Chapitre 26 – Soulagement des âmes
Indulgences
Passons aux indulgences applicables aux défunts. C’est ici que la divine miséricorde se révèle avec une sorte de prodigalité. On sait que l’Indulgence est la rémission des peines temporelles dues au péché, accordée par le pouvoir des clefs en dehors du sacrement.
En vertu du pouvoir des clefs qu’elle a reçu de Jésus-Christ, la sainte Église peut délivrer les fidèles soumis à sa juridiction, de tout obstacle à leur entrée dans la gloire. Elle exerce ce pouvoir dans le sacrement de Pénitence, où elle les absout de leurs péchés; elle l’exerce aussi hors du sacrement, pour leur ôter la dette des peines temporelles qui leur reste après l’absolution: dans ce second cas c’est l’indulgence.
La rémission des peines par l’indulgence ne s’accorde qu’aux fidèles vivants; mais l’Église peut, en vertu de la communion des saints, autoriser ses enfants encore en vie, à céder la remise qui leur est faite à leurs frères défunts: c’est l’indulgence applicable aux âmes du purgatoire. Appliquer une indulgence aux défunts, c’est l’offrir à Dieu au nom de sa sainte Église, pour qu’il daigne l’attribuer aux âmes souffrantes. Les satisfactions offertes ainsi à la divine justice au nom de Jésus-Christ et de son Église, sont toujours agréées, et Dieu les applique soit à telle âme en particulier qu’on a l’intention d’aider, soit à certaines âmes qu’il veut lui-même favoriser, soit à toutes en général.
Les indulgences sont plénières ou partielles. L’indulgence plénière est la rémission, accordée à celui qui gagne cette indulgence, de toute la peine temporelle dont il est Passible devant Dieu. Supposé que pour acquitter cette dette il faille pratiquer cent ans de pénitence canonique sur la terre, ou souffrir plus longtemps encore les peines du purgatoire; par le fait que l’indulgence plénière est parfaitement gagnée, toutes ces peines sont remises; et l’âme ne présente plus aux yeux de Dieu aucune ombre qui l’empêche de voir sa face divine.
L’indulgence partielle consiste dans la rémission d’un certain nombre de jours ou d’années. Ces jours et ces années ne représentent nullement des jours ou des années de souffrances au purgatoire; il faut les entendre des jours et des années de pénitence publique, canonique, consistant surtout en jeûnes, et telle qu’on l’imposait autrefois aux pécheurs, selon l’ancienne discipline de l’Église. Ainsi une indulgence de quarante jours ou de sept années, c’est la rémission qu’on mériterait devant Dieu par quarante jours ou sept années de pénitence canonique. Quelle est la proportion qui existe entre ces jours de pénitence, et la durée des peines au purgatoire ? C’est un secret qu’il n’a pas plu à Dieu de nous révéler.
La Bienheureuse Marie de Quito et les monceaux d’or
Les indulgences dans l’Église sont un vrai trésor spirituel, exposé publiquement devant les fidèles: il est permis à tous d’y puiser pour acquitter leurs dettes et payer celles des autres. C’est sous cette figure que Dieu daigna les montrer un jour à la Bienheureuse Marie de Quito (26 mai). Elle fut ravie en extase et vit, au milieu d’une grande place, une immense table chargée de monceaux d’argent, d’or, de rubis, de perles, de diamants; en même temps elle entendit une voix qui disait: « Ces richesses sont publiques: chacun peut s’approcher et en recueillir « autant qu’il lui convient. » Dieu lui fit connaître que c’était là une image des indulgences (Rossignoli, Merv. 29). Combien donc, dirons-nous avec le pieux auteur des Merveilles, combien ne sommes-nous pas coupables, dans une abondance pareille, de rester pauvres et dénués pour nous-mêmes, et de ne point songer à aider les autres ? Hélas ! les âmes du purgatoire sont dans une nécessité extrême, elles nous supplient avec larmes au milieu de leurs tourments: nous avons dans les indulgences le moyen d’acquitter leurs dettes, et nous n’en faisons rien !
L’accès de ce trésor exige-t-il des efforts pénibles, des jeûnes, des voyages, des privations insupportables à la nature ? Quand même cela serait, disait avec raison l’éloquent Père Segneri, il faudrait nous y résoudre. Eh ! ne voit-on pas les hommes par amour pour l’or, par zèle pour les arts, afin de conserver une partie de leur fortune ou de sauver une toile précieuse, s’exposer aux flammes d’un incendie ? Ne faudrait-t-il pas au moins en faire autant pour sauver des flammes expiatrices les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ ? Mais la divine bonté ne demande rien de trop pénible: elle n’exige que des œuvres communes et faciles: un chapelet, une prière, une communion, la visite d’un sanctuaire, une aumône, les éléments du catéchisme enseignés à des enfants abandonnés. Et nous négligeons l’acquisition si aisée du plus précieux trésor, et nous n’avons point d’ardeur pour l’appliquer à nos pauvres frères qui gémissent dans les flammes !
Chapitre 27 – Soulagement des âmes – Indulgences
La Mère Françoise de Pampelune
La vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement, religieuse de Pampelune, dont nous avons déjà fait connaître la charité envers les âmes, avait aussi le plus grand zèle à les secourir au moyen des indulgences. Un jour Dieu lui fit voir les âmes de trois Prélats, qui avaient occupé précédemment le siège épiscopal de Pampelune, et qui gémissaient encore dans les souffrances du purgatoire. La servante de Dieu comprit qu’elle devait mettre tout en œuvre pour obtenir leur délivrance. Comme le Saint-Siège avait alors accordé à l’Espagne des Bulles, dites de la Croisade, qui permettaient de gagner une indulgence plénière à certaines conditions, elle crut que le meilleur moyen de venir en aide à ces âmes, serait de leur procurer à chacune l’avantage d’une indulgence plénière.
L’évêque Ribéra
Elle parla donc à son Evêque, Cristophe de Ribéra, lui découvrit le triste état des trois prélats, et lui demanda la faveur de trois indulgences de la croisade. Cristophe de Ribéra, apprenant que trois de ses prédécesseurs étaient encore au purgatoire, s’empressa de procurer à la servante de Dieu les Bulles indulgenciées. Elle remplit aussitôt toutes les conditions requises et appliqua une indulgence plénière à chacun des trois Évêques. La nuit suivante tous les trois apparurent à la Mère Françoise délivrés de toutes leurs peines: ils la remercièrent de sa charité, et la prièrent de remercier aussi l’Évêque Ribéra pour les indulgences qui leur avaient enfin ouvert les portes du ciel (Vie de Françoise du S. Sacrem. Merv. 26).
Sainte Madelaine de Pazzi
Voici ce que rapporte le Père Cépari dans la Vie de sainte Madeleine de Pazzi. Une religieuse professe, qui avait reçu de Madeleine les soins les plus attentifs pendant sa maladie, étant morte, et son corps exposé dans l’église selon l’usage, Madeleine se sentit inspirée d’aller encore une fois la contempler. Elle fut donc se placer à la grille du chapitre d’où elle pouvait l’apercevoir; mais à peine arrivée, elle fut ravie en extase et vit l’âme de cette mère qui prenait son vol vers le ciel. Transportée de joie à ce spectacle, on l’entendit qui disait: « Adieu, ma sœur, adieu, âme bienheureuse ! Comme une très pure colombe, vous volez au céleste séjour, et vous nous laissez dans ce lieu de « misères. Oh ! que vous êtes belle et glorieuse ! Qui pourra expliquer la gloire « dont Dieu a couronné vos vertus ? Que vous avez passé peu de temps dans les « flammes purgatives ! Votre corps n’a pas encore été rendu à la terre, et voilà « que votre âme est déjà reçue dans le sacré palais! Vous connaissez « maintenant la vérité de ces paroles que je vous disais naguère: Que toutes les « peines de la vie présente sont peu de chose en comparaison des biens immenses « que Dieu garde à ses amis. » – Dans cette même vision, le Seigneur lui fit connaître que cette âme n’avait passé que quinze heures en purgatoire, parce qu’elle avait beaucoup souffert pendant la vie, et qu’elle avait été soigneuse de gagner les indulgences, que l’Église accorde à ses enfants en vertu des mérites de Jésus-Christ.
Sainte Thérèse
Sainte Thérèse, dans un de ses ouvrages, parle d’une religieuse qui faisait le plus grand cas des moindres indulgences accordées par l’Église, et s’appliquait à gagner toutes celles qu’elle pouvait. Sa conduite n’avait d’ailleurs rien que de fort ordinaire et sa vertu était très commune. Elle vint à mourir, et la Sainte la vit, à sa grande surprise, monter au ciel presque aussitôt après sa mort, en sorte qu’elle n’eut pas pour ainsi dire de purgatoire à faire. Comme Thérèse en exprimait son étonnement à Notre-Seigneur, le Sauveur lui fit connaître que c’était le fruit du soin qu’elle avait eu de gagner le plus d’indulgences possible pendant sa vie: « C’est par là, ajouta-t-il, qu’elle a acquitté presque entièrement « ses dettes, quoique nombreuses, avant de mourir, et qu’elle a apporté une si « grande pureté au tribunal de Dieu. »