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Sermon sur les péchés cachés en confession

11ème dimanche après la Pentecôte

Les péchés sexuels sont ceux qui font commettre le plus de sacrilèges

Mais, de tous les péchés, celui qui nous fait faire le plus de sacrilèges, c’est celui qui est contre la sainte vertu de pureté ; ce maudit péché porte une telle infamie avec lui qu’il nous entraîne dans toutes sortes de malheurs ; et nous verrons, au jour du jugement, que le plus grand nombre de mauvaises confessions ont été rendues mauvaises par ce péché. Il est rapporté dans l’histoire qu’il y avait un jeune homme qui s’était consacré à Dieu dès sa jeunesse. Il s’était même retiré dans un bois pour vivre en solitaire. Il devint par ses grandes vertus, un sujet d’admiration pour tous les environs ; l’on en parlait comme d’un saint. Mais le démon, qui ne pouvait souffrir tant de vertus dans un si jeune homme, mit tous ses artifices pour le perdre. Il le poursuivait continuellement par de mauvaises pensées. Ce jeune homme avait aussitôt recours à la prière, en demandant au bon Dieu la force de ne pas succomber. Le démon ne le quittait ni jour ni nuit, toujours dans l’espérance qu’il le gagnerait. Hélas ! ce pauvre jeune homme, las de combattre, se rendit peu à peu ; et enfin, dans son cœur, il donna un consentement à un désir d’impureté. Hélas ! à peine eut-il consenti seulement à ce désir, qu’il se sentit tout troublé dans l’âme. Tant il est vrai, hélas ! que dès que le péché entre dans notre cœur, la paix de l’âme s’en va. Se voyant vaincu, il s’abandonna à une si profonde tristesse que rien ne pouvait le consoler ; il pleurait continuellement : « Ah ! Pélage, disait-il, en se parlant à lui-même, que tu as peu tardé à te laisser tromper ! toi qui, il y a si peu de temps, étais un enfant chéri de Dieu, et, maintenant, te voilà un enfant esclave du démon : il faudra bien t’en confesser, faire pénitence de ton péché. Mais, si je le confesse, que va-t-on penser de moi ! Je vais perdre l’estime que l’on a de moi dans le monde. » Au milieu de tant de sortes de pensées, étant allé vers la porte de son ermitage, il vit passer un personnage vêtu en pèlerin, qui lui dit : « Pélage, pourquoi vous livrez-vous à une si profonde tristesse ; celui qui sert un Dieu si bon, ne doit pas être si triste ; si vous l’avez offensé, faites pénitence et confessez-vous, et sans doute, le bon Dieu étant si bon, vous pardonnera. » – « Et où m’avez-vous connu ? lui demanda Pélage. » – « Je vous connais fort bien, répondit le pèlerin, pour Pélage qui passe pour un saint dans tout le pays. Si vous voulez sortir de cette tristesse, confessez-vous, et vous reprendrez l’ancienne paix de votre âme et votre première tranquillité. » Le pauvre Pélage demeura tout étonné de ce que lui disait le pèlerin, et, regardant de tous côtés, il n’aperçut plus son pèlerin, parce qu’il avait disparu : ce qui lui fit bien comprendre que c’était un avertissement du Ciel. Alors il résolut de faire une véritable pénitence qui fût capable d’apaiser la justice de Dieu ; et pour mieux exécuter son dessein, il résolut d’aller dans un monastère voisin où l’on faisait de grandes pénitences. Il alla trouver le supérieur en lui disant qu’il avait un grand désir de prendre le saint habit. L’abbé et tous les religieux en eurent une grande joie, d’autant plus qu’il passait pour un grand saint. En effet, quand il fut dans le monastère, il était toujours le premier dans tous les exercices de piété ; il faisait de rigoureuses pénitences, il portait toujours un cilice et jeûnait fort exactement. Au bout de quelque temps, il tomba malade, il ne douta pas qu’il allait mourir Le bon Dieu dans sa miséricorde, en reconnaissance de tant de vertus qu’il avait pratiquées dans son monastère, lui donna de fortes pensées de se confesser de son péché caché ; mais jamais il n’eut la force de le confesser ; toujours retenu par la crainte et la honte, il confessa bien tous ses autres péchés avec un grand regret. Un moment après avoir reçu le saint Viatique, il mourut. Les religieux firent l’enterrement, non comme celui d’un mort ordinaire, mais d’un saint dont on commençait déjà à implorer la protection auprès du bon Dieu. Tous les habitants des pays voisins venaient en foule pour se recommander à ses prières. Hélas ! que le bon Dieu juge bien autrement que ces hommes. La nuit suivante, le sacristain s’étant levé pour aller sonner l’office, et passant par l’église, jeta les yeux sur l’endroit où était enterré Pélage ; il s’aperçut que le corps était sur la terre, et pensant qu’on ne l’avait pas bien couvert, il l’enterra sans rien dire. Mais le lendemain, il le trouva encore hors de sa tombe ; il remarqua que la terre l’avait rejeté dehors. Il alla trouver l’abbé et lui raconta ce qu’il avait vu. L’abbé fit rassembler tous ses religieux et ordonna d’aller à l’église. Étant auprès de la sépulture de Pelage, ils prièrent Notre-Seigneur Jésus-Christ de vouloir bien manifester sa volonté s’il fallait enterrer le défunt dans un lieu plus honorable ; ils s’adressèrent même au défunt, en lui disant à haute voix : « Vous, Pélage, qui avez été si obéissant pendant votre vie, dites-nous si c’est la volonté de Dieu que votre corps soit mis dans un endroit plus digne de vous ? » Alors le défunt jeta un cri épouvantable en leur disant : « Ah ! malheureux que je suis, pour avoir caché un péché en confession, je suis condamné au feu de l’enfer, pour autant de temps que Dieu sera Dieu ; si vous voulez vous en assurer, approchez-vous et regardez mon corps. » L’abbé s’approcha et vit son corps tout embrasé, semblable aux morceaux de fer qui sont dans une fournaise. Alors le défunt lui dit que la volonté de Dieu était qu’il fût jeté à la voirie comme une bête. Hélas ! quel malheur, mes frères ! combien il lui aurait été facile de se sauver puisqu’il était un saint sous le rapport de toutes les autres vertus ! O mon Dieu, quel malheur ! pour n’avoir pas eu la force de confesser un seul mauvais désir, qu’à peine avait-il laissé naître dans son cœur, il s’en était aussitôt repenti. Hélas ! que de regrets et que de larmes pendant toute l’éternité ! Hélas ! mes frères, que ce péché fait faire de mauvaises confessions, ou plutôt que ce péché conduit d’âmes en enfer ! Hélas ! combien, parmi ceux qui maintenant m’écoutent, sont du nombre et auxquels il faut toutes leurs forces pour ne point le laisser paraître au dehors ! Ah ! mon ami, lâchez la bride à vos remords, laissez couler vos larmes, venez vous jeter aux pieds du Seigneur, et vous trouverez la paix et l’amitié de votre Dieu que vous avez perdues.

Mais, pensez-vous, je ne crois pas qu’il y en ait qui soient capables de cacher leurs péchés, parce qu’ils seraient bien trop tourmentés. – Ah ! mes frères, s’il me fallait prêter serment, pour affirmer qu’il y en a ou qu’il n’y en a point, je ne balancerais pas à dire qu’il y en a au moins cinq ou six qui sont brûlés par leurs remords et par leurs péchés, et qui m’entendent, et qui pensent que cela est vrai ; mais, prenez patience, vous les verrez au jour du jugement, et vous vous rappellerez ce que je vous dis aujourd’hui, O mon Dieu ! la honte ou la crainte peuvent-elles bien retenir un chrétien dans un état si épouvantable ? Ah ! mon ami, qu’est-ce que vous vous préparez à vous-même ? Vous n’osez pas vous en ouvrir à votre pasteur ? mais est-il seul dans le monde ? Ne trouveriez-vous pas des prêtres qui auraient la charité de vous recevoir ? Pensez-vous que l’on vous donnera une trop longue pénitence ? Ah ! mon ami, que cela ne vous arrête pas ! l’on vous aidera, l’on en fera la plus grande partie ; on priera pour vous, on pleurera vos péchés, pour attirer avec plus d’abondance les miséricordes de Dieu sur vous ! Mon ami, ayez pitié de cette pauvre âme qui a coûté si cher à Jésus-Christ !… O mon Dieu ! qui pourra jamais comprendre l’aveuglement de ces pauvres pécheurs ! Vous avez caché votre péché, mon ami, mais il faudra qu’il soit connu un jour, et même aux yeux de tout l’univers ; tandis que, d’une parole, vous l’auriez caché pour jamais et vous changeriez votre enfer en une éternité de bonheur ! Hélas ! qu’un sacrilège conduit loin ces pauvres pécheurs ! ils ne veulent pas mourir dans cet état, mais ils n’ont pas la force d’en sortir. Mon Dieu, tourmentez-les si fort qu’ils ne puissent pas y rester !…

Sermon sur l’Impureté (les péchés sexuels)

19ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE

Liez-lui pieds et mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents (S. Matthieu, XXII, 13.).

Si tout péché mortel, mes frères, doit nous traîner, nous précipiter, nous foudroyer dans les enfers, comme Jésus-Christ nous le dit dans l’Évangile, quel sera donc le sort de celui qui aura le malheur de se livrer au péché le plus infâme, le péché d’impureté ? O mon Dieu ! peut-on bien oser prononcer le nom d’un vice si horrible, non seulement aux yeux des chrétiens, mais encore à ceux de créatures raisonnables ? Pourrais-je le dire, mes frères, et vous, pourrez-vous l’entendre sans frémir ? Ah ! si j’avais le bonheur, en vous montrant toute la noirceur et toute l’horribilité de ce péché, de vous le faire fuir pour jamais ! O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien s’abandonner à une passion qui le dégrade jusqu’à le mettre au-dessous de la bête la plus vile, la plus brute, la plus immonde ! Un chrétien peut-il bien se livrer à un crime qui fait tant de ravages dans une pauvre âme ! Un chrétien, dis-je, qui est le temple de l’Esprit-Saint, un membre de Jésus-Christ, peut-il bien se plonger et se rouler, se noyer, pour ainsi dire, dans le limon d’un vice aussi infâme, qui, en abrégeant ses jours, lui faisant perdre sa réputation, lui prépare tant de maux et de malheurs pour l’éternité ! Oui, mes frères, pour vous donner une idée de la grandeur de ce péché, je vais

  1.  vous montrer, autant qu’il me sera possible, toute l’horribilité de ce crime ;
  2. en combien de manières nous pouvons nous en rendre coupables
  3. quelles sont les causes qui peuvent nous y conduire ;
  4. enfin, ce que nous devons faire pour nous en préserver.

I. – Pour vous faire comprendre la grandeur de ce maudit péché qui perd tant d’âmes, il faudrait ici étaler à vos yeux tout ce que l’enfer a de plus affreux, de plus désespérant, et, en même temps, tout ce que la puissance de Dieu exerce sur une victime coupable d’un tel crime. Mais, vous comprenez comme moi, que jamais il ne sera donné de saisir la grandeur de ce péché et la rigueur de la justice de Dieu envers les impudiques. Je vous dirai seulement que celui qui commet le péché d’impureté se rend coupable d’une espèce de sacrilège, puisque notre cœur étant le temple du Saint-Esprit, notre corps étant un membre de Jésus-Christ, nous profanons véritablement ce temple par les impuretés auxquelles nous nous abandonnons ; et de notre corps, qui est un membre de Jésus-Christ, nous faisons véritablement le membre d’une prostituée . Examinez maintenant, si vous pourrez jamais vous former une idée qui approche de la grandeur de l’outrage que ce péché fait à Dieu et de la punition qu’il mérite. Ah ! mes frères, il faudrait pouvoir traîner ici, à ma place, cette infâme reine Jézabel, qui a perdu tant d’âmes par ses impudicités ; il faudrait qu’elle vous fit elle-même la peinture désespérante des tourments qu’elle endure, et qu’elle endurera toute l’éternité, dans ce lieu d’horreur où elle s’est précipitée par ses turpitudes. Ah ! vous l’entendriez crier du milieu de ces flammes qui la dévorent : « Hélas ! que je souffre ! Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais, tout est fini pour moi. Ah ! maudit péché d’impureté, les flammes de la justice de Dieu me font payer bien cher les plaisirs que j’ai goûtés ! Si j’avais encore le bonheur d’être sur la terre, comme cette vertu de pureté me serait bien plus précieuse qu’elle ne m’a été ! »
Allons encore plus loin, mes frères, peut-être que vous sentirez un peu mieux l’horreur de ce maudit péché. Je ne parle pas d’un païen, qui n’a pas le bonheur de connaître le bon Dieu ; mais d’un chrétien qui connaît combien ce vice est opposé à la sainteté de sa condition d’enfant de Dieu, d’un chrétien qui a été tout arrosé du sang adorable, qui tant de fois lui a servi de demeure et de tabernacle. Comment ce chrétien peut-il bien s’abandonner à un tel péché ! O mon Dieu ! peut-on y penser et ne pas mourir d’horreur ! Écoutez ce que dit le Saint-Esprit : Celui qui est assez malheureux pour s’abandonner à ce maudit péché, mérite d’être foulé sous les pieds du démon comme le fumier sous les pieds des hommes . Jésus-Christ dit un jour à sainte Brigitte, qu’il se voyait forcé de préparer des tourments affreux pour punir les impudiques, et que presque tous les hommes étaient atteints de ce vice infâme.

Si nous prenons la peine de parcourir l’Écriture sainte, nous voyons que, depuis le commencement du monde, le bon Dieu a poursuivi les impudiques de la manière la plus sévère. Voyez tous les hommes avant le déluge qui s’abandonnent à ce vice infâme ; le Seigneur ne peut plus les souffrir ; il se repent de les avoir créés ; il se voit forcé de les punir de la manière la plus effroyable, puisqu’il ouvre sur eux les cataractes du ciel et les fait tous périr par un déluge universel . Il fallait que cette terre souillée par tant de crimes, et si horrible aux yeux de Dieu fût purifiée par le déluge ; c’est-à-dire par les eaux de la colère du Seigneur. Si vous allez plus loin : Voyez les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ainsi que les autres villes voisines, leurs habitants se livraient à des crimes si épouvantables d’impureté, que le Seigneur, dans sa juste colère, fit tomber sur ces lieux maudits une pluie de feu et de soufre qui les brûla avec leurs habitants ; les hommes, les bêtes, les arbres, les terres et les pierres furent comme anéantis ; ce lieu a été si maudit de Dieu, qu’il n’est plus maintenant qu’une mer maudite . On l’appelle Mer-morte, parce qu’elle ne nourrit aucun poisson et que, sur ses rivages, on trouve certains fruits qui ont une belle apparence, mais ne renferment qu’une poignée de cendres. Dans un autre endroit, nous voyons que le Seigneur ordonna à Moïse de mettre à mort vingt-quatre mille hommes, parce qu’ils s’étaient abandonnés à l’impureté .

Oui, mes frères, nous pouvons dire que ce maudit péché d’impureté a été, depuis le commencement du monde, jusqu’à la venue du Messie, la cause de presque tous les malheurs des Juifs. Voyez David, voyez Salomon et tant d’autres. Qui a attiré tant de châtiments sur leurs personnes et sur leurs sujets, sinon ce maudit péché ? O mon Dieu ! que ce péché vous ravit d’âmes, oh ! qu’il en traîne aux enfers !

Si nous passons de l’Ancien Testament au Nouveau, les châtiments ne sont pas moindres. Saint Jean nous dit que Jésus-Christ lui fit voir, dans une révélation, le péché d’impureté sous la figure d’une femme assise sur une bête qui avait, sept têtes et dix cornes , pour nous montrer que ce péché attaque les dix commandements de Dieu et renferme les sept péchés capitaux . Si vous voulez vous en convaincre, vous n’avez qu’à examiner la conduite d’un impudique ; vous verrez qu’il n’y a pas un commandement qu’il ne transgresse, et un des péchés capitaux dont il ne se rende coupable, en contentant les désirs de son corps. Je ne veux pas entrer dans tous ces détails, voyez-le vous-mêmes, et vous direz que cela est vrai. Mais j’ajouterai qu’il n’y a point de péché dans le monde qui fasse faire tant de sacrilèges : les uns ne connaissent pas la moitié des péchés qu’ils commettent de cette manière, par conséquent ils ne les disent pas ; les autres ne veulent pas les dire, quoiqu’ils les connaissent ; de sorte que nous verrons au jour du jugement qu’il n’y a point de péché qui ait jeté tant d’âmes en enfer. Oui, mes frères, ce péché est si affreux que non seulement nous nous cachons pour le commettre ; mais nous voudrions encore nous le cacher à nous-mêmes, tant il est infâme, même aux yeux de ceux qui s’en rendent coupables !

II. – Mais, pour mieux vous faire comprendre combien ce péché, quoique si affreux, est commun parmi les chrétiens, et comme il est facile de le commettre, je vous dirai en combien de manières l’on pèche contre le sixième commandement de Dieu. L’on pèche en six manières : par pensées, par désirs, par regards, par paroles, par actions et par occasions.

Je dis

  1. par pensées : il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer une pensée d’avec un désir ; ce qui peut faire faire des confessions sacrilèges. Écoutez-moi bien et vous allez le voir : une mauvaise pensée, c’est lorsque notre esprit s’arrête volontairement à penser à une chose impure, soit par rapport à nous, soit par rapport à d’autres, sans désirer accomplir ce que l’on pense ; on laisse seulement croupir son esprit sur ces choses sales et déshonnêtes. Vous vous accusez de cela ; il faut dire combien de temps vous y avez laissé reposer votre pensée, sans vous en détourner, ou encore si vous avez pensé à des choses qui pouvaient vous y conduire par le souvenir de quelque conversation que vous avez eue, ou de quelque familiarité que vous avez permise, ou de quelque objet que vous avez vu. Le démon ne vous remet cela devant les yeux que dans l’espérance qu’il vous conduira au péché, au moins par la pensée.
  2. Nous péchons par désirs. Voilà, mes frères, la différence qu’il y a entre la pensée et le désir ; le désir, c’est vouloir accomplir ce à quoi nous pensons ; mais pour vous parler plus clairement, c’est vouloir commettre le péché d’impureté, après y avoir pensé pendant quelque temps, lorsque nous en trouverons l’occasion ou lorsque nous la chercherons. Il faut bien dire si ce désir est resté dans notre cœur, si nous avons fait quelque démarche pour accomplir ce que nous avons désiré, si nous avons sollicité quelques personnes à faire mal avec nous ensuite quelles sont les personnes que nous avons voulu porter au mal, si c’est un frère, une sœur, un enfant ; une mère, une belle-sœur, un beau-frère, un cousin. Il faut bien dire tout cela, autrement votre confession ne vaudrait rien. Cependant, il ne faut nommer les personnes qu’autant qu’il est nécessaire pour faire connaître son péché. Il est bien certain que si vous aviez fait mal avec un frère ou une sœur, et que vous vous contentiez de dire que vous avez fait un péché contre la sainte vertu de pureté, cela ne suffirait pas.
  3. L’on pèche par regards, lorsqu’on porte ses yeux sur des objets impurs, ou quelque chose qui peut nous y conduire. Il n’y a point de porte par laquelle le péché entre si facilement et si souvent que par les yeux ; aussi le saint homme Job disait : « Qu’il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne jamais regarder une personne en face . »
  4. Nous péchons par paroles. Nous parlons, mes frères, pour manifester à l’extérieur ce que nous pensons au dedans de nous-mêmes, c’est-à-dire ce qui se passe dans notre cœur. Vous devez vous accuser de toutes les paroles impures que vous avez dites, combien de temps votre conversation a duré ; quel motif vous a engagé à les dire, à quelles personnes et à combien de personnes vous avez pu les dire. Hélas ! mes frères, il y a de pauvres enfants, pour lesquels il vaudrait bien mieux trouver sur leur chemin un tigre ou un lion, que certains impudiques. Si, comme l’on dit, la bouche parle de l’abondance du cœur, jugez quelle doit être la corruption du cœur de ces infâmes qui se roulent, se traînent et se noient pour ainsi dire dans la fange de leur impureté. O mon Dieu ! si vous nous dites que l’on connaît l’arbre à son fruit, quel abîme de corruption peut être semblable !
  5. Nous péchons par actions. Telles sont les libertés coupables sur soi-même ou sur d’autres, les baisers impurs, sans oser vous dire le reste ; vous comprenez bien ce que je dis. Mon Dieu ! où sont ceux qui, dans leurs confessions, s’accusent de tout cela ? Mais aussi que de sacrilèges ce maudit péché d’impureté fait faire ! Nous ne connaîtrons cela qu’au grand jour des vengeances. Combien de jeunes filles resteront deux ou trois heures avec des libertins, et il n’y aura sorte d’impureté que leur bouche infernale ne vomisse continuellement. Hélas ! mon Dieu, comment ne pas brûler au milieu d’un brasier si ardent ?
  6. L’on pèche par occasion, soit en la donnant, soit en la prenant. Je dis, en la donnant, comme une personne du sexe qui est mise d’une manière indécente, laissant son mouchoir trop écarté, ayant le cou et les épaules découverts, portant des vêtements qui dessinent trop les formes du corps ; ou ne portant point de mouchoir en été, ou bien s’habillant d’une manière trop affectée. Non, ces malheureuses-là ne sauront qu’au tribunal de Dieu le nombre de crimes qu’elles auront fait commettre. Combien de gens mariés qui ont moins de réserves que des païens ! Une fille est encore coupable de quantité de péchés impurs, qui sont presque tous des péchés mortels, toutes les fois qu’elle est trop facile et trop familière avec les jeunes gens. L’on est encore coupable, lorsqu’on va avec des personnes que l’on sait n’avoir que des mauvaises paroles à la bouche. Vous pouvez ne pas y avoir pris plaisir, mais vous avez eu le tort de vous y exposer.

Souvent, on se fait illusion, l’on croit ne point faire de mal, tandis que l’on pèche affreusement. Ainsi les personnes qui se voient sous prétexte de mariage, croient qu’il n’y a point de mal de passer un temps considérable seuls, le jour et la nuit. N’oubliez pas, mes frères, que tous ces embrassements qui se font dans ces moments sont presque tous des péchés mortels, parce qu’ordinairement ce n’est qu’une amitié charnelle qui les fait faire. Combien de jeunes fiancés n’ont aucune réserve ; ils se chargent des crimes les plus épouvantables, et semblent forcer la justice de Dieu de les maudire au moment où ils entrent dans l’état du mariage. Vous devez être aussi réservés pendant ce temps que vous l’êtes avec vos sœurs ; tout ce que l’on fait de plus est un péché. Hélas ! mon Dieu, où sont ceux qui s’en accusent ? presque personne. Mais aussi, où sont ceux qui entrent dans l’état du mariage saintement ? Hélas ! presque point. De là résultent tant de maux dans le mariage et pour l’âme et pour le corps. Eh ! mon Dieu ! des parents qui le savent peuvent dormir ! Hélas ! que d’âmes qui se traînent dans les enfers !

On pèche encore contre la sainte vertu de pureté quand on se lève la nuit sans être habillé pour sortir, pour aller servir un malade, ou pour aller ouvrir la porte. Une mère doit faire attention de ne jamais avoir de regards déshonnêtes, ni d’attouchements sans nécessité sur ses enfants. Les pères et mères et les maîtres sont coupables de toutes les familiarités qu’ils permettent entre leurs enfants et leurs domestiques, pouvant les empêcher. L’on se rend encore coupable, en lisant et prêtant de mauvais livres ou des chansons licencieuses ; en s’écrivant des lettres entre personnes de différent sexe. L’on participe au péché en favorisant des rendez-vous de jeunes gens, sous prétexte même de mariage.

Vous êtes obligés, mes frères, de déclarer toutes les circonstances aggravantes, si vous voulez que vos confessions soient bonnes. Écoutez-moi, vous allez encore mieux le comprendre. Péchez-vous avec une personne déjà abandonnée au vice, qui en fait profession, vous vous rendez volontairement l’esclave de Satan, et encourez la damnation éternelle. Mais, apprendre le mal à une jeune personne, la porter au mal pour la première fois, lui ravir l’innocence, lui enlever la fleur de sa virginité, ouvrir la porte de son cœur au démon, fermer le ciel à cette âme qui était l’objet de l’amour des trois personnes de la Sainte-Trinité, la rendre digne de l’exécration du ciel et de la terre : ce péché est encore infiniment plus grand que le premier, et vous êtes obligés de vous en accuser. Pécher avec une personne libre, ni mariée, ni parente, est, selon saint Paul, un crime qui nous ferme le ciel et nous ouvre les abîmes ; mais pécher avec une personne engagée dans les liens du mariage, c’est un crime qui en renferme un grand nombre d’autres ; c’est une horrible infidélité, qui anéantit et qui profane toutes les grâces du sacrement de mariage ; c’est encore un exécrable parjure qui foule aux pieds une foi jurée au pied des autels, en présence non seulement des anges, mais de Jésus-Christ lui-même ; crime qui est capable d’attirer toutes sortes de malédictions, non seulement sur une maison, mais encore sur une paroisse. Pécher avec une personne qui n’est ni parente, ni alliée, c’est un gros péché, puisqu’il nous perd pour jamais ; mais, pécher avec une parente ou une alliée, c’est-à-dire, un père avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur, un beau-frère avec sa belle-sœur, un cousin avec sa cousine, c’est le plus grand de tous les crimes que l’on puisse imaginer ; c’est se jouer des règles les plus inviolables de la pudeur ; c’est fouler aux pieds les droits les plus sacrés de la religion et de la nature. Enfin, pécher avec une personne consacrée à Dieu, c’est le comble de tous les malheurs, puisque c’est un sacrilège épouvantable. O mon Dieu ! peut-il y avoir des chrétiens qui se livrent à toutes ces turpitudes ! Hélas ! si au moins, après de telles horreurs, l’on avait recours au bon Dieu pour lui demander de nous tirer de cet abîme ! Mais, non, l’on vit tranquille, et la plupart n’ouvrent les yeux qu’en tombant en enfer. Vous êtes-vous, mes frères, formé une idée de la grandeur de ce péché ? Non, sans doute, parce que vous en auriez bien plus d’horreur, et vous auriez pris plus de précautions pour ne pas y tomber.

III. – Si vous me demandez maintenant ce qui peut nous conduire à un tel crime. Mon ami, je n’ai qu’à ouvrir mon catéchisme et à le demander à un enfant, en lui disant : Qu’est-ce qui nous conduit ordinairement à ce vice honteux ? Il me répondra simplement : Monsieur le Curé, ce sont les danses, les bals, les fréquentations trop familières avec des personnes de différent sexe ; les chansons, les paroles libres, les immodesties dans les habits, les excès dans le boire et le manger.

Je dis : les excès dans le boire et le manger. Si vous me demandez pourquoi cela, le voici, mes frères : C’est que notre corps ne tend qu’à la perte de notre âme ; il faut nécessairement le faire souffrir en quelque manière, sans quoi tôt ou tard, il jettera notre âme en enfer. Une personne qui a bien à cœur le salut de son âme ne passera jamais un jour sans se mortifier en quelque chose dans le boire, le manger, le sommeil. Pour l’excès du vin, saint Augustin nous dit clairement qu’un ivrogne est impudique, ce qui est bien facile à prouver. Entrez dans un cabaret, ou soyez en la compagnie d’un ivrogne, il n’aura pas autre chose à la bouche que les paroles les plus sales ; vous le verrez faire les actions les plus honteuses ; et certainement il ne les ferait pas s’il n’était pas dans le vin. Vous voyez donc par là, mes frères, que, si nous voulons conserver la pureté dans notre âme, il faut nécessairement refuser quelque chose à notre corps, sans quoi il nous perdra.

Je dis que les bals et les danses nous conduisent à ce vice infâme. C’est le moyen dont le démon se sert pour enlever l’innocence au moins aux trois quarts des jeunes gens. Je n’ai pas besoin de vous le prouver, vous ne le savez que trop malheureusement par votre propre expérience. Hélas ! combien de mauvaises pensées, de mauvais désirs et d’actions honteuses causées par les danses ! Il me suffirait de vous dire que huit conciles tenus en France défendaient la danse, même dans les noces, sous peine d’excommunication. – Mais, me direz-vous, pourquoi donc y a-t-il des prêtres qui donnent l’absolution à ces personnes sans les éprouver ? – Pour cela, je ne vous en dis rien, chacun rendra compte de ce qu’il aura fait. Hélas ! mes frères, d’où est venue la perte des jeunes gens ? Pourquoi n’ont-ils plus fréquenté les sacrements ? Pourquoi ont-ils même laissé leurs prières ? N’en cherchez pas d’autre cause que la danse. D’où peut venir ce grand malheur que plusieurs ne font plus de pâques, ou les font mal ? Hélas ! de la danse. Combien de jeunes filles, à la suite de la danse, ont perdu leur réputation, leur pauvre âme, le ciel, leur Dieu ! Saint Augustin nous dit qu’il n’y aurait pas autant de mal à travailler toute la journée le dimanche, qu’à danser. Oui, mes frères, nous verrons au grand jour du jugement, que ces filles mondaines ont fait commettre plus de péchés qu’elles n’ont de cheveux sur la tête. Hélas ! que de mauvais regards, que de mauvais désirs, que d’attouchements déshonnêtes, que de paroles impures, que d’embrassements mauvais, que de jalousies, que de disputes, que de querelles ne voit-on pas commettre dans la danse ou à la suite des danses ! Pour mieux vous en convaincre, mes frères, écoutez ce que nous dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe : « Les mondains dansent au son des flûtes et des tambours, et un moment après ils descendent dans les enfers . » L’Esprit-Saint nous dit par la bouche du prophète Ezéchiel : « Va dire aux enfants d’amour, que parce qu’ils se sont livrés à la danse, je vais les punir rigoureusement ; afin que tout Israël soit saisi de frayeur. » Saint Jean Chrysostome nous dit que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ne voulurent jamais permettre que l’on dansât à leur mariage, dans la crainte d’attirer les malédictions du ciel sur eux. Mais, je n’ai pas besoin d’aller chercher d’autres preuves que vous-mêmes. Parlez-moi sincèrement, n’est-ce pas que vous ne voudriez pas mourir en venant d’une danse ? Non, sans doute, parce que vous ne seriez guère prêts à aller paraître devant le tribunal de Dieu. Dites-moi pourquoi vous ne voudriez pas mourir dans cet état, et pourquoi vous ne manquez pas de vous en confesser ? C’est donc bien prouvé, vous sentez vous-mêmes que vous faites mal ; autrement vous n’auriez pas besoin de vous en accuser et ne craindriez pas de paraître devant Jésus-Christ. Écoutez ce que nous dit saint Charles Borromée parlant de la danse : de son temps, l’on condamnait à trois ans de pénitence publique une personne qui allait à la danse, et, si elle continuait, on la menaçait d’excommunication. N’allons pas plus loin, mes frères, la mort vous prouvera ce que nous disons aujourd’hui, mais trop tard pour un grand nombre. Il faut vraiment être aveugle pour croire qu’il n’y a pas grand mal dans la danse, lorsque nous voyons que toutes les personnes désireuses de s’assurer le ciel, l’ont quittée et ont pleuré le malheur d’y être allées, dans le temps de leurs folies. Mais, tirons le rideau jusqu’au grand jour des vengeances où nous verrons tout cela plus clairement, où la corruption du cœur ne pourra plus trouver d’excuse.

Je dis que les immodesties dans les habits nous conduisent à ce vice honteux. Oui, mes frères, une personne qui ne s’habille pas décemment est la cause de beaucoup de péchés : de mauvais regards, de mauvaises pensées, de paroles déshonnêtes. Voulez-vous savoir, du moins en partie, le mal dont vous êtes la cause ? Mettez-vous un instant aux pieds de votre crucifix, comme si vous alliez être jugé. L’on peut dire que les personnes mises d’une manière mondaine sont une source d’impureté, et un poison qui donne la mort à tous ceux qui n’ont pas la force de les fuir. Voyez en elles cet air efféminé ou enjoué, ces regards perçants, ces gestes honteux, qui, comme autant de traits trempés dans le poison de leur impudicité, blessent presque tous les yeux assez malheureux pour les regarder. Hélas ! que de péchés fait commettre un cœur une fois imbibé de ce limon impur ! Hélas ! il y a de ces pauvres cœurs qui sont aussi brûlés de ce vice impur, qu’une poignée de paille dans un feu, Je ne sais pas si vous avez commencé à vous former une idée de la grandeur de ce péché et en combien de manières l’on peut s’en rendre coupable, priez le bon, Dieu, mes frères, qu’il vous le fasse bien connaître et en concevoir une telle horreur que vous ne le commettiez jamais plus.

IV. – Mais, voyons maintenant ce qu’il faut faire pour se garantir de ce péché, qui est si horrible aux yeux de Dieu, et qui traîne tant de pauvres âmes en enfer. Pour vous le montrer d’une manière claire et simple, je n’ai qu’à ouvrir encore une fois mon catéchisme. Si je demandais à un enfant, quels sont les moyens que nous devons employer pour ne pas tomber dans ce maudit péché, il me répondrait avec sa simplicité ordinaire : Il y en a plusieurs, mais les principaux sont : la retraite, la prière, la fréquentation des sacrements, une grande dévotion envers la sainte Vierge, la fuite des occasions, et enfin rejeter promptement toutes les mauvaises pensées que le démon nous présente.

Je dis qu’il faut aimer la retraite, je ne veux pas dire qu’il faille se cacher dans un bois, ni même dans un monastère, ce qui serait cependant un grand bonheur pour vous ; mais je veux dire, qu’il faut fuir seulement les compagnies des personnes qui ne parlent que de choses capables de vous salir l’imagination, ou bien qui ne s’occupent que d’affaires terrestres et nullement du bon Dieu. Voilà, mes frères, ce que je veux dire. Le dimanche surtout, au lieu d’aller voir vos voisins ou voisines, prenez un livre, comme l’Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou bien la Vie des saints ; vous y verrez comment ils ont combattu les tentations que le démon a tâché de faire naître dans leur esprit ; vous verrez combien ils ont fait de sacrifices pour plaire à Dieu et sauver leurs âmes : cela vous encouragera. Vous ferez comme saint Ignace, qui, étant blessé, se mit à lire la vie des saints ; voyant les luttes qu’ils avaient éprouvées et le courage avec lequel ils combattaient pour le bon Dieu, il se dit à lui-même : « Et pourquoi ne ferais-je pas ce que ces saints ont fait ? N’ai-je pas le même Dieu qui m’aidera à combattre, le même ciel à espérer et le même enfer à craindre ?… » Vous ferez de même. Oui, mes frères, il est nécessaire de fuir la compagnie des personnes qui n’aiment pas le bon Dieu. Ne soyons avec le monde que par nécessité, quand notre devoir nous y appelle.

Nous disons qu’il faut aimer la prière, si nous voulons conserver la pureté de notre âme. Si vous me demandez pourquoi il faut prier, je vous en donnerai la raison : c’est que cette belle vertu de pureté vient du ciel, c’est donc par la prière que nous devons la demander et la conserver. Il est certain qu’une personne qui n’a pas recours à la prière ne conservera jamais son âme pure aux yeux de Dieu. Par la prière, nous conversons avec le bon Dieu, les anges et les saints, et par cet entretien céleste nous devenons nécessairement spirituels ; notre esprit et notre cœur se détachent peu à peu des choses créées pour ne considérer et n’aimer que les biens du ciel. Cependant il ne faut pas croire que, toutes les fois que l’on est tenté, l’on offense le bon Dieu ; le péché ne se trouve que dans le consentement et dans le plaisir que l’on y prend. Quand nous serions tentés huit ou quinze jours, si cela nous fait horreur, nous faisons comme les enfants dans la fournaise de Babylone, qui n’en sortirent que plus beaux . IL nous faut vite avoir recours au bon Dieu en lui disant : « Mon Dieu, venez à mon aide ; vous savez que sans vous, je ne peux que me perdre ; mais, aidé de votre grâce, je suis sûr de sortir victorieux du combat. Ah ! Vierge sainte, devons-nous dire, ne permettez pas que le démon ravisse mon âme qui a coûté tant de souffrances à votre divin Fils. »

Pour conserver la pureté, il faut avoir recours aux sacrements, et les recevoir avec de bonnes dispositions. Oui, mes frères, une personne qui a le bonheur de fréquenter les sacrements souvent et saintement, peut très facilement conserver cette belle vertu. Nous avons une preuve que les sacrements nous sont d’un grand secours, dans les efforts du démon pour nous en éloigner ou nous les faire profaner. Voyez, quand nous voulons nous en approcher, combien le démon suscite en nous de craintes, de troubles, de dégoûts. Tantôt il nous dit que nous agissons presque toujours mal, tantôt, que le prêtre ne nous connaît pas, ou bien que nous ne nous faisons pas assez connaître, que sais-je ? Mais, pour nous moquer de lui, il faut redoubler de soins, nous en approcher encore plus souvent, et ensuite nous ensevelir dans le sein de la miséricorde de Dieu, en lui disant : « Vous savez, mon Dieu, que je ne cherche que vous et le salut de ma pauvre âme. » Non, mes frères, il n’y a rien qui nous rende si redoutables au démon que la fréquentation des sacrements ; en voici la preuve. Voyez sainte Thérèse. Le démon avoua, par la bouche d’un possédé, que cette sainte lui était devenue si redoutable par la sainteté puisée dans la sainte communion, qu’il ne pouvait pas même respirer l’air où elle avait passé. Si vous en cherchez la raison, elle est très facile à comprendre : le sacrement adorable de l’Eucharistie, n’est-il pas ce vin qui produit la virginité ? Comment n’être pas vierge en recevant le roi de la pureté ? Voulez-vous conserver ou acquérir cette belle vertu qui rend semblable aux anges ? Fréquentez souvent et saintement les sacrements, vous êtes sûrs que, malgré tous les efforts du démon, vous aurez le grand bonheur de conserver la pureté de votre âme.

Si nous voulons conserver pur ce temple du Saint-Esprit, il faut avoir une grande dévotion à la très sainte Vierge, puisqu’elle est la Reine des vierges. C’est elle qui, la première, a levé l’étendard de cette incomparable vertu. Voyez combien le bon Dieu en fait d’estime : il n’a pas dédaigné de naître d’une mère pauvre, inconnue dans le monde, d’avoir pour père nourricier un père pauvre ; mais il lui fallait une mère pure et sans tâche, un père d’une pureté telle que la sainte Vierge seule pouvait le surpasser en pureté. Saint Jean Damascène nous encourage grandement à avoir une tendre dévotion envers la pureté de la sainte Vierge ; il nous dit que tout ce que l’on demande au bon Dieu en l’honneur de la pureté de la sainte Vierge on l’obtient toujours. Il nous dit que cette vertu est si agréable aux anges qu’ils chantent sans cesse dans le ciel : « O Vierge des vierges, nous vous louons ; nous vous bénissons, ô Mère du bel amour. » Saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, nous dit qu’il a converti plus d’âmes par l’Ave Maria, que par tous ses sermons. Êtes-vous tentés ? nous dit-il, appelez Marie à votre secours, et vous êtes sûrs de ne pas succomber à la tentation . Lorsque nous récitons l’Ave Maria, nous dit-il, tout le ciel se réjouit et tressaille de joie, et tout l’enfer frémit en se rappelant, que Marié a été l’instrument dont Dieu s’est servi pour l’enchaîner. C’est pour cela que ce grand saint nous recommande tant la dévotion : à la Mère de Dieu, afin que Marie nous regarde comme ses enfants. Si vous êtes bien aimés de Marie, vous êtes sûrs d’être bien aimés de son Fils. Plusieurs saints Pères nous recommandent d’avoir une grande dévotion envers Marie, et de faire de temps en temps quelques communions en son honneur, et surtout en l’honneur de sa sainte Pureté ; ce qui, lui est si agréable qu’elle ne manquera pas de nous faire sentir son intercession auprès de son divin Fils.

Pour conserver cette vertu angélique nous devons combattre les tentations et fuir les occasions, comme ont fait les saints, qui ont mieux aimé mourir que de perdre cette belle vertu. Voyez ce que fit le patriarche Joseph, lorsque la femme de Putiphar voulut le solliciter au péché, il lui laissa la moitié de son manteau entre les mains . Voyez la chaste Suzanne, qui aima mieux perdre sa réputation, celle de sa famille et sa vie même, que de perdre cette vertu qui est si agréable à Dieu . Voyez encore ce qui arriva à saint Martinien, qui s’était retiré dans un bois, pour ne penser qu’à plaire à Dieu. Une femme de mauvaise vie vint le trouver, feignant de s’être égarée dans les forêts et le priant de vouloir bien avoir pitié d’elle. Le saint la reçut dans sa solitude et la laissa seule. Le lendemain étant revenu voir ce qu’elle était devenue, il la trouva bien parée. Alors elle lui dit que le bon Dieu l’avait envoyée pour faire alliance avec lui ; qu’elle avait de grands biens dans la ville, qu’il pourrait faire beaucoup d’aumônes. Le saint voulut savoir si cela venait de Dieu ou du démon ; il lui dit d’attendre, parce que tous les jours il venait des gens pour se recommander à ses prières et qu’il ne fallait pas leur laisser faire un voyage inutile ; il allait sur la montagne pour voir s’il en arrivait quelques-uns. Lorsqu’il fut sur la montagne, il entendit une voix qui lui dit : « Martinien, Martinien, que fais-tu ? tu écoutes la voix de Satan. » Il en fut si effrayé qu’il retourna dans sa solitude, fit un grand feu et se mit dedans ; la douleur du péché qu’il était exposé à commettre et la douleur du feu lui firent pousser de grands cris. Cette malheureuse étant venue à ce bruit, lui demanda ce qui l’avait mis dans un tel état. « Ah ! lui répondit le saint, je ne puis pas supporter le feu de ce monde, comment pourrais-je endurer celui de l’enfer, si j’ai le malheur de pécher comme vous le désirez ? » Ce qui frappa tellement cette femme qu’elle resta dans la cellule du saint, fit pénitence toute sa vie, et Martinien alla plus loin pour continuer ses austérités .

Il est rapporté dans la vie de saint Thomas d’Aquin qu’on lui envoya une femme de mauvaise vie pour le porter au péché. On la fit entrer dans sa chambre pendant qu’il était absent. Lorsqu’il aperçut cette créature, il prit un tison ardent et la chassa honteusement. Voyez encore saint Benoît, qui, pour se délivrer de ses mauvaises pensées, se roulait dans les ronces où il se mettait tout en sang. D’autres fois, il se plongeait dans l’eau glacée jusqu’au cou pour éteindre ce feu impur . Mais je ne trouve rien dans la vie des saints qui soit comparable au récit de saint Jérôme. Du fond de son désert, il écrit à un de ses amis, et lui fait la peinture des combats qu’il éprouve et des pénitences qu’il exerce sur son corps ; on ne peut le lire sans pleurer de compassion : « Dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupportable, dit-il, ne me nourrissant que d’un peu de pain noir et d’herbes crues, couchant sur la terre nue, ne buvant que de l’eau, même dans mes maladies, je ne cesse de pleurer aux pieds de mon crucifix. Lorsque mes larmes manquent, je prends une pierre, je m’en frappe la poitrine jusqu’à ce que le sang me sorte par la bouche, et malgré cela, le démon ne me laisse point de repos ; il faut toujours avoir les armes à la main . »

Que conclure, mes frères, de tout ce que nous venons de dire ? IL n’y a point de vertu qui nous rende si agréables au bon Dieu, que la vertu de pureté, et point de vice qui plaise tant au démon que le péché d’impureté. Cet ennemi ne peut souffrir qu’une personne qui est à Dieu possède cette vertu ; et c’est ce qui doit vous engager à ne rien négliger pour la conserver. Pour cela, veillez avec soin sur vos regards, vos pensées et tous les mouvements de votre cœur ; ayez fréquemment recours à la prière ; fuyez les mauvaises compagnies, les danses, les jeux ; pratiquez la mortification ; recourez à la très sainte Vierge ; fréquentez souvent les sacrements. Quel bonheur ! si nous sommes assez heureux pour ne pas laisser souiller notre cœur par ce maudit péché, puisque Jésus-Christ nous dit qu’il n’y aura que à ceux qui ont le cœur pur qui verront Dieu ! » Demandons, mes frères, chaque matin au bon Dieu de purifier nos yeux, nos mains et généralement tous nos sens ; afin que nous puissions paraître avec confiance devant Jésus-Christ, qui est le partage des âmes pures ; c’est tout le bonheur que je vous souhaite.