Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 28, 29

Chapitre 28 Soulagement des âmes – Indulgences

Prières indulgenciées

Il y a certaines indulgences faciles à gagner et applicables aux défunts. Nous croyons faire plaisir au lecteur en indiquant ici les principales (Voir Maurel, Le chrétien éclairé sur les indulgences).

  1. La prière: O bon et très doux Jésus… Indulgence plénière pour quiconque, s’étant confessé et ayant communié, récite cette prière devant une image de Jésus crucifié, et y ajoute quelque autre prière à l’intention du Souverain-Pontife.
  2. Chapelet bénit. De grandes indulgences sont attachées à la récitation du saint Rosaire, si l’on se sert d’un chapelet indulgencié, soit par Notre Saint-Père le Pape, soit par un prêtre qui en a reçu le pouvoir.
  3. Chemin de la Croix. Comme nous l’avons dit plus haut (Chap. XXV), plusieurs indulgences plénières et un grand nombre de partielles sont attachées aux Stations du Chemin de la Croix. Ces indulgences ne requièrent pas la confession et la communion; il suffit d’être en état de grâce et d’avoir un sincère repentir de tous ses péchés. – Quant à l’exercice même du Chemin de la Croix, il ne requiert que deux conditions: 1° de parcourir les quatorze stations, en passant de l’une à l’autre, autant que les circonstances le permettent; 2° de méditer en même temps sur la passion de Jésus-Christ. Les personnes qui ne savent point faire une méditation un peu suivie, peuvent se contenter de penser affectueusement à quelque circonstance de la passion, selon leur capacité. On les exhorte néanmoins, sans leur en imposer l’obligation, à réciter un Pater et un Ave Maria devant chaque croix, et à faire un acte de contrition de leurs péchés (Décret du 16 février 1839).
  4. Les actes de foi, d’espérance et de charité. Indulgence de sept années et sept quarantaines, chaque fois qu’on les récite.
  5. Les litanies de la Sainte Vierge. 300 jours chaque fois.
  6. Le signe de la croix. 50 jours chaque fois; et avec de l’eau bénite 100 jours.
  7. Prières diverses. Mon Jésus, miséricorde ! 100 jours chaque fois. – Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. 300 jours, une fois le jour. – Doux cœur de Marie, soyez mon salut. 300 jours, chaque fois.
  8. V Loué soit Jésus-Christ. – R Dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. 50 jours, chaque fois que deux personnes se saluent par ces paroles.
  9. L’Angelus Domini. Indulgence de 100 jours chaque fois qu’on le récite, ou le matin, ou à midi, ou le soir, avec un cœur contrit, à genoux, et au son de la cloche.

Chapitre 29 – Soulagement des âmes

L’aumône – Raban-Maur

Il nous reste à parler d’un dernier moyen très-puissant pour soulager les âmes: c’est l’aumône. Le Docteur Angélique, S. Thomas, préfère au jeûne et à la prière le mérite de l’aumône, quand il s’agit d’expier les fautes passées. « L’aumône, dit-il (In 4. dist. 15, q. 3), possède plus complètement la vertu de la « satisfaction que la prière, et la prière plus complètement que le jeûne. » C’est pourquoi de grands serviteurs de Dieu et de grands Saints l’ont principalement choisie comme moyen de secourir les défunts. Nous pouvons citer parmi eux, comme l’un des plus remarquables, le saint Abbé Raban-Maur (4 février) premier abbé de Fulde au IXe siècles, puis Archevêque de Mayence.

Edélard au monastère de Fulde

L’abbé Trithème, écrivain distingué de l’Ordre de S. Benoît, raconte que Raban faisait distribuer beaucoup d’aumônes pour les trépassés. Il avait établi comme règle que, toutes les fois qu’un des religieux viendrait à mourir, sa portion serait pendant trente jours distribuée aux pauvres, afin que l’âme du défunt fût soulagée par cette aumône. Or il arriva, l’an 830, que le monastère de Fulde fut éprouvé par une sorte de contagion, qui emporta un grand nombre de religieux. Raban-Maur, plein de zèle et de charité pour leurs âmes, fit venir Edélard, économe du monastère et lui rappela la règle des aumônes établie pour les défunts. « Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions soient fidèlement « observées, et qu’on gratifie les pauvres pendant un mois entier, de la nourriture « destinée aux frères que nous venons de perdre. »

Edélard manquait tout à la fois d’obéissance et de charité. Sous prétexte que ces largesses étaient excessives et qu’il devait ménager les ressources du monastère, mais en réalité parce qu’il était dominé par une secrète avarice, il négligea de faire les distributions prescrites, ou ne les fit que d’une façon fort incomplète. Or la justice divine ne laissa pas impunie cette infidélité.

Le mois n’était pas écoulé, lorsqu’un soir, après que la communauté s’était retirée, il traversait la salle du chapitre, tenant une lanterne à la main. Quel ne fut pas son étonnement, lorsqu’à une heure où cette salle devait être vide, il y trouva un grand nombre de religieux. Son étonnement changea en effroi quand regardant plus attentivement il reconnut ses frères récemment décédés.

La terreur le saisit, un froid glacial parcourut toutes ses veines et le fixa immobile à sa place comme une statue sans vie. Alors un des morts prenant la parole lui adressa de terribles reproches: « Malheureux ! lui dit-il, pourquoi n’as-tu pas « distribué les aumônes qui devaient soulager les âmes de tes frères défunts ? « Pourquoi nous as-tu privé de ce secours dans les tourments du purgatoire ? « Reçois dès à présent le châtiment de ton avarice: un autre plus terrible t’est « réservé, lorsque dans trois jours tu paraîtras à ton tour devant Dieu. »

A ces mots Edélard tomba comme frappé de la foudre, et resta sans mouvement jusqu’après minuit, à l’heure où la communauté se rendit au chœur. Alors il fut trouvé à demi-mort, dans le même état où fut trouvé l’impie Héliodore, après qu’il eut été flagellé par les anges dans le temple de Jérusalem (II Machab. III).

On le porta à l’infirmerie et on lui prodigua des soins qui le firent un peu revenir à lui. Dès qu’il put parler, en présence de l’Abbé et de tous ses frères il raconta avec larmes le terrible événement, dont son triste état rendait un trop sensible témoignage. Puis, ayant ajouté qu’il devait mourir dans trois jours, il demanda les derniers sacrements, avec toutes les marques du plus humble repentir. Il les reçut très saintement, et trois jours après, il expira au milieu des prières de ses frères.

On chanta aussitôt la messe des morts, et on distribua pour le défunt la part des pauvres. Cependant la punition n’était pas finie. Edélard apparut à son abbé Raban, pâle, défiguré. Raban touché de compassion, lui demanda ce qu’il y avait à faire pour lui. « Ah ! répondit l’âme infortunée, malgré les prières de notre « sainte communauté, je ne puis obtenir ma grâce avant la délivrance de tous « ceux de mes frères que mon avarice a frustrés des suffrages qui leur étaient dus. « Ce qu’on a donné aux pauvres pour moi n’a profité qu’à eux, selon l’ordre de la « divine justice. Je vous supplie donc, ô Père vénéré « et miséricordieux, de faire redoubler les aumônes. J’espère que par ce puissant « moyen la divine clémence daignera nous délivrer tous, eux d’abord, et après « eux moi, qui suis le moins digne de miséricorde. »

Raban-Maur prodigua donc les aumônes, et un autre mois était à peine écoulé, qu’Edélard lui apparut de nouveau, mais vêtu de blanc, entouré de rayons lumineux, la joie peinte sur le visage. Il rendit à son pieux abbé et à tout le monastère les plus touchantes actions de grâces pour la charité dont on avait usé envers lui (Vie de Raban Maur; Rossignoli, merv. 2).

Que d’enseignements se dégagent de cette histoire ! D’abord la vertu des aumônes pour les défunts y paraît avec éclat. On y voit ensuite comment Dieu châtie, même en cette vie, ceux qui par avarice ne craignent pas de priver les morts de leurs suffrages. Je ne parle pas ici des héritiers coupables, qui négligent d’acquitter les fondations pieuses dont ils sont chargés par le défunt, négligence qui constitue une injustice sacrilège; mais des enfants ou des parents qui, par de misérables motifs d’intérêt, font célébrer le moins possible de messes, distribuent le moins possible d’aumônes, sans pitié pour l’âme de leur défunt, qu’ils laissent gémir dans les effroyables supplices du purgatoire. C’est là une noire ingratitude, une dureté de cœur absolument contraire à la charité chrétienne, et qui aura son châtiment, peut-être déjà dès ce monde.