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Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 52, 53

Chapitre 52

Avantages – Charité envers les âmes, récompensée par Jésus-Christ

Le Seigneur est plus porté à récompenser qu’à punir; et s’il inflige le châtiment de l’oubli à ceux qui oublient les âmes si chères à son cœur, il se montrera magnifiquement reconnaissant envers ceux qui l’assistent dans la personne de ses épouses souffrantes. Il leur dira au jour des récompenses: « Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume qui vous est préparé. Vous avez exercé la miséricorde envers vos frères nécessiteux et souffrants; or, en vérité je vous le dis, le bien que vous avez fait au moindre d’entre eux, vous l’avez fait à moi-même (Matth. XXV. 40).

Sainte Catherine de Sienne et Palmérine

Souvent dès cette vie, Jésus récompense par diverses faveurs les âmes compatissantes et charitables. Sainte Catherine de Sienne avait par sa charité converti une pécheresse, appelée Palmérine, qui mourut et alla au purgatoire. La sainte ne se donna point de repos qu’elle ne l’eût délivrée: en récompense le Sauveur permit à cette âme bienheureuse de lui apparaitre, ou plutôt lui- même voulut la montrer à sa servante comme une magnifique conquête de sa charité. Voici, d’après le Bienheureux Raymond, les détails de ce fait.

Au milieu du XIVe siècle, lorsque sainte Catherine de Sienne édifiait sa ville natale par toutes sortes d’œuvres de miséricorde, une femme, nommée Palmérine, après avoir été l’objet de sa plus tendre charité, conçut pour sa bienfaitrice une secrète aversion, qui dégénéra bientôt en une haine implacable. Ne pouvant plus la voir ni l’entendre, l’Ingrate Palmérine se déchainait contre la servante de Dieu et ne cessait de la noircir par les plus atroces calomnies. Catherine fit tout ce qui était en elle pour l’adoucir: ce fut en vain; aussi, voyant que sa bonté, son humilité et ses bienfaits ne faisaient qu’enflammer la fureur de cette malheureuse, elle pria Dieu avec instance d’amollir lui-même son cœur endurci. Dieu l’exauça en frappant Palmérine d’une maladie mortelle; mais ce châtiment ne suffit pas pour la faire rentrer en elle-même: en retour des soins les plus tendres que la sainte lui prodiguait, elle l’accabla d’injures et la chassa de sa présence.

– Cependant sa fin approchait, et un prêtre fut appelé pour lui administrer les sacrements. La malade fut incapable de les recevoir à cause de la haine qu’elle nourrissait et qu’elle refusait de déposer. A cette triste nouvelle, Catherine voyant que la malheureuse avait déjà un pied dans l’enfer, répandit un torrent de larmes et fut inconsolable. Durant trois jours et trois nuits, elle ne cessa de supplier Dieu pour elle, joignant le jeûne à la prière. « Eh quoi! Seigneur, disait-elle, permettriez-vous que cette âme périsse à cause de moi? Je vous en conjure, accordez-moi à tout prix sa conversion et son salut. Punissez sur moi son péché, dont je suis l’occasion: ce n’est pas elle, c’est moi qu’il faut frapper. Seigneur, ne me refusez pas la grâce que je vous demande: je ne vous quitterai point que je ne l’aie obtenue. Au nom de votre bonté, de votre miséricorde, je vous conjure, très miséricordieux Sauveur, de ne pas permettre que l’âme de ma sœur quitte son corps, avant d’être rentrée en grâce avec Vous. »

Sa prière, ajoute l’historien de sa vie, était si puissante i qu’elle empêchait la m3ladè de mourir. L’agonie durait depu.is trois jours et trois nuits, au grand étonnement des assistants. Catherine pendant tout ce temps continuait à intercéder, et finit par remporter la victoire. Dieu ne put lui résister plus longtemps et fit un miracle de miséricorde.

Un rayon céleste pénétra dans le cœur de la moribonde, lui fit voir sa faute et la toucha de repentir. La sainte, à qui Dieu le fit connaitre, accourut aussitôt; et dès que la malade l’aperçut, elle lui donna toutes les marques possibles d’amitié et de respect, s’accusa de sa faute à haute voix, reçut pieusement les sacrements et mourut dans la grâce du Seigneur.,

Malgré: cette conversion sincère, il était bien à craindre qu’une pécheresse, à peine échappée à l’enfer, n’eût à subir un rude purgatoire. La charitable Catherine continua à faire tout ce qui était en elle pour hâter à Palmérine son entrée, dans la gloire.

Tant de charité ne pouvait rester sans récompense.

« Notre-Seigneur, écrit le Bienheureux Raymond, montra cette âme sauvée à son épouse. Elle était si brillante, qu’elle m’a dit elle-même qu’aucune expression n’était capable de rendre sa beauté. Elle n’avait pas encore cependant revêtu la gloire de la vision béatifique, mais elle avait I’ éclat que donnent la création et la grâce du baptême. Notre- Seigneur lui disait: Voici, ma fille, cette âme perdue que tu m’as fait retrouver. Et il ajoutait: Ne te semble-t-elle pas bien belle et bien précieuse? Qui ne voudrait supporter toute espèce de peine pour gagner une créature si parfaite et l’introduire dans la vie éternelle? Si moi, qui suis la beauté suprême, d’où découle toute beauté, j’ai été captivé par la beauté des âmes au point de descendre sur la terre et de répandre mon sang pour les racheter; à bien plus forte raison devez-vous travailler les uns pour les autres, afin que des créatures si admirables ne se perdent pas. Si je t’ai montré cette âme, c’est pour que tu sois de plus en plus ardente à tout ce qui regarde le salut des âmes.

Sainte Madelaine de Pazzi et sa mère

Sainte Madeleine de Pazzi, si pleine de dévotion pour tous les défunts, épuisa toutes les ressources de la charité chrétienne en faveur de sa mère, lorsque celle-ci vint à mourir. Quinze jours après sa mort, Jésus voulant consoler son épouse, lui montra l’âme de la bien-aimée défunte. Madeleine la vit dans le paradis, couverte d’une splendeur éblouissante et environnée de saints, qui paraissaient lui porter beaucoup d’intérêt. Elle l’entendit ensuite lui donner trois conseils, qui ne sortirent plus de sa mémoire. « Ayez soin, ma fille, lui dit-elle, de descendre le plus bas que vous pourrez dans la sainte humilité, d’observer religieusement l’obéissance et d’accomplir avec prudence tout ce qu’elle vous prescrira. » – Cela dit, Madeleine vit sa bienheureuse mère se soustraire à ses regards, et demeura inondée des plus douces consolations (Cépari Vie de S Mad. Pazzi ).

Chapitre 53

Avantages – Charité pour les défunts récompensée – Saint Thomas d’Aquin, sa sœur

Le Docteur Angélique. S. Thomas d’Aquin, pareillement fort dévot envers les âmes, Fut récompensé par plusieurs apparitions, que l’on a connues par l’irrécusable témoignage de cet illustre Docteur lui-même (7 mars. Sa vie par Mafféi, et Ross. Merv.59).

Il offrait particulièrement à Dieu ses prières et sacrifices pour les défunts qu’il avait connus, ou qui étaient de sa parenté. Lorsqu’il était lecteur de théologie à l’Université de Paris, il perdit une sœur, qui mourut au monastère de Sainte- Marie de Capoue, dont elle était abbesse. Dès que le Saint apprit son décès, il recommanda son âme à Dieu avec ferveur. Quelques jours après, elle lui apparut, le conjurant d’avoir pitié d’elle, de continuer et de redoubler ses suffrages, parce qu’elle souffrait cruellement dans les flammes de l’autre vie, Thomas s’empressa d’offrir à Dieu toutes les satisfactions ne son pouvoir, et réclama en outre les charitables suffrages de plusieurs de ses amis, Il obtint ainsi la délivrance de sa sœur qui vint-elle-même lui en donner l’assurance.

Le Frère Romain

Ayant été peu de temps après, envoyé à Rome par ses supérieurs, l’âme de cette sœur lui apparut, mais cette fois dans tout l’éclat du triomphe et de la joie, et elle lui dit, que ses prières pour elle étaient exaucées, qu’elle était délivrée de toute souffrance et qu’elle allait pour toute l’éternité se reposer dans le sein de Dieu. Familiarisé avec les choses surnaturelles, le Saint ne craignit pas d’interroger l’apparition, et de lui demander ce qu’étaient devenus ses deux frères, Arnould et Landolphe, morts aussi depuis quelque temps. « Arnould est au ciel, répondit l’âme, et il jouit d’un haut degré de gloire, pour avoir défendu l’Église et Le Souverain-Pontife contre les impies agressions de l’empereur Fréderic. Quant à Landolphe il est encore dans le purgatoire, où il souffre beaucoup et a grandement besoin de secours. Pour VOUS, mon cher frère ajouta-t-elle une place magnifique vous attend dans le paradis en récompense de tout ce que vous avez fait pour l’Église. Hâtez-vous de mettre la dernière main aux divers travaux que vous avez entrepris, car vous viendrez bientôt nous rejoindre. L’histoire rapporte qu’en effet le saint Docteur ne vécut plus longtemps après. Une autre fois, le même Saint, faisant oraison dans l’église de S. Dominique à Naples, vit venir à lui le Frère Romain, qui lui avait succédé à Paris dans la chaire de Théologie. Le Saint crut d’abord qu’il venait d’arriver de Paris, car il ignorait sa mort; il se leva donc, alla à sa rencontre, et le salua en s’informant de sa santé et des motifs de son voyage. – « Je ne suis plus de ce monde, lui dit le religieux en souriant; et par la miséricorde de Dieu je suis déjà en possession du souverain Bien. Je viens par ses ordres vous encourager dans vos travaux. – Suis-je en état de grâce? demanda aussitôt Thomas. – Oui, mon frère, et vos œuvres sont très agréables à Dieu. Et vous, avez-vous subi le purgatoire – Oui, pendant quinze jours, pour diverses infidélités que je n’avais pas suffisamment expiées auparavant. ».

Alors Thomas, toujours préoccupé des questions théologiques, voulut profiler de l’occasion pour éclaircir le mystère de la vision béatifique; mais il lui fut répondu par ce verset du Psaume 47: Sicut audivimus, bic vidimus in civitate Dei nostri; ce que nous avions appris par la foi, nous l’avons vu de nos yeux dans la cité de notre Dieu.

– En prononçant ces paroles, l’apparition s’évanouit, laissant l’angélique Docteur embrasé du désir des biens éternels.

L’archiprêtre Ponzoni

Plus récemment, au XVIe siècle, une faveur du même genre, peut-être plus éclatante, fut accordée à un zélateur des âmes du purgatoire, ami particulier de S. Charles Borromée. Le vénérable Gratien Ponzoni, archiprêtre d’Arona, s’intéressa toute sa vie au soulagement des âmes.

Pendant la fameuse peste qui fit tant de victimes au diocèse de Milan, Ponzoni; non content de se multiplier pour administrer les sacrements aux pestiférés, n’avait pas craint de se faire fossoyeur et d’ensevelir les cadavres: car la peur avait paralysé tous les courages, et personne n’osait se charger de cette terrible besogne. Il avait surtout assisté à la mort, avec un zèle et une charité toute apostolique, un grand nombre de ces infortunés d’Arona; et les avait convenablement inhumés dans le cimetière situé près de son église de Sainte-Marie.

Don Alphonse Sanchez

Un jour, après l’office de$ vêpres, comme il passait auprès de ce cimetière, accompagné de don Alphonse Sanchez, alors gouverneur d’Arona. Il s’arrêta tout à coup, frappé d’une vision extraordinaire. Craignant d’être le jouet d’une hallucination, il se tourna vers don Sanchez, et lui adressant la parole: Monsieur, lui demanda-t-il, voyez-vous le même spectacle qui se présente à mes regards? – Oui, reprit le gouverneur, qui s’arrêtait dans la même contemplation je vois une procession de morts, qui s’avancent de leurs tombes vers l’église; et j’avoue que, avant que vous m’en eussiez parlé, j’avais peine à en croire mes yeux. Assuré alors de la réalité de I ’apparition, ce sont probablement, ajouta l’archiprêtre, les récentes victimes de la peste qui nous font connaître ainsi qu’elles ont besoin de nos prières. Aussitôt il fit sonner les cloches et convoquer les paroissiens pour le lendemain à un service solennel en faveur des défunts (Vie du V én. Ponzoni. Cf. Ross. Merv. 75).

On voit ici deux personnages que l’élévation de leur esprit met en garde contre tout péril d’illusion, et qui, frappés tous deux en même temps de la même apparition, ne se décident à y ajouter foi qu’après avoir constaté que leurs yeux perçoivent le même phénomène, Il n’y a pas là la moindre place à hallucination, et tout homme sérieux doit admettre la réalité d’un fait surnaturel attesté par de tels témoins. – On ne saurait non plus raisonnablement révoquer en doute des apparitions appuyées sur le témoignage d’un saint Thomas d’Aquin, et citées un peu plus haut. Ajoutons qu’on doit pareillement se garder de rejeter légèrement d’autres faits du même genre, du moment qu’ils sont attestés par des personnes d’une sainteté reconnue et vraiment digues de foi. Il faut de la prudence, sans doute, mais une prudence chrétienne, également éloignée de la crédulité et de cet esprit trop entier que Jésus-Christ, comme nous l’avons fait observer ailleurs; reprend dans un de ses apôtres: Noli esse incredulus, sed fidelis, ne sois pas incrédule, mais croyant.

La Bienheureuse Marguerite et la Mère Greffier

 Monseigneur Languet, évêque de Soissons, fait la même remarque, à propos d’une circonstance qu’il cite dans sa Vie de la Bienheureuse Marguerite Alacoque. « La demoiselle Billet, dit-il, femme du médecin de la Maison; c’est-à-dire, du couvent de Paray, où résidait la Bienheureuse, était venue à mourir. L’âme de la défunte apparut à la servante de Dieu pour lui demander des prières, et elle la chargea en même temps d’avertir son mari de deux choses secrètes, qui concernaient la justice et son salut. Sœur Marguerite rendit compte à la mère Greffier, sa supérieure, de ce qu’elle avait vu. La supérieure se moqua de la vision, et de celle qui la lui rapportait: elle imposa silence, à Marguerite, et lui défendit de ne rien dire ni de rien faire de ce qui lui avait été demandé. L’humble religieuse obéit avec simplicité et, avec la même simplicité, elle rapporta à la mère Greffier une seconde sollicitation que lui fit encore la défunte peu de jours après: ce que cette supérieure méprisa encore. Mais la nuit, suivante elle fut elle-même troublée par un bruit si horrible qui se fit entendre dans sa chambre, qu’elle en pensa mourir d’effroi. Elle appela des sœurs, et ce secours vint à propos, car’ elle était presque pâmée.

Quand elle fut revenue à elle, elle se reprocha son incrédulité, et ne manqua pas d’avertir le médecin de ce qui avait été dit à la sœur Marguerite.

« Le médecin reconnut que l’avis venait de Dieu, et en profita. Pour la mère Greffier, elle apprit par son expérience, que si la défiance est ordinairement le parti le plus sage, il ne faut pas non plus la pousser trop loin, surtout quand la gloire de Dieu et l’avantage du prochain peuvent y être intéressés. »