feu, ô abîme de charité ô folie d’amour pour votre créature, Vérité, Sagesse éternelle! Dieu qui vous êtes donné pour notre rédemption, ce n’est pas Votre Sagesse seulement qui est venue au monde; car la Sagesse n’a pas été séparée de la Puissance, la Puissance de la Sagesse et de la Clémence; toute la Trinité était présente. O Trinité éternelle, qu’avez-vous reçu de l’homme, si ce n’est l’outrage? Et quel profit deviez-vous retirer de notre rédemption? Aucun; vous n’avez pas besoin de nous, et vous n’avez été utile qu’à nous. O ineffable Charité, vous avez donné toute votre divinité et toute votre humanité dans votre Incarnation, et vous les donnez encore à l’âme raisonnable, afin que pendant notre pèlerinage nous ne succombions pas à la fatigue, et que nous soyons fortifiés par cette nourriture céleste.

2. Homme mercenaire, à quel prix Dieu veut-il t’acheter? Au prix de sa divinité et de son humanité, qu’il te donne tout entières, sous les blanches apparences du pain. O flamme d’amour, ne suffisait-il pas de nous créer à votre image et ressemblance, de nous faire renaître à la grâce dans le sang de votre Fils? Fallait-il encore nous donner toute la Trinité en nourriture! C’est votre charité qui l’a voulu. O Trinité éternelle, non seulement vous avez donné votre Verbe dans la Rédemption et dans l’Eucharistie, mais vous vous, êtes donnée tout entière par amour pour votre créature. Oui, l’âme vous possède, lorsqu’elle se renonce pour vous, lorsqu’elle ne cherche et ne désire en elle et dans le prochain que la gloire et l’honneur de votre nom, parce que vous êtes la Bonté suprême, que doivent aimer et servir toutes les créatures.

3. Non seulement vous vous révélez aux âmes qui vous aiment ainsi, mais vous les fortifiez contre les assauts du démon, contre les persécutions des hommes et contre les malheurs qui leur arrivent. Vous éclairez leur intelligence par la sagesse de votre Fils, afin qu’ils se connaissent et vous connaissent dans votre lumière. Vous embrasez leur cœur par la clémence du Saint Esprit, et vous accomplissez toutes ces merveilles en eux selon la mesure de leur amour et selon l’usage qu’ils font de leurs facultés.

4. Je vous rends grâces, ô Père éternel, de ce que vous nous montrez aujourd’hui comment peut être réformée l’Église. Vous avez éclairé de votre Verbe l’intelligence de vos créatures; fortifiez maintenant leur volonté, surtout celle de votre Vicaire, afin qu’il suive les lumières que vous lui avez données et que vous devez lui donner. O Trinité éternelle, j’ai péché toute ma vie. Âme misérable, tu as sans cesse oublié ton Dieu; car, si tu ne l’avais pas oublié, tu serais consumée du feu de son amour. O Père éternel, rendez la santé aux malades, la vie aux morts; donnez-leur une voix, afin qu’ils crient vers vous, et qu’ils obtiennent miséricorde pour le monde et pour votre Épouse. C’est avec votre voix même que nous vous implorons, exaucez-nous.

5. Moi, je vous en prie pour tous, pour votre Vicaire surtout et pour ceux qui l’entourent, pour ceux que vous m’avez donnés à aimer d’un amour spécial. Je suis malade et je voudrais les voir en santé; je suis pleine de défauts, et je voudrais les voir parfaits; je suis morte, et je voudrais les voir vivre de la vie de votre grâce. D’où vient tant d’humilité et de miséricorde? Un Dieu s’associer si intimement à sa créature! non seulement unir la nature divine à la nature humaine, mais encore se communiquer aux âmes qui vous aiment et qui vous servent dans la simplicité du cœur! L’homme ne devrait-il pas avoir honte de ne pas se fixer en vous, lorsque vous voulez bien rester en lui de tant de manières? Âme malheureuse, tu ne te souviens pas de ton Dieu, tu ne peux par conséquent t’affermir dans la vertu l’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

6. O Dieu tout puissant, vous êtes la Vie et moi la mort, la Sagesse et moi la folie, la Lumière et moi les ténèbres, l’Infini et moi le néant, la Droiture et moi la fausseté, le Médecin et moi le malade. Qui pourra vous atteindre ô Dieu suprême, pour vous remercier des bienfaits si grands et si nombreux dont vous nous avez comblés? Mais vous nous atteignez par cette lumière que vous versez dans le cœur de ceux qui veulent vous recevoir: vous enchaînez de vos liens ceux qui se laissent enchaîner, ceux qui ne s’opposent point à votre volonté. Ne tardez pas, ô Père très clément, jetez les regards de votre miséricorde sur le inonde: il vous glorifiera plus en recevant votre lumière qu’en restant dans les ténèbres du péché.

7. Tout glorifie votre nom, mais ce sont les pécheurs qui font briller davantage votre miséricorde, lorsqu’elle arrête le glaive de votre justice, et qu’elle donne au coupable le temps de se convertir. Votre gloire paraît dans l’enfer, où votre justice punit les damnés, mais votre miséricorde s’y montre aussi, parce qu’ils n’y souffrent pas tous les tourments qu’ils ont mérités. Là même, votre nom est honoré. Mais que ne puis-je surtout le voir glorifié dans vos créatures, qui vous louent en accomplissant votre volonté, et qui parviennent à la fin pour laquelle vous les avez créées! Faites de votre Vicaire un autre vous-même, et donnez-lui la lumière dont il a si grand besoin puisqu’il doit la répandre sur les autres. O Père très bon et très clément, je vous en supplie, accordez-nous votre douce et éternelle bénédiction.

XVIII – Prière faite à Rome, le 15 février.

1. O Dieu éternel, Dieu éternel, Amour ineffable, en votre lumière j’ai vu la lumière, j’ai connu la lumière; j’ai compris la cause de la lumière, et la cause des ténèbres. Vous êtes la cause de la lumière, et nous, vos créatures, nous sommes la cause des ténèbres. Je sais ce que la lumière fait dans l’âme, et ce qu’y font les ténèbres. O Trinité éternelle, vos œuvres sont admirables; la lumière les fait connaître, parce qu’elles viennent de la lumière. Aujourd’hui, votre Vérité me montre clairement que la cause des ténèbres est l’enveloppe immonde de notre volonté propre et que le moyen de connaître la lumière est de se revêtir de votre douce volonté. Chose admirable! nous sommes dans les ténèbres, et nous voyons la lumière; nous sommes dans le fini, et nous connaissons l’infini; nous vivons dans la mort, et nous connaissons la vie.

2. De même que l’homme se dépouille d’un vêtement et le jette loin de lui, l’âme doit se dépouiller de sa volonté viciée, si elle veut revêtir complètement la vôtre. Pour y parvenir, il faut développer par le libre arbitre cette lumière que nous avons reçue dans le saint baptême, et qui nous fait voir la lumière dans la lumière: Cette lumière, vous nous l’avez montrée sous les voiles de notre humanité. Que reçoit l’âme qui est revêtue de cette lumière? Elle est délivrée des ténèbres, de la soif, de la faim et de la mort. La faim de la vertu chasse la faim insatiable de la volonté: la soif de votre honneur chasse la soif de l’amour-propre, et la vie de votre volonté triomphe de la mort de nos convoitises.

3. O vêtement infect de notre volonté, tu ne couvres pas l’âme, tu causes sa nudité. O volonté détruite, gage de la vie éternelle, tu es fidèle jusqu’à la mort, non pas au monde, mais à ton doux créateur. Tu lies l’âme à lui, parce que tu la détaches d’elle-même. O Amour ineffable, comment l’âme sait-elle qu’elle est parfaitement détachée d’elle-même? Elle le sait lorsqu’elle ne choisit plus le lieu, la manière, le temps qui lui plaisent davantage, mais qu’elle s’en rapporte pour tout à votre bon plaisir.

4. Votre volonté, Seigneur, est un vêtement éblouissant, c’est un soleil; car, comme le soleil éclaire, échauffe et féconde la terre, votre lumière éclaire et échauffe l’âme qui la possède dans le feu de votre charité; elle l’éclaire, parce qu’avec la lumière elle lui fait connaître la vérité dans la lumière de votre sagesse: elle lui fait produire, pendant qu’elle est sur cette terre, le fruit des véritables et saintes vertus. L’âme devient forte par la puissance du Père, prudente par la sagesse du Fils, et capable d’aimer par la clémence du Saint Esprit (Cette dernière phrase ne se trouve que dans la version latine.)

5. Qu’est-ce qui empêche l’âme de se dépouiller d’elle-même? C’est la privation de la lumière. Elle a méconnu la première lumière que vous donnez à toute créature raisonnable, et ne l’a pas développée. Elle a obscurci la vue de l’intelligence par des fautes qui ont enchaîné la volonté, et lui ont fait commettre le mal. O âme ignorante! si tu ne distingues pas la puanteur du péché et les parfums de la vertu et de la grâce, c’est que tu es privée de la lumière. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

6. Dieu éternel, je sais combien vous avez fait la créature à votre ressemblance; de quelque côté que mon intelligence regarde, elle voit que vous l’avez mise comme dans un cercle dont elle ne peut sortir. Si je considère l’être que vous nous avez donné, j’y trouve votre image et votre ressemblance, dans nos rapports avec la sainte Trinité, par les trois puissances de notre âme. Si je considère le Verbe qui nous a fait naître à la grâce, je vois que vous nous ressemblez, et que nous vous ressemblons par cette union ineffable de la divinité et de l’humanité. Si je me tourne vers l’âme que vous éclairez des rayons de votre pure lumière, je vois qu’elle demeure en vous, parce qu’elle suit la doctrine de votre Vérité, et qu’elle pratique les vertus inspirées et prouvées par l’amour qu’elle a pour vous; et c’est vous-même qui êtes cet amour.

7. Dès que l’âme suit votre doctrine par amour, elle devient un autre vous-même. Elle s’est dépouillée de sa volonté pour se revêtir de la vôtre; elle ne demande, elle ne désire que ce que vous demandez et ce que vous désirez en elle. Vous aimez cette âme, et cette âme vous aime; mais vous l’aimez gratuitement, vous l’avez aimée avant qu’elle fût, tandis qu’elle vous aime à cause de vos bienfaits. Il lui est impossible de vous aimer gratuitement comme vous l’aimez, puisqu’elle vous doit tout, et que vous ne lui devez rien. Mais cet amour désintéressé qu’elle ne peut vous rendre, elle doit le rendre au prochain, en l’aimant gratuitement et par devoir. Gratuitement, parce qu’elle doit l’aimer sans intérêt et sans réciprocité; par devoir, parce que vous le lui ordonnez, et qu’elle est obligée de vous obéir.

8. Quelle conformité entre vous et l’âme, lorsqu’elle s’élève à vous par la lumière intellectuelle qu’elle reçoit de vous, et par l’amour divin qu’elle acquiert en se contemplant aux clartés de votre Vérité! Elle vous ressemble, ô Dieu immortel, parce que vous lui faites comprendre et goûter dans l’ardeur de votre charité vos biens immortels. Vous êtes la Lumière, et vous la faites participer à la lumière; vous êtes un feu, et vous vous communiquez vous confondez sa volonté avec la vôtre, et la vôtre avec la sienne. Vous êtes la Sagesse suprême, et vous lui donnez la sagesse; vous lui faites discerner et comprendre la vérité. Vous êtes la Force éternelle, et vous lui donnez la force. Vous la lui donnez si grande, qu’aucune créature ne saurait l’ébranler, si elle ne le veut pas, et elle ne le voudra jamais tant qu’elle sera revêtue de votre volonté: sa seule volonté peut l’affaiblir.

9. Vous êtes infini, et vous la rendez infinie par la conformité que la grâce lui donne avec vous, pendant la vie de son pèlerinage, et pendant la vie de l’éternelle vision. Elle vous est tellement conforme, son libre arbitre vous est tellement uni, qu’elle ne peut plus perdre votre ressemblance. Oui, votre Vérité a dit vrai: toute créature raisonnable devient conforme à vous et vous à elle, par la grâce. Vous ne lui donnez pas une partie de votre grâce, vous la lui donnez tout entière. Pourquoi? Parce que rien ne lui manque -pour son salut. Vous la lui donnez plus ou moins parfaite, selon qu’elle veut développer dans votre lumière la lumière naturelle que vous lui avez d’abord donnée. Que dire encore, sinon que l’homme devient Dieu, et que vous, mon Dieu, vous vous êtes fait-homme?

10. Quelle a été la cause de cette conformité? La lumière a fait connaître à l’âme votre volonté; et parce qu’elle la connaît, elle se dépouille de sa volonté propre, qui causait ses ténèbres, sa mort, sa nudité. Elle se revêt de votre volonté, de vous-même par la grâce, par la lumière, par le feu, par l’union de votre Divinité à notre humanité. Vous êtes la cause de tout bien, tandis que la volonté corrompue de l’amour-propre est la cause de tout mal; et cela parce qu’elle aveugle l’âme, et qu’elle la fait sortir de la sphère lumineuse de la sainte foi où elle vous trouvait toujours. Quelle est alors son union et sa ressemblance? Dès qu’elle abandonne la lumière de la foi, elle ressemble à la brute dépourvue de raison: elle suit la loi corrompue des êtres mauvais, visibles et invisibles, et c’est elle seule qui en est la cause.

11. Oui, je le confesse, Dieu éternel et tout puissant, je suis la cause misérable de tous ces maux, parce que je n’ai pas exercé ma lumière dans votre lumière, pour connaître combien vous déplaît et combien m’est nuisible et mortel ce vêtement de ma propre volonté, ce vêtement dont vous voulez que je me dépouille complètement. Hélas! malheureuse, j’ai méconnu la douceur de votre volonté, que je devais revêtir. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

12. Vous êtes, ô Dieu éternel, la lumière qui nous fait voir la lumière. Je vous supplie de répandre cette lumière sur toutes vos créatures raisonnables, surtout sur le souverain pontife, votre Vicaire, afin qu’il devienne un autre vous-même. Éclairez ceux qui sont dans les ténèbres, et qu’ils connaissent votre vérité. Je vous implore aussi pour ceux que vous avez confiés à mon affection et à ma sollicitude particulière. Qu’ils soient illuminés de vos rayons, qu’ils soient purifiés de leurs fautes, afin qu’ils puissent activement travailler dans le champ que vous leur avez confié. Punissez et vengez sur moi leurs erreurs et leurs faiblesses dont je suis cause. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

13. Je vous remercie, sainte et adorable Trinité, des consolations que vous avez données à mon âme en me faisant connaître la conformité que nous avons avec vous, et en m’expliquant l’excellence de votre volonté. Je suis celle qui ne suis pas, et vous êtes seul Celui qui êtes. Rendez-vous grâces vous-même en me donnant les moyens de pouvoir vous louer. Que votre volonté vous force à faire miséricorde au monde, et à secourir votre Vicaire et votre Église. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi. O Dieu éternel, accordez-nous votre douce Bénédiction. Ainsi soit-il.