Chapitre 62
Moyens d’éviter le purgatoire – Mortification chrétienne – Saint Jean Berchmans
Le troisième moyen de bien satisfaire en ce monde, c’est la pratique de la mortification chrétienne et l’obéissance religieuse.
Nous portons toujours dans nos corps la mortification de Jésus, dit l’Apôtre, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi dans nos corps (II Cor.IV, 10). Cette mortification de Jésus que le chrétien doit porter en lui, c’est, dans un sens large, la part qu’il doit prendre aux souffrances de son divin Maître, en souffrant en union avec lui les, peines qui se rencontrent dans la vie, ou que l’on peut volontairement s’imposer.
La première et la meilleure mortification est celle s’attache à nos devoirs journaliers, la peine que nous devons prendre, l’effort que nous devons faire pour bien remplir tous les devoirs de notre état, et supporter les contrariétés de chaque jour. Lorsque S. Jean Berchmans disait que sa principale mortification était la vie commune, il ne disait pas autre chose, parce que la vie commune pour lui résumait tous les devoirs de son état.
Au reste, celui qui sanctifie les devoirs et les peines de chaque jour, et qui pratique ainsi la mortification fondamentale, ira bientôt plus loin, et s’imposera des privations et des peines volontaires, pour racheter les peines de l’autre vie.
Les moindres mortifications, les plus légers sacrifices, surtout quand ils se font par obéissance, sont d’un grand prix auprès de Dieu.
La Bienheureuse Émilie de Yerceil et la religieuse s’ennuyant au. Chœur
La bienheureuse Émilie, dominicaine, prieure du monastère de Sainte-Marguerite à Verceil, inspirait Il ses religieuses l’esprit d’obéissance parfaite, en vue du purgatoire. Un des points de la règle interdisait de boire hors des repas, Il moins d’une permission expresse de la supérieure. Or celle-ci, sachant, ce que nous avons vu plus haut, combien le sacrifice d’un verre d’eau a de valeur auprès de Dieu, avait pour pratique ordinaire de la refuser, afin de fournir à ses sœurs l’avantage d’une mortification facile; mais elle avait soin de leur adoucir ce refus en leur disant d’offrir leur soif Il Jésus, tourmenté d’une soif si cruelle sur la croix; elle leur conseillait aussi de souffrir cette peine légère en vue du purgatoire afin d’être moins tourmentées par les ardeurs des flammes expiatrices.
Il y avait dans sa communauté une sœur appelée Marie-Isabelle, qui avait l’esprit trop dissipé, aimait trop les conversations et autres distractions extérieures. Il en résultait qu’elle avait peu de goût pour la prière, qu’elle était négligente à l’office et s’acquittait à contrecœur de ce devoir capital. Aussi ne montrait-elle aucun empressement à se rendre au chœur; mais dès que l’office était fini, elle sortait la première. Un jour qu’elle s’en allait ainsi à la hâte et passait devant la stalle de la Prieure, celle-ci l’arrêta: « Où donc allez-vous si vite, ma bonne sœur 1lui dit-elle, et qui vous presse de sortir avant toutes les autres « La sœur, prise au dépourvu, garda d’abord respectueusement le silence; puis elle avoua avec humilité qu’elle s’ennuyait à l’office et qu’il lui paraissait bien long: – « C’est fort bien, reprit la Prieure; mais s’il vous en coûte tant de chanter, commodément assise, les louanges de Dieu au milieu de vos sœurs, comment ferez-vous dans le purgatoire, quand vous serez retenue au milieu des flammes. Pour vous épargner cette terrible épreuve, ma chère fille, je vous ordonne à l’avenir, de ne plus quitter votre ‘place que la dernière.
La sœur se soumit avec simplicité, comme une véritable enfant d’obéissance; elle en fut bien récompensée.
Le dégoût qu’elle avait éprouvé jusqu’alors pour des choses de Dieu la quitta et fit place à une dévotion pleine de douceur. De plus, comme Dieu le fit connaitre à la Bienheureuse Émilie, étant morte à quelque temps de là, elle obtient une grande diminution des peines qui l’attendaient dans l’autre vie: Dieu lui compta comme autant d’heures du purgatoire, les heures qu’elle avait passées dans la prière en esprit d’obéissance (Diario domenic. 3 mai. Cf. Mer ». 60.)
Chapitre 63
Moyens d’éviter le purgatoire – Les sacrements. – Les recevoir promptement – Effet médicinal de l’Extrême-onction
Nous avons indiqué comme quatrième moyen de satisfaire en ce monde, l’usage des sacrements, et surtout la réception sainte et chrétienne des derniers sacrements à l’approche de la mort.
Le divin Maître nous avertit dans l’Évangile de nous bien préparer à la mort, afin qu’elle soit précieuse à ses yeux et le digne couronnement d’une vie chrétienne. Son amour pour nous lui fait souhaiter ardemment, que nous sortions de ce monde pleinement purifié, débarrassé de toute dette envers Ia divine justice, et qu’en paraissant devant Dieu; nous soyons trouvés dignes d’être admis parmi les élus sans avoir besoin de passer par le purgatoire. C’est à cette fin que, d’ordinaire, il nous accorde, avant de mourir, les souffrances d’une maladie, et qu’il a institué des sacrements, pour nous aider à sanctifier ces souffrances et pour nous disposer parfaitement à paraître devant sa face.
Les sacrements qu’on doit recevoir en temps de maladie sont au nombre de trois: la confession, que l’on peut faire aussitôt que l’on veut; le saint Viatique et l’Extrême- Onction, que l’on peut recevoir dès qu’il y a danger de mort.’ Cette circonstance du danger de mort doit s’entendre largement et dans le sens d’une appréciation morale: il n’est pas nécessaire qu’il y ait un danger imminent de mourir, ou que tout espoir de guérison soi~ perdu; il ne faut pas même que le danger de mort soit certain, il suffit qu’il soit probable et prudemment supposé; lors même qu’il n’y aurait pas d’autre infirmité que la vieillesse (voir une brochure approuvée par tous les Évêques de Belgique et intitulée: Les médecins et les familles, Bruxelles, maison Gœmaere).
Les effets des sacrements bien reçus répondent à tous les besoins, à tous les désirs légitimes des malades, ces divins remèdes purifient l’âme de ses péchés et augmentent son trésor; de grâce sanctifiante; ils fortifient le malade et l’aident à supporter ses maux avec patience, à triompher des assauts du démon au moment suprême, et à faire généreusement à Dieu le sacrifice de sa vie.
– De plus, outre les effets qu’ils produisent, sur l’âme, les sacrements exercent la plus salutaire influence sur le corps. L’Extrême-onction surtout soulage le malade et adoucit ses douleurs; elle lui rend même la santé, si Dieu le juge, expédient pour son salut.
Les sacrements sont donc pour les fidèles un secours immense, un bienfait inestimable. Aussi n’est-il pas étonnant que l’ennemi des âmes mette tout en œuvre pour les priver d’un si grand bien. Ne pouvant enlever les sacrements à l’Église il tâche de les enlever aux malades, en faisant en sorte qu’ils ne les reçoivent pas, ou qu’ils les reçoivent tardivement et en perdent tous les avantages. Hélas! que d’âmes se laissent prendre dans ce piège!
Que d’âmes, pour n’avoir pas reçu promptement les sacrements, tombent en enfer, ou, du moins, dans les plus profonds abîmes du purgatoire!
Pour éviter ce malheur, le premier soin du chrétien, en cas de maladie, doit être de songer aux sacrements et de les recevoir le plus promptement possible.
Nous disons qu’il faut recevoir les sacrements promptement, tandis que le malade possède encore l’usage de ses facultés, et nous appuyons sur cette circonstance: en voici les raisons
1° En recevant les sacrements promptement, le malade ayant encore assez de forces pour s’y bien préparer, en recueillera tout le fruit.
2° Il a besoin d’être muni le plus tôt possible de ces divins secours, pour supporter les douleurs, vaincre les tentations, et sanctifier le précieux temps de la maladie.
3° Ce n’est qu’en recevant bien à temps les saintes Huiles, qu’il en peut ressentir les effets pour la guérison corporelle. Car il faut ici remarquer un point capital: le remède sacramentel de l’Onction sainte produit son effet sur la maladie, à la manière des remèdes médicaux. Semblable à un médicament exquis, il seconde la nature, dans laquelle il suppose encore une certaine vigueur; en sorte que l’Extrême-onction ne peut exercer sa vertu médicinale, quand la nature est trop affaiblie et la vie presque éteinte. Aussi, bien des malades succombent, parce qu’ils diffèrent jusqu’à l’extrémité de recevoir ce sacrement; tandis qu’il n’est pas rare de voir se guérir ceux qui se hâtent de le demander.
Saint Alphonse de Liguori
Saint Alphonse (Praxis confess, n. 274) parle d’un malade, qui ne reçut que fort tard Extrême-Onction, et mourut bientôt après.
Or, Dieu fit connaître, dit le saint Docteur, par voie de révélation, que s’il eût reçu ce Sacrement plus tôt, il aurait recouvré la santé.
Toutefois l’effet le plus précieux des derniers sacrements est celui qu’ils produisent sur l’âme: ils la purifient des restes du péché et lui ôtent, ou du moins diminuent ses dettes de peines temporelles, ils la fortifient pour supporter saintement les souffrances, ils la remplissent de confiance en Dieu et l’aident à accepter la mort des mains de Dieu, en union avec celle de Jésus-Christ.