Prières de Sainte Catherine de Sienne IV, V, VI

IV – Prière écrite en cinabre de la main même de sainte Catherine.

Cette prière ne se trouve pas dans la version latine.- L’original est conservé à Sienne.

Esprit Saint, venez en mon cœur attirez-le à vous par votre puissance, mon Dieu, et donnez-moi la crainte et la charité. O Christ gardez-moi de toute mauvaise pensée réchauffez-moi, enflammez-moi de votre très doux amour, et toute peine me semblera légère! Mon Père, mon doux Seigneur, assistez-moi dans toutes mes actions! Jésus amour, Jésus amour.

V – Prière faite à Rome pendant une extase qui suivit la Communion, le Vendredi 18 février 1379.

Nous donnons les dates des prières de sainte Catherine d’après l’édition de Gigli. La version latine donne celle de 1377 aux prières XIV et XV, et celle de 1378 aux prières XV, XVII, XVIII, XXIV. Sainte Catherine était alors à Sienne ou à Florence; ces prières n’ont pu être faites à Rome qu’en 1379.

1. O souveraine et éternelle Trinité, Amour ineffable, vous m’appelez votre fille, et moi je puis vous dire: Mon Père! Vous vous êtes donné à moi en me donnant le corps et le sang de votre Fils bien-aimé, qui est Dieu et homme tout ensemble! Unissez-moi aussi, je vous en conjure, au corps mystique de la sainte Église, ma mère, à la société universelle de la religion chrétienne; car le feu de votre charité m’a fait connaître le désir que vous avez de voir mon âme se réjouir dans cette union sacrée. O Amour inexprimable, vous m’avez vue et connue en vous, et ce sont les rayons de votre lumière, dont j’étais revêtue, qui vous ont passionné pour votre créature!

2. Vous l’avez tirée de vous-même, vous l’avez créée à votre image et à votre ressemblance; et moi, cependant, pauvre créature, je ne pouvais vous connaître qu’en voyant en moi votre image et votre ressemblance. Mais, afin que je puisse vous voir et vous connaître en moi, vous vous êtes uni à nous; vous êtes descendu des hauteurs de votre divinité jusqu’aux dernières infirmités de notre nature. Comme la faiblesse de mon intelligence ne pouvait comprendre et contempler votre grandeur, vous vous êtes fait petit, et vous avez caché vos splendeurs admirables sous les voiles infimes de notre humanité. Vous vous êtes manifesté par la parole de votre Fils unique, et je vous ai connu en moi-même.

3. O abîme de charité! oui, c’est ainsi, Trinité adorable, que vous vous êtes manifestée, que vous nous avez montré votre Vérité; c’est surtout par l’effusion de votre sang que nous avons vu votre puissance, puisque vous avez pu nous laver de nos fautes. Nous avons vu votre sagesse, puisque, sous la chair de notre humanité, vous avez caché la force de votre divinité, qui a vaincu le démon et l’a dépouillé de sa puissance. C’est votre sang qui nous a montré votre charité, puisque par la seule ardeur de votre amour vous nous avez rachetés, lorsque vous n’aviez pas besoin de nous.

4. Ainsi s’est manifestée votre Vérité, qui nous a créés pour nous donner la vie éternelle. Oui, votre créature a connu la vérité par le Verbe, votre Fils unique. Sans lui, elle était inaccessible à nos regards obscurcis par le péché. Rougis donc, ô créature; rougis d’être ainsi aimée et honorée par ton Dieu, et de ne pas le connaître, lui que sa charité infinie a fait descendre des hauteurs de sa gloire jusqu’à la bassesse de La nature, pour que tu le connaisses en toi. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi.

5. O mystère admirable! vous connaissiez votre créature en vous avant qu’elle fût créée; vous voyiez qu’elle devait commettre l’iniquité, qu’elle devait s’écarter de votre vérité, et cependant vous l’avez créée. O amour incompréhensible! vous me dites: Mon âme, et moi je vous dis: Mon Père! O Père si plein de miséricorde, je vous en conjure, unissez tous vos serviteurs dans le feu de votre charité; disposez-les à recevoir les inspirations et les enseignements que répand et veut répandre la lumière de votre charité.

6. Votre vérité a dit: Cherchez, et vous trouverez; demandez, et vous recevrez; frappez, et il vous sera ouvert, (Mt. VII, 7). Eh bien! moi, pauvre et misérable, je frappe à la porte de votre Vérité, je m’adresse à votre Majesté, j’implore votre clémence, et je lui demande miséricorde pour le monde, et surtout pour la sainte Église; car je sais par votre Fils qu’il faut me nourrir sans cesse de cette nourriture; puisque vous le voulez, ne me laissez pas périr de faim.

7. O mon âme! que fais-tu? Ne sais-tu pas que le Seigneur ton Dieu te voit sans cesse? Ne sais-tu pas que rien ne peut fuir son regard, et que ce qui échappe à l’œil de la créature ne peut jamais éviter le sien? Ne commets donc plus l’iniquité, et relève-toi de tes fautes. J’ai péché, Seigneur, ayez pitié de moi; il est temps de secouer le sommeil. O éternelle Trinité! vous voulez que nous avancions, et si nous ne nous réveillons pas dans la prospérité, vous nous envoyez l’adversité. Comme un habile médecin, vous brûlez avec le feu de la tribulation les plaies que n’a pu guérir le baume des consolations.

8. O Père! ô Charité incréée! je n’admirerai jamais assez ce que m’a révélé votre lumière! Vous m’avez vue et connue, vous avez vu et connu toutes les créatures raisonnables, en général et en particulier, avant que nous ayons l’être. Vous avez vu Adam, le premier homme; vous avez connu sa faute et celles qui devaient en être la suite, en lui et dans sa postérité. Vous avez su que le péché s’opposerait à votre Vérité, et qu’il empêcherait les créatures raisonnables d’atteindre la fin à laquelle vous les aviez destinées. Vous avez vu les tourments que votre Fils devrait subir pour sauver le genre humain et réparer la vérité en nous. Oui, vous me l’avez dit, votre prescience vous avait tout annoncé. Comment se fait-il, Père éternel, que vous ayez créé votre créature?

9. O mystère adorable, incompréhensible! Oui, vous n’aviez pas d’autres raisons que l’amour dans notre création; vous nous avez vus de vous-même, et votre charité vous a forcé à nous créer malgré toutes les iniquités que nous devions commettre contre vous. Vous n’avez pu résister, ô Amour éternel; vous aperceviez dans votre lumière toutes les offenses de votre créature contre votre infinie bonté, mais vous avez paru ne pas les voir, vous ne vous êtes arrêté qu’à la beauté de votre œuvre; vous l’avez aimée, vous vous êtes passionné pour elle, et vous l’avez tirée de votre sein pour la créer à votre image et à votre ressemblance. O Vérité éternelle! vous vous êtes révélée à votre indigne servante.

10. Vous lui avez appris que c’est l’amour qui vous a forcé à lui donner l’être. Vous voyiez qu’elle devait vous offenser, mais votre charité a détourné vos regards de ses offenses pour les fixer uniquement sur la beauté de votre créature; car la vue de l’offense pouvait empêcher l’amour de répandre la vie. Vous le saviez, et vous n’avez écouté que l’amour, parce que vous n’êtes qu’un foyer d’amour.

11. Et moi, mes fautes m’ont empêchée de vous connaître; mais accordez-moi la grâce, ô très doux Amour, de l’épandre en votre honneur tout le sang de mon corps; faites que je me dépouille entièrement de moi-même. Bénissez aussi, ô mon Dieu, celui qui m’a donné la sainte Communion; détachez-le de lui-même, revêtez-le de votre volonté, fixez-le en vous par des liens indissolubles, afin qu’il soit une plante répandant son parfum dans le jardin de la sainte Église. Accordez-nous, je vous en conjure, ô Père très clément, votre douce bénédiction; lavez nos âmes dans le sang de votre Fils. O Amour, Amour, je vous demande la mort!

VI – Prière faite par sainte Catherine le jour de saint Thomas apôtre.

1. O Déité, Déité, éternelle Déité, véritable Amour, qui par l’union de l’humanité de votre Verbe, Notre Seigneur Jésus-Christ, avec votre divinité, nous avez donné, quand nous étions perdus, la lumière de la foi, qui éclaire l’œil de notre intelligence pour nous faire apercevoir et connaître le véritable objet de notre âme, votre adorable Divinité. Vous avez lait de, votre Fils unique, Notre Seigneur, la victime sans tache qui devait nous réconcilier avec vous, et vous l’avez placé comme la-pierre angulaire, la colonne inébranlable de notre sainte mère l’Église, votre unique Épouse. C’est lui qui doit renouveler sans cesse l’Église par des plantes nouvelles et fécondes. Nul maintenant ne peut s’opposer à votre volonté, qui est éternelle et immuable.

2. Ne regardez pas les péchés qui me rendent indigne de vous prier, mais daignez les effacer par les mérites de saint Thomas, votre apôtre. Oui, purifiez mon âme, Dieu puissant, mon amour; exaucez votre servante qui vous invoque. Vous êtes un feu qui brûlez toujours, mais vous conservez ce qui vous est agréable, et vous ne détruisez dans l’âme que ce qui peut vous déplaire. Brûlez par le feu de votre Esprit, consumez et anéantissez jusqu’à la racine tout amour et tout désir de la chair dans le cœur des plantes nouvelles dont vous avez bien voulu parer le corps mystique de notre sainte mère l’Église. Changez leurs attachements profanes en élans d’amour pour vous; donnez-leur un cœur nouveau avec la connaissance de votre sainte volonté, afin qu’ils méprisent le monde et se renoncent eux-mêmes. Qu’ils soient remplis de ferveur; qu’ils deviennent les apôtres de la foi et les modèles de toutes les vertus; qu’ils abandonnent bien réellement les désirs trompeurs et lés richesses de ce monde périssable, pour vous suivre seul dans la pureté de l’intention et l’ardeur de la charité.

3. Faites que notre Chef et notre Père, l’époux de votre Église, soit toujours fidèle à vos inspirations; qu’il n’élève, ne reçoive et n’écoute que ceux qui en sont dignes et que ces auxiliaires nouveaux, semblables aux anges qui vous servent dans le ciel, travaillent avec votre Vicaire à rendre notre sainte mère l’Église conforme à votre cœur, par la simplicité de leur cœur et la perfection de leur vie.

4. Qu’ils comprennent qu’ils sont réellement des membres nouveaux du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, et que votre Providence sait en retrancher, sans le secours de l’homme, les rameaux inutiles qui ne portent pas de fruits. Qu’ils naissent avec Jésus, et croissent comme lui en vertu; qu’ils soient utiles à l’Église par leurs exemples et par leurs mœurs; qu’ils soient comme des greffes nouvelles dont la nature fait porter des fleurs plus parfumées et des fruits plus agréables. Que votre grâce céleste retranche toute affection charnelle; que la rosée de votre Esprit Saint, qui se répandit sur vos Apôtres, fasse germer en eux de nouvelles vertus. Qu’ils élèvent vers vous la suavité de leur odeur, et qu’ils donnent à l’Église la richesse de leurs vertus et l’efficacité de leurs œuvres, afin que votre Épousé soit réformée en eux.

5. O Amour éternel! purifiez, sanctifiez votre Vicaire, afin qu’il soit pour les autres un modèle de pureté et d’innocence; qu’il reste toujours fidèle à votre grâce et qu’il la communique au peuple qui lui a été confié. Qu’il convertisse aussi les infidèles par de célestes enseignements, et qu’il offre des fruits de salut à votre incompréhensible Majesté. Oui, daignez m’exaucer, mon Dieu, et recevez les actions de grâces de votre pauvre Servante, ô Dieu véritable, souveraine Bonté.