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Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 44, 45

Chapitre 44

Motifs, stimulants de la dévotion envers les défunts – Avantages personnels – Pensée salutaire

Nous venons de voir combien la charité envers les défunts est sainte et méritoire devant Dieu: Sancta cogitatio. Il nous reste à considérer combien elle est en même temps salutaire pour nous-mêmes: Salubris cogitatio. Si l’excellence de l’œuvre en elle-même est un si puissant motif pour nous y appliquer, les avantages précieux que nous y trouvons ne sont pas un moindre stimulant. Ils consistent d’une part dans les grâces, que nous recevons en retour de notre bienfaisance; de l’autre, dans la ferveur chrétienne, que cette bonne œuvre nous inspire.

Bienheureux, dit le Sauveur, ceux qui sont miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde (Matth. V, 7). – Heureux l’homme, dit l’Esprit-Saint, qui se souvient de l’indigent et du pauvre, le Seigneur le délivrera au jour mauvais (Ps. 40). -En vérité je vous le dis, toutes les fois que vous avez exercé la miséricorde envers le moindre de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Matth. XXV, 40). -Que le Seigneur vous soit miséricordieux, comme vous l’avez été envers ceux qui sont morts (Ruth. 1, 8). Ces diverses paroles s’entendent, dans leur sens le plus élevé, de la charité envers les défunts.

Saint Jean de Dieu – Faites l’aumône pour l’amour de vous-mêmes

Tout ce qu’on offre à Dieu par charité pour les morts, dit S. Ambroise dans son livre des Offices, se change en mérite pour nous, et nous le retrouvons au centuple après la mort: Omne quod defunctis impenditur, in nostrum tandem meritum commutatur, et illud post mortem centuplum recipimus duplicatum. On peut dire que le sentiment de l’Église, de ses Docteurs et de ses Saints peut s’exprimer par cette seule parole: Ce que vous faites pour les défunts, vous le faites de la manière la plus excellente pour vous-même. La raison en est, que cette œuvre de miséricorde vous sera rendue au centuple, au jour où vous-même serez dans la détresse. On peut appliquer ici la célèbre parole de S. Jean de Dieu, lorsqu’il demandait aux habitants de Grenade de donner l’aumône pour l’amour d’eux-mêmes. Ce charitable saint, pour subvenir aux besoins des malades qu’il entretenait dans son hôpital, parcourait les rues de Grenade, en criant: Faites l’aumône, mes frères, faites l’aumône pour l’amour de vous-mêmes. On s’étonnait de cette nouvelle formule, parce qu’on était accoutumé à entendre dire: l’aumône pour l’amour de Dieu; pourquoi disait-on au Saint, demandez-vous l’aumône pour l’amour de nous-mêmes ? – «Parce que, répondait-il, c’est le grand moyen de racheter vos péchés, selon cette parole du Prophète: Rachetez vos péchés par l’aumône, et vos iniquités par la miséricorde envers les pauvres (Daniel IV, 24). En faisant l’aumône vous agissez dans votre propre intérêt, puisque par elle vous vous soustrayez aux plus terribles châtiments que vos péchés ont mérités.» – Ne faut-il pas convenir que tout ceci est vrai pour l’aumône que nous faisons aux pauvres âmes du purgatoire ? Les aider, c’est nous préserver nous-mêmes de ces terribles expiations, auxquelles autrement nous ne pourrons échapper. Nous pouvons donc crier avec S. Jean de Dieu, Faites leur l’aumône de vos suffrages, secourez-les pour l’amour de vous-mêmes.

Sainte Brigitte

La bienfaisance envers les morts, avons-nous dit, est payée de retour, elle est récompensée par toutes sortes de grâces, dont la source est la reconnaissance des âmes, et celle de Jésus-Christ, qui regarde comme fait à lui-même tout le bien que nous faisons aux âmes.  Sainte Brigitte atteste dans ses révélations, et son témoignage est cité par Benoît XIII (Serm. 4. n. 12), que du fond des cavernes enflammées du purgatoire, elle entendit une voix, prononçant ces paroles: «Qu’il soit béni, qu’il soit récompensé, quiconque nous soulage dans ces peines !» Et une autre fois: «O Seigneur Dieu, déployez votre toute-puissance pour récompenser au centuple ceux qui nous viennent en aide par leurs suffrages, et qui font luire à nos yeux un rayon de vos divines clartés. » – dans une autre vision la même Sainte entendit la voix d’un ange disant: «Béni soit sur la terre quiconque par des prières et des bonnes œuvres vient en aide aux pauvres âmes souffrantes !»

Le Bienheureux Pierre Lefèvre

Le bienheureux Pierre Lefèvre de la Compagnie de Jésus, si connu par sa piété envers les saints anges, avait aussi une singulière dévotion pour les âmes du purgatoire. – « Ces âmes, disait-il, ont des entrailles de charité, toujours « ouvertes sur ceux qui marchent encore dans les sentiers si dangereux de la vie; « elles sont pleines de reconnaissance pour ceux qui les assistent. Elles peuvent « nous aider par leurs prières et offrir à Dieu leurs tourments en notre faveur. C’est chose excellente d’invoquer les âmes du purgatoire, pour obtenir par elles du Seigneur « une vraie connaissance et un sentiment profond de contrition de ses péchés, la « ferveur dans les bonnes œuvres, le soin de porter de dignes fruits de pénitence, « et en général toutes les vertus, dont l’absence leur a fait infliger un si terrible « châtiment (Mémorial du Bienheureux Lefèvre. Voir Messager du Sacré-Cœur, novembre 1873). »

Chapitre 45

Avantages de la dévotion envers les âmes – Reconnaissance de leur part

La reconnaissance des âmes est-elle d’ailleurs bien difficile à comprendre ? Si vous aviez délivré un captif du plus dur esclavage, ne serait-il pas reconnaissant d’un tel bienfait ? Lorsque l’empereur Charles-Quint s’empara de la ville de Tunis, il remit en liberté vingt mille esclaves chrétiens, réduits avant sa victoire à la plus affreuse condition. Pénétrés de reconnaissance pour leur bienfaiteur, ils l’entouraient en le bénissant, en chantant ses louanges. Si vous rendiez la santé à un malade désespéré, la fortune à un malheureux tombé dans l’indigence, ne recueilleriez-vous pas leur gratitude et leurs bénédictions ? Et les âmes si saintes et si bonnes se conduiront-elles autrement à l’égard de leurs bienfaiteurs, elles, dont la captivité, la souffrance, la nécessité fut bien autrement pressante et dure que toute captivité, toute indigence, toute maladie terrestre. Elles viennent surtout à leur rencontre au moment de la mort, pour les protéger, les accompagner et les lieux de l’éternel repos.

Sainte Marguerite De Cortone

Nous avons parlé plus haut de sainte Marguerite de Cortone (22 février) et de son dévouement pour les défunts. L’histoire rapporte qu’à sa mort elle vît venir à elle une multitude d’âmes qu’elle avait délivrées, et qui venaient lui faire cortège pour la conduire en paradis. Dieu révéla cette faveur accordée à Marguerite, par l’intermédiaire d’une sainte personne de la ville de Castello. Cette servante de Dieu, ravie en esprit au moment où Marguerite quittait la terre, vit son âme bienheureuse au milieu du cortège céleste; et revenue à elle, elle fit connaître à ses amis ce que le Seigneur lui avait donné à contempler.

Saint Philippe de Néri

Philippe de Néri (26 mai.), fondateur de la Congrégation de l’Oratoire, avait pour les âmes du purgatoire une dévotion très tendre; et son attrait le portait surtout à prier pour celles dont il avait dirigé la conscience. Il se croyait plus obligé envers elles, parce que la Providence les avait particulièrement confiées, à son zèle. A ses yeux, sa charité devait les suivre jusqu’à leur entière purification et à leur entrée dans la gloire. Il avouait que beaucoup de ses enfants spirituels lui apparaissaient après leur mort, pour lui demander des prières, ou pour le remercier de, celles qu’II avait faites en leur faveur. Il assurait également que par leur moyen il avait, reçu plus d’une grâce.

Après sa mort, un père Franciscain d’une grande piété priait dans la chapelle où l’on avait déposé ses restes vénérés, lorsque le Saint lui apparut, environné de gloire, au milieu d’un cortège brillant. Le religieux, gagné par l’air de bonté et de familiarité avec lequel le Saint le regardait, s’enhardit à lui demander quelle était cette troupe de bienheureux qui l’entouraient Le Saint lui répondit que c’étaient les âmes de ceux à qui il avait été utile durant sa vie mortelle, et que par ses suffrages il avait délivré du purgatoire. Il ajouta qu’elles étaient venues a sa rencontre au sortir de ce monde, pour l’introduire à leur tour dans la Jérusalem céleste.

Le Cardinal Baronius et la mourante

Il n’y a pas à douter, dit le pieux Père Rossignoli, qu’après leur entrée dans la gloire, les premières faveurs qu’elles demandent à la divine miséricorde, ne soient pour ceux qui leur ont ouvert la porte du paradis; et elles ne manqueront point de prier pour eux toutes les fois qu’elles les verront dans quelque besoin ou dans quelque péril. Dans les revers de fortune, les maladies, les accidents de tout genre, elles seront leurs protectrices. Leur zèle grandira quand il s’agira des intérêts de l’âme, elles les aideront puissamment à vaincre les tentations, à pratiquer les bonnes œuvres, à mourir chrétiennement, à échapper aux peines de l’autre vie. Le Cardinal Baronius, dont l’autorité historique est connue, raconte qu’une personne fort charitable envers les âmes, se trouva au lit de la mort dans de vives angoisses. L’esprit de ténèbres lui suggéra de sombres craintes, et voilant à Son esprit la douce lumière des divines miséricordes, s’efforçait de la plonger dans le désespoir; lorsque tout à coup le ciel sembla s’ouvrir à ses yeux et des milliers de défenseurs en descendaient, volant à son secours, ranimant sa confiance et lui promettant la victoire. Réconfortée par ce secours inattendu, elle demanda à ses défenseurs qui ils étaient: « Nous sommes, répondirent-ils, les âmes que vos suffrages ont tirées du purgatoire; nous venons vous aider à notre tour, et bientôt nous vous conduirons en paradis. A ces paroles consolantes la malade se sentit toute changée et remplie de la plus douce confiance. Peu de temps après elle expira tranquillement, la sérénité sur le front et l’allégresse dans le cœur.