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Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire – Troisième Dizaine

TROISIÈME DIZAINE

EXCELLENCE DU SAINT ROSAIRE DANS LA MÉDITATION DE LA VIE ET DE LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

21ème Rose

Les quinze mystères du Rosaire

60. Un mystère est une chose sacrée et difficile à comprendre. Les œuvres de Jésus-Christ sont toutes sacrées et divines, parce qu’il est Dieu et homme tout ensemble. Celles de la Sainte Vierge sont très saintes, parce qu’elle est la plus parfaite de toutes les pures créatures. On appelle avec raison les œuvres de Jésus-Christ et de sa sainte Mère des mystères, parce qu’elles sont remplies de quantité de merveilles, de perfections et d’instructions profondes et sublimes, que le Saint-Esprit découvre aux humbles et aux âmes simples qui les honorent.

On peut encore appeler les œuvres de Jésus et de Marie des fleurs admirables, dont l’odeur et la beauté ne sont connues que de ceux qui les approchent, qui les flairent et qui les ouvrent par une attentive et sérieuse méditation.

61. Saint Dominique a partagé la vie de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge en quinze mystères, qui nous représentent leurs vertus et leurs principales actions comme quinze tableaux dont les traits doivent nous servir de règle et d’exemple pour la conduite de notre vie. Ce sont quinze flambeaux pour guider nos pas dans ce monde; quinze miroirs ardents pour connaître Jésus et Marie, pour nous connaître nous-mêmes et pour allumer le feu de leur amour dans nos cœurs; quinze fournaises pour nous consumer entièrement de leurs célestes flammes.

La Sainte Vierge a enseigné à saint Dominique cette excellente méthode de prier et lui a ordonné de la prêcher, afin de réveiller la piété des chrétiens et de faire revivre l’amour de Jésus-Christ dans leurs cœurs. Elle l’enseigna aussi au bienheureux Alain de la Roche. «C’est une prière très utile, lui dit-elle, c’est un service qui m’est fort agréable, que de réciter cent cinquante Salutations angéliques. Il me l’est encore davantage, et ceux-là feront encore beaucoup mieux, qui réciteront les salutations avec la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette méditation est l’âme de ces oraisons.» En effet, le Rosaire, sans la méditation des mystères sacrés de notre salut, ne serait presque qu’un corps sans âme, une excellente matière sans sa forme qui est la méditation, qui le distingue des autres dévotions.

62. La première partie du Rosaire contient cinq mystères, dont le premier est l’Annonciation de l’archange Gabriel à la Sainte Vierge; le second, la Visitation de la Sainte Vierge à sainte Élisabeth; le troisième, la Nativité de Jésus-Christ; le quatrième, la Présentation de l’Enfant Jésus au temple et la purification de la Sainte Vierge; le cinquième, le Recouvrement de Jésus dans le temple parmi les docteurs. On appelle ces Mystères joyeux à cause de la joie qu’ils ont donnée à tout l’univers. La Sainte Vierge et les anges furent comblés de joie au moment heureux où le Fils de Dieu s’incarna. Sainte Élisabeth et saint Jean-Baptiste furent remplis de joie par la visite de Jésus et de Marie. Le ciel et la terre se sont réjouis à la naissance du Sauveur. Siméon fut consolé et comblé de joie, quand il reçut Jésus dans ses bras. Les docteurs étaient ravis d’admiration en entendant les réponses de Jésus; et qui exprimera la joie de Marie et de Joseph en retrouvant Jésus après trois jours d’absence?

63. La seconde partie du Rosaire se compose aussi de cinq mystères que l’on appelle Mystères douloureux, parce qu’ils nous représentent Jésus-Christ accablé de tristesse, couvert de plaies, chargé d’opprobres, de douleurs et de tourments. Le premier de ces mystères est la prière de Jésus et son Agonie au jardin des Olives; le second, sa Flagellation; le troisième, son Couronnement d’épines; le quatrième, le Portement de Croix; le cinquième, son Crucifiement et sa mort sur le Calvaire.

64. La troisième partie du Rosaire contient cinq autres mystères qu’on appelle glorieux, parce que nous y contemplons Jésus et Marie dans le triomphe et dans la gloire. Le premier est la Résurrection de Jésus-Christ; le second, son Ascension au ciel; le troisième, la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres; le quatrième, l’Assomption de la glorieuse Vierge; le cinquième, son Couronnement.

Voilà les quinze fleurs odoriférantes du Rosier mystique sur lesquelles les âmes pieuses s’arrêtent comme de sages abeilles, pour en cueillir le suc admirable et en composer le miel d’une dévotion solide.

22ème Rose

La méditation des mystères nous conforme à Jésus

65. Le soin principal de l’âme chrétienne est de tendre à la perfection. Soyez les fidèles imitateurs de Dieu, comme ses enfants bien-aimés, nous dit le grand Apôtre (Ep 5,1). Cette obligation est comprise dans le décret éternel de notre prédestination, comme l’unique moyen ordonné pour parvenir à la gloire éternelle. Saint Grégoire de Nysse dit gracieusement que nous sommes des peintres. Notre âme est la toile d’attente sur laquelle nous devons appliquer le pinceau, les vertus sont les couleurs qui doivent relever son éclat, et l’original que nous devons copier, c’est Jésus-Christ, l’image vivante qui représente parfaitement le Père éternel. Comme donc un peintre pour tirer un portrait au naturel se met devant les yeux l’original, et qu’à chaque coup de pinceau qu’il donne il regarde, de même le chrétien doit toujours avoir devant les yeux la vie et les vertus de Jésus-Christ, pour ne rien dire, ne rien penser, ne rien faire qui n’y soit conforme.

66. C’est pour nous aider dans l’important ouvrage de notre prédestination, que la Sainte Vierge a ordonné à saint Dominique d’exposer aux fidèles qui récitent le Rosaire les mystères sacrés de la vie de Jésus-Christ, non seulement afin qu’ils l’adorent et le glorifient, mais principalement afin qu’ils règlent leur vie et leurs actions sur ses vertus. Or, comme les enfants imitent leurs parents en les voyant et en conversant avec eux; qu’ils apprennent leur langage en les entendant parler; qu’un apprenti, en voyant travailler son maître, apprend son art; de même les fidèles confrères du Rosaire, en considérant sérieusement et dévotement les vertus de Jésus-Christ, dans les quinze mystères de sa vie, deviennent semblables à ce divin Maître, avec le secours de sa grâce et par l’intercession de la Sainte Vierge.

67. Si Moïse ordonna au peuple hébreu, de la part de Dieu même, de ne jamais oublier les bienfaits dont il avait été comblé, à plus forte raison le Fils de Dieu peut-il nous commander de graver dans notre cœur et d’avoir sans cesse devant les yeux les mystères de sa vie, de sa passion et de sa gloire, puisque ce sont autant de bienfaits dont il nous a favorisés et par lesquels il nous a montré l’excès de son amour pour notre salut. «O vous tous qui passez, dit-il, arrêtez-vous et considérez s’il y eut jamais douleurs semblables aux douleurs que j’endure pour votre amour (Lm 1,12). Souvenez-vous de ma pauvreté et de mes abaissements, pensez à l’absinthe et au fiel que j’ai pris pour vous dans ma passion (Lm 3,19).»

Ces paroles et beaucoup d’autres qu’on pourrait alléguer nous convainquent assez de l’obligation que nous avons de ne pas nous contenter de réciter le Rosaire vocalement en l’honneur de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, mais de le réciter avec la méditation des mystères sacrés.

23ème Rose

Le Rosaire mémorial de la vie et de la mort de Jésus

68. Jésus-Christ, le divin Époux de nos âmes, notre très doux ami, Jésus désire que nous nous souvenions de ses bienfaits et que nous les estimions sur toutes choses; il a une joie accidentelle, aussi bien que la Sainte Vierge avec tous les saints du paradis, lorsque nous méditons dévotement et avec affection sur les mystères sacrés du Rosaire, qui sont les effets les plus signalés de son amour pour nous et les plus riches présents qu’il puisse nous faire, puisque c’est par de tels présents que la Sainte Vierge même et tous les saints jouissent de la gloire.

«La bienheureuse Angèle de Foligno pria un jour Notre-Seigneur de lui enseigner à quel exercice elle l’honorerait le plus. Il lui apparut attaché à la croix et lui dit: « Ma fille, regarde mes plaies. » Elle apprit de ce très aimable Sauveur que rien ne lui est plus agréable que la méditation de ses souffrances. Ensuite il lui découvrit les blessures de sa tête et plusieurs circonstances de ses tourments et lui dit: « J’ai souffert tout cela pour ton salut, que peux-tu faire qui égale mon amour pour toi? »» (Rosier mystique, 4ème dizaine, ch. 7).

69. Le saint sacrifice de la Messe honore infiniment la très sainte Trinité, parce qu’il représente la passion de Jésus-Christ et que nous y offrons les mérites de son obéissance, de ses souffrances et de son sang. Toute la cour céleste en reçoit aussi une gloire accidentelle, et plusieurs docteurs, avec saint Thomas, nous disent, pour la même raison, qu’elle se réjouit de la communion des fidèles, parce que le Saint-Sacrement est un mémorial de la passion et de la mort de Jésus-Christ, et que, par ce moyen, les hommes participent à ses fruits et avancent l’affaire de leur salut.

Or, le saint Rosaire, récité avec la méditation des mystères sacrés, est un sacrifice de louanges à Dieu pour le bienfait de notre Rédemption et un dévot souvenir des souffrances, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ. Il est donc vrai que le Rosaire cause une gloire, une joie accidentelle à Jésus-Christ, à la Sainte Vierge et à tous les bienheureux, car ils ne désirent rien de plus grand, pour notre bonheur éternel, que de nous voir occupés à un exercice aussi glorieux à notre Sauveur et aussi salutaire pour nous.

70. L’Évangile nous assure qu’un pécheur qui se convertit et fait pénitence cause de la joie à tous les anges. Si c’est assez pour réjouir les anges qu’un pécheur quitte ses péchés et en fasse pénitence, quelle joie, quelle jubilation sera-ce pour toute la cour céleste, quelle gloire pour Jésus-Christ même, de nous voir sur la terre, méditer dévotement et avec amour sur ses abaissements, sur ses tourments, sur sa mort cruelle et ignominieuse? Y a-t-il rien de plus efficace, pour nous toucher et nous porter à une sincère pénitence?

Le chrétien qui ne médite pas sur les mystères du Rosaire montre une grande ingratitude pour Jésus-Christ et le peu d’estime qu’il fait de tout ce que le divin Sauveur a souffert pour le salut du monde. Sa conduite semble dire qu’il ignore la vie de Jésus-Christ, qu’il se met fort peu en peine d’apprendre ce qu’il a fait, ce qu’il a souffert pour nous sauver. Ce chrétien doit fort craindre que, n’ayant pas connu Jésus-Christ, ou que l’ayant mis en oubli, il ne le rejette au jour du jugement avec ce reproche: «Je vous dis en vérité que je ne vous connais point» (Mt 25,12).

Méditons donc sur la vie et les souffrances du Sauveur par le saint Rosaire, apprenons à le bien connaître et à reconnaître ses bienfaits, afin qu’il nous reconnaisse pour ses enfants et pour ses amis au jour du jugement.

24ème Rose

La méditation des mystères du Rosaire est un grand moyen de perfection

71. Les saints faisaient leur principale étude de la vie de Jésus-Christ, ils ont médité sur ses vertus et sur ses souffrances, et, par ce moyen, ils sont arrivés à la perfection chrétienne. Saint Bernard a commencé par cet exercice, qu’il a toujours continué. «Dès le commencement de ma conversion, dit-il, je fis un bouquet de myrrhe composé des douleurs de mon Sauveur; je mis ce bouquet sur mon cœur, pensant aux fouets, aux épines et aux clous de la passion. J’appliquai tout mon esprit à méditer tous les jours sur ces mystères.»

C’était aussi l’exercice des saints martyrs; nous admirons comment ils ont triomphé des plus cruels tourments. D’où pouvait venir cette admirable constance des martyrs, dit saint Bernard, sinon des plaies de Jésus-Christ, sur lesquelles ils faisaient leur plus fréquente méditation? Où était l’âme de ces généreux athlètes, lorsque leur sang coulait et que leur corps était broyé par les supplices? Leur âme était dans les plaies de Jésus-Christ et ces plaies les rendaient invincibles.

72. La très sainte Mère du Sauveur ne s’est occupée toute sa vie qu’à méditer sur les vertus et les souffrances de son Fils. Lorsqu’elle entendit les anges chanter à sa naissance leur cantique d’allégresse, lorsqu’elle vit les pasteurs l’adorer dans l’étable, son esprit fut rempli d’admiration et elle méditait toutes ces merveilles. Elle comparait les grandeurs du Verbe incarné à ses profonds abaissements; la paille et la crèche, à son trône et au sein de son Père; la puissance d’un Dieu, à la faiblesse d’un enfant; sa sagesse, à sa simplicité.

La Sainte Vierge dit un jour à sainte Brigitte: «Lorsque je contemplais la beauté, la modestie, la sagesse de mon Fils, mon âme était transportée de joie, et lorsque je considérais ses mains et ses pieds qu’on percerait avec des clous, je versais un torrent de larmes, le cœur me fendait de tristesse et de douleur.»

73. Après l’Ascension de Jésus-Christ, la Sainte Vierge passa le reste de sa vie à visiter les lieux que ce divin Sauveur avait sanctifiés par sa présence et par ses tourments. Là, elle méditait sur l’excès de sa charité et sur les rigueurs de sa passion. C’était encore l’exercice continuel de Marie-Madeleine pendant les trente années qu’elle vécut dans la Sainte-Baume. Enfin saint Jerôme dit que c’était la dévotion des premiers fidèles. De tous les pays du monde ils venaient en Terre Sainte pour graver plus profondément dans leurs cœurs l’amour et le souvenir du Sauveur des hommes, par la vue des objets et des lieux qu’il avait consacrés par sa naissance, par ses travaux, par ses souffrances et par sa mort.

74. Tous les chrétiens n’ont qu’une foi, n’adorent qu’un Dieu, n’espèrent qu’une même félicité dans le ciel; ils ne connaissent qu’un médiateur qui est Jésus-Christ; tous doivent imiter ce divin modèle, et pour cela considérer les mystères de sa vie, de ses vertus et de sa gloire. C’est une erreur de s’imaginer que la méditation des vérités de la foi et des mystères de la vie de Jésus-Christ ne regarde que les prêtres, les religieux et ceux qui se sont retirés des embarras du monde. Si les religieux et les ecclésiastiques sont obligés de méditer sur les grandes vérités de notre sainte religion pour répondre dignement à leur vocation, les gens du monde y sont au moins autant obligés, à cause des dangers où ils sont tous les jours de se perdre. Ils doivent donc s’armer du fréquent souvenir de la vie, des vertus et des souffrances du Sauveur, que nous représentent les quinze mystères du saint Rosaire.

25ème Rose

Richesses de sanctification renfermées dans les prières et les méditations du Rosaire

75. Jamais personne ne pourra comprendre les richesses admirables de sanctification qui sont renfermées dans les prières et dans les mystères du saint Rosaire. Cette méditation des mystères de la vie et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ est, pour tous ceux qui en font usage, la source des fruits les plus merveilleux. Aujourd’hui, on veut des choses qui frappent, qui émeuvent, qui produisent dans l’âme des impressions profondes. Qu’y a-t-il au monde de plus émouvant que cette histoire merveilleuse de notre Rédempteur se déroulant à nos yeux en quinze tableaux nous rappelant les grandes scènes de la vie, de la mort et de la gloire du Sauveur du monde? Quelles prières sont plus excellentes et plus sublimes que l’Oraison dominicale et l’Ave de l’ange? Là sont renfermés tous nos désirs, tous nos besoins.

76. La méditation des mystères et des prières du Rosaire est la plus facile de toutes les oraisons, parce que la diversité des vertus, des états de Jésus-Christ que l’on étudie, récrée et fortifie merveilleusement l’esprit et empêche les distractions. Les savants trouvent dans ces formules la doctrine la plus profonde, et les petits, les instructions les plus familières.

Il faut passer par cette méditation facile, avant de s’élever au degré le plus sublime de la contemplation. Telle est la pensée de saint Thomas d’Aquin, et le conseil qu’il nous donne, quand il dit qu’il faut s’exercer d’abord comme dans un champ de combat par l’acquisistion de toutes les vertus dont nous avons le parfait modèle dans les mystères du Rosaire; car c’est là, dit le savant Cajetan, que nous acquerrons l’union intime avec Dieu, sans laquelle la contemplation n’est qu’une illusion capable de séduire les âmes.

77. Si les faux illuminés de nos jours ou les quiétistes avaient suivi ce conseil, ils n’auraient pas fait de si terribles chutes, ni causé tant de scandales dans la dévotion. C’est une étrange illusion du démon de croire qu’on puisse faire des oraisons plus sublimes que celles du Pater et de l’Ave, en abandonnant ces divines oraisons qui sont le soutien, la force et la garde de l’âme.

J’avoue qu’il n’est pas toujours nécessaire de les réciter vocalement et que la prière intérieure, en un sens, est plus parfaite que la vocale; mais je vous assure qu’il est très dangereux, pour ne pas dire pernicieux, de quitter de son propre mouvement la récitation du chapelet ou du Rosaire sous prétexte d’une plus parfaite union à Dieu. L’âme finement orgueilleuse, trompée par le démon du midi, fait tout ce qu’elle peut intérieurement pour s’élever au degré sublime des oraisons des saints, méprise et quitte pour cela ses anciennes manières de prier, bonnes pour les âmes du commun. Elle ferme d’elle-même l’oreille aux prières et au salut d’un ange et même à l’oraison qu’un Dieu a faite, pratiquée et commandée: Sic orabitis: Pater noster (Mt 6,9) et Vous prierez ainsi, et, par là, elle tombe d’illusion en illusion, et de précipice en précipice.

78. Croyez-moi, mon cher confrère du Rosaire, voulez-vous arriver à un haut degré d’oraison sans pourtant l’affecter et sans tomber dans les illusions du démon si ordinaires aux personnes d’oraison, dites tous les jours, si vous pouvez, votre Rosaire entier ou du moins le chapelet.

Y êtes-vous déjà arrivé par la grâce de Dieu, si vous voulez vous y conserver et y croître dans l’humilité, conservez la pratique du saint Rosaire, car jamais une âme qui dit son Rosaire tous les jours ne sera formellement hérétique ni trompée par le démon; c’est une proposition que je signerais de mon sang.

Si cependant Dieu, par sa très grande miséricorde, vous attire au milieu de votre chapelet aussi puissammment que quelques saints, laissez-vous aller à son attrait, laissez Dieu opérer et prier en vous et y réciter le Rosaire à sa manière, et que celui-là vous suffise dans la journée.

Mais si vous n’êtes que dans la contemplation active ou oraison ordinaire, de quiétude, de présence de Dieu et d’affection, vous avez encore moins de raison de quitter le Rosaire, et bien loin de reculer dans l’oraison et la vertu en le récitant, qu’au contraire, il vous sera un aide merveilleux et la véritable échelle de Jacob, où il y avait 15 échelons, par lesquels vous irez de vertu en vertu, de lumières en lumières, et arriverez facilement sans tromperie jusqu’à la plénitude de l’âge de Jésus-Christ.

26ème Rose

79. Gardez-vous bien d’imiter l’opiniâtreté de cette dévote de Rome dont les merveilles du Rosaire parlent tant. C’était une personne si dévote et si fervente qu’elle faisait confusion par sa sainte vie aux religieux les plus austères de l’Église de Dieu.

Voulant consulter saint Dominique et s’étant confessée à lui, il lui imposa pour pénitence de dire un seul Rosaire et par conseil de le dire tous les jours. Elle s’excusa sur ce sujet et dit qu’elle a ses exercices réglés, qu’elle gagne tous les jours les stations de Rome, qu’elle porte la haire, le cilice, qu’elle prend la discipline plusieurs fois par semaine, qu’elle fait tant de jeûnes et autres pénitences. Saint Dominique la presse et represse à suivre son conseil, elle n’en veut rien faire; elle sort comme scandalisée du confessionnal de voir le procédé de ce nouveau directeur pour elle, qui lui voulait persuader une dévotion qu’elle ne pouvait goûter.

Voilà qu’étant en oraison et ravie en extase, elle voit son âme obligée de paraître devant le Souverain Juge. Saint Michel met toutes ses pénitences et autres prières dans un bassin de la balance et de l’autre tous ses péchés et imperfections. Saint Michel hausse la balance, le bassin de ses bonnes œuvres s’en va en l’air et ne peut contrepeser le bassin de ses péchés et imperfections. Tout alarmée, elle crie miséricorde, elle s’adresse à la Sainte Vierge, son avocate, laquelle laissa tomber dans le bassin de ses bonnes œuvres le seul Rosaire qu’elle avait dit pour pénitence, lequel fut si pesant qu’il contrepesa tous ses péchés aussi bien que toutes ses bonnes œuvres. Elle fut reprise en même temps de la Sainte Vierge de ce qu’elle avait refusé de suivre le conseil de son serviteur Dominique, de dire le saint Rosaire tous les jours. Étant revenue à elle-même, elle alla se jeter aux pieds de saint Dominique, lui raconta ce qui lui était arrivé, lui demanda pardon de son incrédulité, promit de dire le Rosaire tous les jours et arriva par ce moyen à la perfection chrétienne, et à la gloire éternelle.

Apprenez de là, personnes d’oraison, la force, le prix et l’importance de cette dévotion du saint Rosaire avec la méditation des mystères.

80. Quoi de plus élevé en oraison que sainte Madeleine, qui était portée sept fois le jour par les anges au-dessus du Saint Pillon, laquelle avait été à l’école de Jésus-Christ et de sa sainte Mère, et, cependant, lorsqu’elle demandait un jour à Dieu un bon moyen pour s’avancer en son amour et arriver à la plus haute perfection, l’archange saint Michel vient de la part de Dieu lui dire qu’il n’en savait point d’autre que de considérer au milieu d’une croix, qu’il lui planta au devant de sa caverne, les mystères douloureux qu’elle avait vu opérer de ses propres yeux.

Que l’exemple de saint François de Sales, ce grand directeur des âmes spirituelles de son siècle, vous oblige à vous rendre d’une si sainte confrérie, puisque, tout saint qu’il était, il s’obligea par vœu de le dire tout entier tous les jours autant de temps qu’il vivrait.

Saint Charles Borromée le récitait aussi tous les jours et recommandait fort cette dévotion à ses prêtres et ecclésiastiques dans les séminaires et à tout son peuple.

Le bienheureux Pie V, l’un des grands papes qui ait gouverné l’Église, récitait tous les jours le Rosaire. Saint Thomas de Villeneuve, archevêque de Valence, saint Ignace, saint François Xavier, saint François de Borgia, sainte Thérèse, saint Philippe de Néri, plusieurs autres grands hommes que je passe sous silence, ont excellé en cette dévotion. Suivez leurs exemples, vos directeurs en seraient bien aises, et s’ils sont informés des fruits que vous en pouvez retirer, ils vous y exciteront les premiers.

27ème Rose

81. Pour vous animer encore davantage à cette dévotion des grandes âmes, j’ajoute que le Rosaire récité avec la méditation des mystères: 1º nous élève insensiblement à la connaissance parfaite de Jésus-Christ; 2º purifie nos âmes du péché; 3º nous rend victorieux de tous nos ennemis; 4º nous rend la pratique des vertus facile; 5º nous embrase de l’amour de Jésus-Christ; 6º nous enrichit de grâces et de mérites; 7º nous fournit de quoi payer toutes nos dettes à Dieu et aux hommes, et enfin, nous fait obtenir de Dieu toutes sortes de grâces.

82. La connaissance de Jésus-Christ est la science des chrétiens et la science du salut; elle surpasse, dit saint Paul (Ph 3,8), toutes les sciences humaines en prix et en excellence: 1º pour la dignité de son objet, qui est un Dieu homme, en présence duquel tout l’univers n’est qu’une goutte de rosée ou un grain de sable; 2º pour son utilité; les sciences humaines ne nous remplissent que de vent et de fumée de l’orgueil; 3º pour sa nécessité; car on ne peut être sauvé, si on n’a la connaissance de Jésus-Christ, et celui qui ignore toutes les autres sciences sera sauvé, pourvu qu’il soit éclairé de la science de Jésus-Christ. Heureux Rosaire qui nous donne cette science et connaissance de Jésus-Christ, en nous faisant méditer sa vie, sa mort et passion et sa gloire.

La reine de Saba, admirant la sagesse de Salomon, s’écria: «Heureux vos domestiques et vos serviteurs qui sont toujours en votre présence et entendent les oracles de votre sagesse» (1 R 10,8); plus heureux les fidèles qui méditent attentivement la vie, les vertus, les souffrances et la gloire du Sauveur, parce qu’ils acquièrent par ce moyen, sa parfaite connaissance dans laquelle consiste la vie éternelle. Haec est vita aeterna (Jn 17,3).

83. La Sainte Vierge a révélé au bienheureux Alain qu’aussitôt que saint Dominique prêcha le Rosaire, les pécheurs endurcis furent touchés et pleurèrent amèrement leurs crimes; les jeunes enfants même firent des pénitences incroyables, la ferveur fut si grande, partout où il prêchait le Rosaire, que les pécheurs changèrent de vie et édifièrent tout le monde par leurs pénitences et l’amendement de leur vie.

Si vous sentez votre conscience chargée de quelques péchés, prenez votre rosaire, en récitant une partie en l’honneur de quelques mystères de la vie, de la passion ou de la gloire de Jésus-Christ, et soyez persuadé que, pendant que vous méditerez et honorerez ces mystères, il montrera ses plaies sacrées à son Père au ciel. Il plaidera pour vous et vous obtiendra la contrition et le pardon de vos péchés. Il dit un jour au bienheureux Alain: «Si ces misérables pécheurs récitaient souvent mon Rosaire, ils participeraient aux mérites de ma passion, et, comme leur Avocat, j’apaiserais la divine justice.»

84. Cette vie est une guerre et une tentation continuelles; nous n’avons pas à combattre des ennemis de chair et de sang, mais les puissances mêmes de l’enfer (Ep 6,12). Quelles armes meilleures prendrons-nous, pour les combattre, que l’oraison que notre grand Capitaine nous a enseignée, que la Salutation angélique, qui a chassé les démons, détruit le péché et renouvelé le monde, que la méditation de la vie, de la passion de Jésus-Christ, de la pensée de laquelle nous devons nous armer, comme nous ordonne saint Pierre, pour nous défendre des mêmes ennemis qu’il a vaincus et qui nous attaquent tous les jours. «Depuis que le démon, dit le cardinal Hugues, a été vaincu par l’humilité et la passion de Jésus-Christ, il ne se peut quasi attaquer à une âme armée de la méditation de ses mystères ou, s’il l’attaque, il en est vaincu honteusement.» Induite vos armaturam Dei (Ep 6,11).

85. Armez-vous donc de ces armes de Dieu, du saint Rosaire, et vous briserez la tête du démon, et demeurerez stables contre toutes ses tentations. C’est d’où vient que le Rosaire même matériel est si terrible au diable, et que les saints s’en sont servis pour l’enchaîner et le chasser des corps des possédés, comme plusieurs histoires rendent témoignage.

86. Un homme, dit le bienheureux Alain, ayant en vain tenté toutes sortes de pratiques de dévotion pour être délivré du malin esprit qui le possédait, s’avisa de mettre à son col son rosaire, ce qui le soulagea, et ayant éprouvé que lorsqu’il l’ôtait de son cou, le démon le tourmentait cruellement, résolut de le porter au cou jour et nuit, ce qui chassa le diable pour toujours, ne pouvant supporter une si terrible chaîne. Le bienheureux Alain témoigne qu’il a délivré un grand nombre de possédés, en leur mettant ainsi le rosaire au cou.

87. Le Révérend Père Jean Amât, de l’ordre de Saint-Dominique, prêchant le Carême dans un lieu de ce royaume d’Aragon, on lui amena une jeune fille possédée du démon; après l’avoir plusieurs fois exorcisée, mais en vain, il lui mit son rosaire au cou, et aussitôt elle se mit à faire de cris et des hurlements épouvantables, disant: «Otez-moi, ôtez-moi ces grains qui me tourmentent.» Enfin le père, par compassion pour la pauvre fille, lui ôta son rosaire du cou.

La nuit suivante, lorsque le Révérend Père était dans son lit à se reposer, les mêmes démons qui possédaient cette fille vinrent à lui, tout écumants de rage, pour se saisir de sa personne; mais avec son rosaire qu’il tenait fortement à la main, malgré les efforts qu’ils firent pour le lui ôter, il les fouetta admirablement bien et les chassa en disant: «Sainte Marie, Notre-Dame du saint Rosaire, à mon aide!»

Lorsque, le lendemain, il allait à l’église, il rencontra cette pauvre fille encore possédée; un des démons qui étaient en elle se mit à dire en se moquant de lui: «Ah! frère, si tu n’avais point eu ton rosaire, nous t’aurions bien accommodé.» Alors le Révérend Père jette derechef son rosaire au cou de la fille, disant: «Par les très sacrés noms de Jésus et de Marie, sa sainte Mère, et par la vertu du très saint Rosaire, je vous commande, esprits malins, de sortir de ce corps tout à l’heure»; aussitôt ils furent contraints d’obéir, et elle fut délivrée. Ces histoires nous marquent quelle est la force du saint Rosaire pour vaincre toutes sortes de tentations des démons et toutes sortes de péchés, parce que les grains bénits du Rosaire les mettent en fuite.

28ème Rose

88. Saint Augustin assure qu’il n’y a point d’exercice si fructueux et si utile au salut que de penser souvent aux souffrances de Notre-Seigneur. Le bienheureux Albert le Grand, maître de saint Thomas, a su par révélation que le simple souvenir ou la méditation de la passion de Jésus-Christ est plus méritoire au chrétien que de jeûner pendant un an tous les vendredis au pain et à l’eau, ou de prendre la discipline jusqu’au sang toutes les semaines, ou de réciter tous les jours le psautier. Ah! Quel est, par conséquent, le mérite du Rosaire, qui fait mémoire de toute la vie et la passion de Notre-Seigneur?

La Sainte Vierge révéla un jour, au bienheureux Alain de la Roche, qu’après le saint sacrifice de la Messe, qui est la première et la plus vive mémoire de la passion de Jésus-Christ, il n’y avait point de dévotion plus excellente et plus méritoire que le Rosaire, qui est comme une seconde mémoire et représentation de la vie et de la passion de Jésus-Christ.

89. Le Révérend Père Dorland rapporte que la Sainte Vierge dit un jour au vénérable Dominique, chartreux, dévot du saint Rosaire, qui résidait à Trèves l’an 1481:

«Toutes les fois qu’un fidèle récite le Rosaire avec les méditations des mystères de la vie et de la passion de Jésus-Christ, en état de grâce, il obtient pleine et entière rémission de tous ses péchés.»

Elle dit aussi au bienheureux Alain: «Sachez qu’encore qu’il y ait quantité d’indulgences données à mon Rosaire, j’y en ajouterai beaucoup davantage pour chaque cinquantaine à ceux qui le réciteront sans péché mortel, à genoux, dévotement, et quiconque persévérera dans la dévotion du saint Rosaire avec ces articles et méditations, je lui obtiendrai, pour récompense de ce bon service, pleine rémission de la peine et de la coulpe de tous ses péchés à la fin de la vie.

Et que cela ne te semble pas incroyable; il m’est facile, puisque je suis la Mère du Roi des cieux, qui m’appelle pleine de grâce, et, si j’en suis remplie, j’en ferai une ample effusion à mes chers enfants.»

90. Saint Dominique était si bien persuadé de l’efficace et mérite du saint Rosaire qu’il ne donnait quasi point d’autre pénitence à ceux qu’il confessait, comme nous avons vu dans l’histoire que j’ai rapportée d’une dame romaine à qui il ne donna pour pénitence qu’un seul Rosaire.

Les confesseurs devraient aussi, pour marcher sûrement sur les traces de ce grand saint, enjoindre aux pénitents le Rosaire, avec la réflexion sur les sacrés mystères, plutôt que d’autres pénitences qui ne sont pas d’un si grand mérite, ni si agréables à Dieu, ni si salutaires aux âmes pour les faire avancer dans la vertu, ni si efficaces pour les empêcher de tomber dans le péché, et de plus, en disant le Rosaire, on gagne quantité d’indulgences qui ne sont pas attachées à plusieurs autres dévotions.

91. «Certes, dit l’abbé Blosius, ce Rosaire, avec les méditations de la vie et de la passion, est très agréable à Jésus-Christ et à la Sainte Vierge et très efficace pour obtenir toutes choses; nous le pouvons dire tant pour nous que pour ceux qui nous sont recommandés et pour toute l’Église. Recourons donc à la dévotion du saint Rosaire dans toutes nos nécessités, et nous obtiendrons infailliblement ce que nous demanderons à Dieu pour notre salut.»

29ème Rose

92. Il n’est rien de plus divin, selon la pensée de saint Denis, rien de plus noble ni de plus agréable à Dieu, que de coopérer au salut des âmes et de renverser les machines du démon qui tâche de les perdre. C’est le motif qui a fait descendre le Fils de Dieu en terre. Il avait ruiné l’empire de Satan par la fondation de l’Église, mais ce tyran avait repris ses forces et exercé une cruelle violence sur les âmes par l’hérésie des Albigeois, par les haines, les dissensions et par les vices abominables qu’il faisait régner dans le monde dans le onzième siècle.

Quel remède à ces grands désordres, comment abattre les forces de Satan? La Sainte Vierge, protectrice de l’Église, n’a point donné de moyen plus efficace pour apaiser la colère de son Fils, pour extirper l’hérésie et réformer les mœurs des chrétiens que la confrérie du saint Rosaire, comme l’effet l’a vérifié. Il a renouvelé la charité, la fréquentation des sacrements des premiers siècles d’or de l’Église, réformé les mœurs des chrétiens.

93. Le pape Léon X dit en sa bulle que cette confrérie a été fondée en l’honneur de Dieu et de la Sainte Vierge comme un mur pour arrêter les malheurs qui allaient fondre sur l’Église.

Grégoire XIII dit que le Rosaire a été donné du ciel comme un moyen pour apaiser la colère de Dieu et implorer l’intercession de la Sainte Vierge.

Jules III dit que le Rosaire a été inspiré pour nous ouvrir plus facilement le ciel, par les faveurs de la Sainte Vierge.

Paul III et le bienheureux Pie V déclarent que le Rosaire a été établi et donné aux fidèles pour se procurer plus efficacement le repos et la consolation spirituelle. Qui négligera d’entrer en une confrérie instituée pour des fins aussi nobles?

94. «Le Père Dominique, chartreux, fort dévot au Rosaire, vit un jour le ciel ouvert et toute la cour céleste rangée en un ordre admirable et entendit chanter le Rosaire, d’une mélodie ravissante, honorant à chaque dizaine un mystère de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge. Et il remarqua que quand ils prononçaient le sacré nom de Marie, ils faisaient tous une inclination de la tête, et à celui de Jésus, ils faisaient tous une génuflexion et rendaient grâces à Dieu des grands biens qu’il a faits au ciel et en la terre par le saint Rosaire. Il vit aussi la Sainte Vierge et les saints présenter à Dieu les Rosaires que les confrères récitent en terre, et prient pour ceux qui pratiquent cette dévotion; il vit encore d’innombrables couronnes, de très belles et odoriférantes fleurs, préparées pour ceux qui récitent dévotement le saint Rosaire, et qu’autant de fois qu’ils le récitent ils se font une couronne dont ils seront parés au ciel» (Rosier mystique, 10ème dizaine, ch. 3). La vision de ce dévot chartreux est conforme à la vision qu’eut le disciple bien-aimé, dans laquelle il vit une multitude innombrable d’anges et des saints, qui louaient et bénissaient Jésus-Christ pour tout ce qu’il a fait et souffert dans ce monde pour notre salut; n’est-ce pas ce que font les dévots confrères du Rosaire?

95. Il ne faut pas s’imaginer que le Rosaire soit seulement pour les femmes, et les petits et les ignorants; il est aussi pour les hommes, et les plus grands hommes. D’abord que saint Dominique eut rendu compte au pape Innocent III de l’ordre qu’il avait reçu du ciel, d’établir cette sainte confrérie, le Saint-Père l’approuva, exhorta saint Dominique à la prêcher et il voulut y être associé. Les cardinaux mêmes l’embrassèrent avec une grande ferveur, en sorte que Lopez avance ces paroles: Nullum sexum, nullam aetatem, nullam conditionem ab oratione rosarii subtraxit se.

Ainsi on remarque, dans cette confrérie, toutes sortes de personnes: des ducs, des princes, des rois, aussi bien que des prélats, des cardinaux, souverains pontifes, dont le dénombrement serait trop long pour cet abrégé; et vous mettant, cher lecteur, en cette confrérie, vous aurez part à leur dévotion et leurs grâces sur la terre et à leur gloire dans le ciel. Cum quibus consortium vobis erit devotionis, erit et communio dignitatis.

30ème Rose

96. Si les privilèges, les grâces et les indulgences rendent une confrérie recommandable, on peut dire que celle du Rosaire est la plus recommandable de l’Église, puisqu’elle est la plus favorisée et enrichie d’indulgences, et il n’y a presque point de papes depuis son institution qui n’aient ouvert les trésors de l’Église pour la gratifier; et comme l’exemple persuade mieux que les paroles et les bienfaits, les Saints Pères n’ont pu mieux marquer l’estime qu’ils faisaient de cette sainte confrérie qu’en s’y associant eux-mêmes.

Voici un petit abrégé des indulgences que les Souverains Pontifes ont entièrement accordées à la confrérie du Saint Rosaire, confirmées de nouveau par notre Saint-Père le pape Innocent XI le 31 juillet 1679, reçues et permises d’être publiées par monseigneur l’archevêque de Paris le 25 septembre de la même année:

1º Pour le jour de l’entrée dans la confrérie: indulgence plénière;

2º Pour l’article de la mort: indulgence plénière;

3º Pour chacun des trois chapelets du Rosaire récités: dix ans et dix quarantaines d’indulgences;

4º Pour chaque fois qu’ils prononceront dévotement les saints noms de Jésus et de Marie: sept jours d’indulgences;

5º Pour ceux qui assisteront dévotement à la procession du saint Rosaire: sept ans et sept quarantaines d’indulgences;

6º A ceux qui, vraiment pénitents et confessés, visiteront la chapelle du Rosaire dans l’église où elle est établie, les premiers dimanches de chaque mois et les fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge: indulgence plénière;

7º A ceux qui assistent au Salve Regina: cent jours d’indulgence;

8º A ceux qui dévotement et pour montrer exemple portent ouvertement le saint Rosaire: cent jours d’indulgence;

9º Aux confrères malades, qui ne pourront venir à l’église, étant confessés et communiés, réciteront le jour le saint Rosaire ou du moins le chapelet: indulgence plénière au jour marqué pour la gagner;

10º Les Saints-Pères, par une grande libéralité envers les confrères du saint Rosaire, leur ont donné la faculté de gagner les indulgences des stations de Rome, visitant cinq autels, en récitant devant chacun cinq fois le Pater et l’Ave, pour l’heureux état de l’Église. S’il n’y a qu’un autel ou deux dans cette église, où est le Rosaire établi, ils réciteront 25 fois le Pater et l’Ave devant cet autel.

97. Grande faveur pour les confrères du saint Rosaire, parce que dans les églises des stations de Rome, il y a des indulgences plénières, des délivrances d’âmes du purgatoire et plusieurs autres grandes rémissions que les confrères peuvent gagner sans peine, sans frais, sans sortir de leur pays; et même, si la confrérie n’est pas établie dans le lieu où demeurent les confrères, ils gagneront lesdites indulgences, visitant cinq autels de quelque église que ce soit, par la concession de Léon dixième.

Voici les jours auxquels ils les peuvent gagner, déterminés et fixés, pour ceux qui sont hors la ville de Rome, par un décret de la Sacrée Congrégation établie pour les indulgences, approuvé par notre Saint-Père le 7 mars 1678, qui a ordonné qu’il sera inviolablement observé:

Tous les dimanches de l’Avent; les trois jours des Quatre-Temps; la vigile de Noël, aux messes de minuit, de l’aurore et du jour; les fêtes de saint Étienne, de saint Jean l’Évangéliste, et des Innocents, de la Circoncision et des Rois; les dimanches de la Septuagésime, Sexagésime, Quinquagésime et, depuis le jour des Cendres, tous les jours, jusqu’au dimanche de la Quasimodo inclusivement; les trois jours des Rogations; le jour de l’Ascension; la vigile de la Pentecôte, et tous les jours de l’octave et les trois jours des Quatre-Temps de septembre.

Cher confrère du Rosaire, il y a un grand nombre d’autres indulgences. Si vous les voulez voir, lisez le sommaire des indulgences accordées aux confrères du Rosaire. Vous y verrez les noms des papes, l’année et plusieurs autres particularités que cet abrégé ne souffre pas.

Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire – Deuxième Dizaine

DEUXIÈME DIZAINE

L’EXCELLENCE DU SAINT ROSAIRE DANS LES PRIÈRES DONT IL EST COMPOSÉ

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34. Le Credo ou le Symbole des Apôtres qu’on récite sur la croix du rosaire ou du chapelet, étant un sacré raccourci et abrégé des vérités chrétiennes, est une prière d’un grand mérite, parce que la foi est la base, le fondement et le commencement de toutes les vertus chrétiennes, de toutes les vertus éternelles et de toutes les prières que Dieu a pour agréables. Accedentem ad Deum credere oportet (He 11,6). Il faut que celui qui s’approche de Dieu par la prière commence par croire, et plus il aura de foi, et plus sa prière aura de force et de mérite en elle-même et rendra de gloire à Dieu.

Je ne m’arrêterai pas à expliquer les paroles du Symbole des Apôtres; mais je ne puis m’empêcher de déclarer que ces trois premières paroles: Credo in Deum: «Je crois en Dieu», renfermant les actes des trois vertus théologales: la foi, l’espérance et la charité, ont une efficace merveilleuse pour sanctifier l’âme et terrasser le démon. C’est avec ces paroles que plusieurs saints ont vaincu les tentations, particulièrement celles qui sont contre la foi, l’espérance ou la charité, soit pendant la vie, soit à l’heure de la mort. Ce furent les dernières paroles que saint Pierre le martyr écrivit le mieux qu’il put avec le doigt sur le sable, lorsque ayant la tête fendue en deux par un coup de sabre qu’un hérétique lui donna, il était près d’expirer.

35. Comme la foi est la seule clef qui nous fait entrer dans tous les mystères de Jésus et de Marie renfermés au saint Rosaire, il faut le commencer en récitant le Credo avec une grande attention et dévotion, et plus notre foi sera vive et forte, et plus le Rosaire sera méritoire. Il faut que cette foi soit vive et animée par la charité, c’est-à-dire que pour bien réciter le saint Rosaire, il faut être en grâce de Dieu ou dans la recherche de cette grâce; il faut que la foi soit forte et constante, c’est-à-dire qu’il ne faut pas chercher dans la pratique du saint Rosaire seulement son goût sensible et sa consolation spirituelle, c’est-à-dire qu’il ne faut pas l’abandonner parce qu’on a une foule de distractions involontaires dans l’esprit, un dégoût étrange dans l’âme, un ennui accablant et un assoupissement presque continuel dans le corps; il n’est pas besoin de goût ni de consolation, ni de soupirs, ni d’élans, ni de larmes, ni d’application continuelle de l’imagination, pour bien réciter son Rosaire. La foi pure et la bonne intention suffisent. Sola fides sufficit (Pange lingua).

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36. Le Pater, ou l’Oraison dominicale, tire sa première excellence de son auteur, qui n’est pas un homme ou un ange, mais le Roi des anges et des hommes, Jésus-Christ. «Il était nécessaire, dit saint Cyprien, que Celui qui venait nous donner la vie de la grâce comme Sauveur, nous enseignât la manière de prier comme Maître céleste.» La sagesse de ce divin Maître paraît bien dans l’ordre, la douceur, la force et la clarté de cette divine prière; elle est courte, mais elle est riche en instruction, intelligible pour les simples et remplie de mystères pour les savants.

Le Pater renferme tous les devoirs que nous devons rendre à Dieu, les actes de toutes les vertus et les demandes de tous nos besoins spirituels et corporels. Elle contient, dit Tertullien, l’abrégé de l’Évangile. Elle surpasse, dit Thomas à Kempis, tous les désirs des saints, elle contient en abrégé toutes les douces sentences des psaumes et des cantiques; elle demande tout ce qui nous est nécessaire; elle loue Dieu d’une excellente manière; elle élève l’âme de la terre au ciel et l’unit étroitement avec Dieu.

37. Saint Chrysostome dit que celui qui ne prie pas comme le divin Maître a prié et enseigné à prier, n’est pas son disciple, et Dieu le Père n’écoute pas agréablement les prières que l’esprit humain a formées, mais bien celles de son Fils, qu’il nous a enseignées.

Nous devons réciter l’Oraison dominicale avec certitude que le Père éternel l’exaucera, puisqu’elle est la prière de son Fils, qu’il exauce toujours, et que nous sommes ses membres; car que peut refuser un si bon Père à une requête si bien conçue et appuyée sur les mérites et la recommandation d’un si digne Fils?

Saint Augustin assure que le Pater bien récité efface les péchés véniels. Le juste tombe sept fois. L’Oraison dominicale contient sept demandes par lesquelles il peut remédier à ses chutes et se fortifier contre ses ennemis. Elle est courte et facile, afin que, comme nous sommes fragiles et sujets à plusieurs misères, nous recevions un plus prompt secours en la récitant plus souvent et plus dévotement.

38. Désabusez-vous donc, âmes dévotes qui négligez l’Oraison que le propre Fils de Dieu a composée et qu’il a ordonnée à tous les fidèles; vous qui n’avez d’estime que pour les prières que les hommes ont composées, comme si l’homme, même le plus éclairé, savait mieux que Jésus-Christ comment nous devons prier. Vous cherchez dans les livres des hommes la façon de louer et de prier Dieu, comme si vous aviez honte de vous servir de celle que son Fils nous a prescrite. Vous vous persuadez que les oraisons qui sont dans les livres sont pour les savants et pour les riches, et que le Rosaire n’est que pour les femmes, pour les enfants et pour le peuple, comme si les louanges et les prières que vous lisez étaient plus belles et plus agréables à Dieu que celles qui sont contenues dans l’Oraison dominicale. C’est une dangereuse tentation que de se dégoûter de l’Oraison que Jésus-Christ nous a recommandée pour prendre les oraisons que les hommes ont composées. Ce n’est pas que nous désapprouvions celles que les saints ont composées pour exciter les fidèles à louer Dieu, mais nous ne pouvons souffrir qu’ils les préfèrent à l’Oraison qui est sortie de la bouche de la Sagesse incarnée, et qu’ils laissent la source pour courir après les ruisseaux, et qu’ils dédaignent l’eau claire pour boire l’eau trouble. Car enfin le Rosaire, composé de l’Oraison dominicale et de la Salutation angélique, est cette eau claire et perpétuelle qui coule de la source de la grâce, tandis que les autres oraisons qu’ils cherchent dans les livres ne sont que de bien petits ruisseaux qui en dérivent.

39. Nous pouvons appeler heureux celui qui, en récitant l’Oraison du Seigneur, en pèse attentivement chaque parole; là il trouve tout ce dont il a besoin, tout ce qu’il peut désirer.

Quand nous récitons cette admirable prière, tout d’abord nous captivons le cœur de Dieu en l’invoquant par le doux nom de Père.

«Notre Père», le plus tendre de tous les pères, tout-puissant dans la création, tout admirable dans sa conservation, tout aimable dans sa Providence, tout bon et infiniment bon dans la Rédemption. Dieu est notre Père, nous sommes tous frères, le ciel est notre patrie et notre héritage. N’y a-t-il pas là de quoi nous inspirer à la fois l’amour de Dieu, l’amour du prochain et le détachement de toutes les choses de la terre? Aimons donc un tel Père et disons-lui mille et mille fois: «Notre Père qui êtes aux cieux.» Vous qui remplissez le ciel et la terre par l’immensité de votre essence, qui êtes présent partout; vous qui êtes dans les saints par votre gloire, dans les damnés par votre justice, dans les justes par votre grâce, dans les pécheurs par votre patience qui les souffre, faites que nous nous souvenions toujours de notre céleste origine, que nous vivions comme vos véritables enfants; que nous tendions toujours vers vous seul par toute l’ardeur de nos désirs.

«Que votre nom soit sanctifié.» Le nom du Seigneur est saint et redoutable, dit le prophète-roi, et le ciel, suivant Isaïe, retentit des louanges que les séraphins ne cessent de donner à la sainteté du Seigneur, Dieu des armées. Nous demandons ici que toute la terre connaisse et adore les attributs de ce Dieu si grand et si saint; qu’il soit connu, aimé et adoré des païens, des Turcs, des Juifs, des Barbares et de tous les infidèles; que tous les hommes le servent et le glorifient par une foi vive, une espérance ferme, par une charité ardente, et par le renoncement à toutes les erreurs: en un mot, que tous les hommes soient saints parce qu’il est saint lui-même.

«Que votre règne arrive.» C’est-à-dire que vous régniez dans nos âmes par votre grâce, durant la vie, afin que nous méritions, après notre mort, de régner avec vous dans votre royaume, qui est la souveraine et éternelle félicité, que nous croyons, que nous espérons et que nous attendons, cette félicité qui nous est promise par la bonté du Père, qui nous est acquise par les mérites du Fils et qui nous est révélée par les lumières du Saint-Esprit.

«Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.» Sans doute, rien ne peut se dérober aux dispositions de la Providence divine qui a tout prévu, tout arrangé avant l’événement; nul obstacle ne l’écarte de la fin qu’elle s’est proposée, et quand nous demandons à Dieu que sa volonté soit faite, ce n’est pas que nous craignions, dit Tertullien, que quelqu’un s’oppose efficacement à l’exécution de ses desseins, mais que nous acquiescions humblement à tout ce qu’il lui a plû d’ordonner à notre égard; que nous accomplissions toujours et en toutes choses sa très sainte volonté, qui nous est connue par ses commandements, avec autant de promptitude, d’amour et de constance, que les anges et les bienheureux lui obéissent dans le ciel.

40. «Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour.» Jésus-Christ nous enseigne à demander à Dieu tout ce qui est nécessaire à la vie du corps et à la vie de l’âme. Par ces paroles de l’Oraison dominicale, nous faisons l’humble aveu de notre misère et nous rendons hommage à la Providence, en déclarant que nous croyons, que nous voulons tenir de sa bonté tous les biens temporels. Sous le nom de pain nous demandons ce qui est simplement nécessaire à la vie, le superflu n’est point compris. Ce pain nous le demandons aujourd’hui, c’est-à-dire que nous bornons au jour présent toutes nos sollicitudes, nous reposant sur la Providence pour le lendemain. Nous demandons le pain de chaque jour, avouant ainsi nos besoins toujours renaissants et montrant la continuelle dépendance où nous sommes de la protection et du secours de Dieu.

«Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.» Nos péchés, disent saint Augustin et Tertullien, sont autant de dettes que nous contractons envers Dieu, et sa justice en exige le paiement jusqu’à la dernière obole. Or nous avons tous ces tristes dettes. Malgré le nombre de nos iniquités, approchons-nous donc de lui avec confiance et disons-lui avec un vrai repentir: Notre Père qui êtes aux cieux, pardonnez-nous les péchés de notre cœur et de notre bouche, les péchés d’action et d’omission qui nous rendent infiniment coupables aux yeux de votre justice, parce qu’en qualité d’enfants d’un père clément et miséricordieux, nous pardonnons par obéissance et par charité à ceux qui nous ont offensés.

Et «ne permettez pas» à cause de notre infidélité à vos grâces, «que nous succombions aux tentations» du monde, du démon et de la chair. Mais «délivrez-nous du mal», qui est le péché, du mal de la peine temporelle et de la peine éternelle, que nous avons méritées.

«Ainsi soit-il.» Parole d’une grande consolation, qui est, dit saint Jérôme, comme le sceau que Dieu met à la fin de nos requêtes pour nous assurer qu’il nous a exaucés, comme si lui-même nous répondait:

Amen!!! Qu’il soit fait comme vous le demandez, vous l’avez obtenu en vérité, car c’est ce que signifie ce mot: Amen.

13ème Rose

41. Nous honorons les perfections de Dieu en récitant chaque parole de l’Oraison dominicale. Nous honorons sa fécondité par le nom de Père, qui engendrez de toute éternité un Fils qui est Dieu comme vous, éternel, consubstantiel, qui est une même essence, une même puissance, une même bonté, une même sagesse avec vous, Père et Fils, qui, vous aimant, produisez le Saint-Esprit, qui est Dieu comme vous, trois personnes adorables, qui êtes un seul Dieu.

Notre Père! C’est-à-dire, Père des hommes par la création, par la conservation et par la rédemption, Père miséricordieux des pécheurs, Père ami des justes, Père magnifique des bienheureux.

Qui êtes. Par ces paroles nous admirons l’infinité, la grandeur et la plénitude de l’essence de Dieu, qui s’appelle véritablement Celui qui est (Ex 3,14), c’est-à-dire, qui existe essentiellement, nécessairement et éternellement, qui est l’Être des êtres, la cause de tous les êtres; qui renferme éminemment en lui-même les perfections de tous les êtres; qui est dans tous par son essence, par sa présence et par sa puissance, sans y être renfermé. Nous honorons sa sublimité, sa gloire et sa majesté par ces mots: Qui êtes aux cieux, c’est-à-dire assis comme dans votre trône, exerçant votre justice sur tous les hommes.

Nous adorons sa sainteté en désirant que son nom soit sanctifié. Nous reconnaissons sa souveraineté et la justice de ses lois, en souhaitant que son règne arrive, et que les hommes lui obéissent sur la terre comme les anges lui obéissent dans le ciel. Nous croyons à sa Providence, en le priant de nous donner notre pain de chaque jour. Nous invoquons sa clémence, en lui demandant la rémission de nos péchés. Nous recourons à sa puissance, en le priant de ne pas nous laisser succomber à la tentation. Nous nous confions à sa bonté, en espérant qu’il nous délivrera du mal. Le Fils de Dieu a toujours glorifié son Père par ses œuvres; il est venu au monde pour le faire glorifier des hommes; il leur a enseigné la manière de l’honorer, par cette Oraison qu’il a daigné nous dicter lui-même. Nous devons donc la réciter souvent avec attention et dans le même esprit qu’il l’a composée.

14ème Rose

42. Lorsque nous récitons attentivement cette divine Oraison, nous faisons autant d’actes des plus nobles vertus chrétiennes que nous prononçons de paroles. En disant: Notre Père qui êtes aux cieux, nous formons des actes de foi, d’adoration et d’humilité. En désirant que son nom soit sanctifié et glorifié, nous faisons paraître un zèle ardent pour sa gloire.

En lui demandant la possession de son royaume, nous faisons un acte d’espérance. En souhaitant que sa volonté soit accomplie sur la terre comme dans le ciel, nous montrons un esprit de parfaite obéissance. En lui demandant notre pain de chaque jour, nous pratiquons la pauvreté d’esprit et le détachement des biens de la terre. En le priant de nous remettre nos péchés, nous faisons un acte de repentir. Et en pardonnant à ceux qui nous ont offensés, nous exerçons la miséricorde dans la plus haute perfection. En lui demandant son secours dans les tentations, nous faisons des actes d’humilité, de prudence et de force. En attendant qu’il nous délivre du mal, nous pratiquons la patience. Enfin, en demandant toutes ces choses, non seulement pour nous, mais encore pour notre prochain et pour tous les membres de l’Église, nous faisons le devoir des vrais enfants de Dieu, nous l’imitons dans sa charité qui embrasse tous les hommes et nous accomplissons le commandement de l’amour du prochain.

43. Nous détestons tous les péchés et nous observons tous les commandements de Dieu, lorsqu’en récitant cette Oraison notre cœur s’accorde avec notre langue, et que nous n’avons point d’intentions contraires au sens de ces divines paroles. Car lorsque nous faisons réflexion que Dieu est au ciel, c’est-à-dire infiniment élevé au-dessus de nous par la grandeur de sa majesté, nous entrons dans les sentiments du plus profond respect en sa présence; tout saisis de crainte, nous fuyons l’orgueil et nous nous abaissons jusqu’au néant. Lorsqu’en pronoçant le nom du Père, nous nous souvenons que nous tenons notre existence de Dieu, par le moyen de nos parents, et notre instruction même par le moyen de nos maîtres, qui nous tiennent ici la place de Dieu, dont ils sont les images vivantes, nous nous sentons obligés de les honorer ou, pour mieux dire, d’honorer Dieu en leurs personnes, et nous nous gardons bien de les mépriser et de les affliger.

Lorsque nous désirons que le saint Nom de Dieu soit glorifié, nous sommes bien éloignés de le profaner. Lorsque nous regardons le royaume de Dieu comme notre héritage, nous renonçons à toute attache aux biens de ce monde; lorsque nous demandons sincèrement pour notre prochain les mêmes biens que nous désirons pour nous-mêmes, nous renonçons à la haine, à la dissension et à l’envie. En demandant à Dieu notre pain de chaque jour, nous détestons la gourmandise et la volupté qui se nourrissent de l’abondance. En priant Dieu véritablement de nous pardonner, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, nous réprimons notre colère et notre vengeance, nous rendons le bien pour le mal et nous aimons nos ennemis. En demandant à Dieu de ne pas nous laisser tomber dans le péché au moment de la tentation, nous montrons que nous fuyons la paresse, que nous cherchons les moyens de combattre les vices et de faire notre salut. En priant Dieu de nous délivrer du mal, nous craignons sa justice, et nous sommes heureux, car la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse, c’est par la crainte de Dieu que tout homme évite le péché.

15ème Rose

44. La Salutation angélique est si sublime, si relevée, que le bienheureux Alain de la Roche a cru qu’aucune créature ne peut la comprendre et qu’il n’y a que Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, qui puisse l’expliquer.

Elle tire principalement son excellence de la très sainte Vierge à qui elle fut adressée, de la fin de l’Incarnation du Verbe pour laquelle elle fut apportée du ciel, et de l’archange Gabriel qui la prononça le premier.

La Salutation angélique résume dans l’abrégé le plus concis toute la théologie chrétienne sur la Sainte Vierge. On y trouve une louange et une invocation. La louange renferme tout ce qui fait la véritable grandeur de Marie; l’invocation renferme tout ce que nous devons lui demander, et ce que nous pouvons attendre de sa bonté pour nous. La très sainte Trinité en a révélé la première partie; sainte Élisabeth, éclairée du Saint-Esprit, y a ajouté la seconde; et l’Église, dans le premier concile d’Éphèse, tenu l’an 430, y a mis la conclusion, après avoir condamné l’erreur de Nestorius et défini que la Sainte Vierge est véritablement Mère de Dieu. Le concile ordonna qu’on invoquerait la Sainte Vierge sous cette glorieuse qualité par ces paroles: Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort.

45. La sainte Vierge Marie a été celle à qui cette divine Salutation a été présentée pour terminer l’affaire la plus grande et la plus importante du monde, l’Incarnation du Verbe éternel, la paix entre Dieu et les hommes et la rédemption du genre humain. L’ambassadeur de cette heureuse nouvelle fut l’archange Gabriel, un des premiers princes de la cour céleste. La Salutation angélique contient la foi et l’espérance des patriarches, des prophètes et des apôtres. Elle est la constance et la force des martyrs, la science des docteurs, la persévérance des confesseurs et la vie des religieux. Elle est le cantique nouveau de la loi de grâce, la joie des anges et des hommes, la terreur et la confusion des démons.

Par la Salutation angélique, Dieu s’est fait homme, une Vierge est devenue Mère de Dieu, les âmes des justes ont été délivrées des limbes, les ruines du ciel ont été réparées et les trônes vides ont été remplis, le péché a été pardonné, la grâce nous a été donnée, les malades ont été guéris, les morts ressuscités, les exilés rappelés, la très sainte Trinité a été apaisée, et les hommes ont obtenu la vie éternelle. Enfin, la Salutation angélique est l’arc-en-ciel, le signe de la clémence et de la grâce que Dieu a faites au monde.

16ème Rose

46. Quoiqu’il n’y ait rien d’aussi grand que la majesté divine ni rien d’aussi abject que l’homme considéré comme pécheur, cette suprême Majesté ne dédaigne pas néanmoins nos hommages, elle est honorée quand nous chantons ses louanges. Et le salut de l’ange est un des plus beaux cantiques que nous puissions adresser à la gloire du Très-Haut. Canticum novum cantabo tibi (Ps 144,9): «Je vous chanterai un cantique nouveau.» Ce cantique nouveau que David a prédit qu’on chanterait à la venue du Messie, c’est la Salutation de l’archange.

Il y a un cantique ancien et un cantique nouveau. L’ancien est celui que les Israélites ont chanté en reconnaissance de la création, de la conservation, de la délivrance de leur captivité, du passage de la mer Rouge, de la manne et de toutes les autres faveurs du ciel. Le cantique nouveau est celui que les chrétiens chantent en actions de grâces de l’Incarnation et de la Rédemption. Comme ces prodiges ont été accomplis par le salut angélique, nous répétons ce même salut pour remercier la très sainte Trinité de ses bienfaits inestimables. Nous louons Dieu le Père de ce qu’il a tant aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique pour sauveur. Nous bénissons le Fils de ce qu’il est descendu du ciel sur la terre, de ce qu’il s’est fait homme et de ce qu’il nous a rachetés. Nous glorifions le Saint-Esprit de ce qu’il a formé dans le sein de la Sainte Vierge ce corps très pur qui a été la victime de nos péchés. C’est dans cet esprit de reconnaissance que nous devons réciter le salut angélique, produisant des actes de foi, d’espérance, d’amour et d’actions de grâces pour ce bienfait de notre salut.

47. Quoique ce cantique nouveau s’adresse directement à la Mère de Dieu et qu’il contienne ses éloges, il est néanmoins très glorieux à la Sainte-Trinité, parce que tout l’honneur que nous rendons à la Sainte Vierge retourne à Dieu comme à la cause de toutes ses perfections et de toutes ses vertus. Dieu le Père est glorifié de ce que nous honorons la plus parfaite de ses créatures. Le Fils est glorifié de ce que nous louons sa très pure Mère. Le Saint-Esprit est glorifié de ce que nous admirons les grâces dont il a rempli son épouse.

De même que la Sainte Vierge, par son beau cantique Magnificat, renvoya à Dieu les louanges et les bénédictions que lui donna sainte Élisabeth sur son éminente dignité de Mère du Seigneur, de même elle renvoie promptement à Dieu les éloges et les bénédictions que nous lui donnons par le salut angélique.

48. Si la Salutation angélique rend gloire à la Sainte-Trinité, elle est aussi la louange la plus parfaite que nous puissions adresser à Marie.

«Sainte Mechtilde, désirant savoir par quel moyen elle pourrait mieux témoigner la tendresse de sa dévotion à la Mère de Dieu, fut ravie en esprit; et sur cette pensée, la Sainte Vierge lui apparut portant sur son sein la Salutation angélique écrite en lettres d’or et lui dit: « Sachez, ma fille, que personne ne peut m’honorer par un salut plus agréable que celui que m’a fait présenter la très adorable Trinité et par lequel elle m’a élevée à la dignité de Mère de Dieu. Par le mot « Ave », qui est le nom d’Ève, Eva, j’appris que Dieu, par sa toute-puissance, m’avait préservée de tout péché et des misères auxquelles la première femme fut sujette.

Le nom de « Marie », qui signifie dame de lumières, marque que Dieu m’a remplie de sagesse et de lumière, comme un astre brillant, pour éclairer le ciel et la terre.

Ces mots: « pleine de grâces », me représentent que le Saint-Esprit m’a comblée de tant de grâces que je puis en faire part abondamment à ceux qui en demandent par ma médiation.

En disant: « le Seigneur est avec vous », on me renouvelle la joie ineffable que je ressentis lorsque le Verbe éternel s’incarna dans mon sein.

Quand on me dit: « vous êtes bénie entre toutes les femmes », je loue la divine miséricorde qui m’a élevée à ce haut degré de bonheur.

A ces paroles: « Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni », tout le ciel se réjouit avec moi de voir Jésus mon Fils adoré et glorifié pour avoir sauvé les hommes »» (Rosier mystique, 2ème dizaine, ch. 9).

17ème Rose

49. Entre les choses admirables que la Sainte Vierge a révélées au bienheureux Alain de la Roche (et nous savons que ce grand dévot à Marie a confirmé par serment ses révélations), il y en a trois des plus remarquables: la première, que c’est un signe probable et prochain de réprobation éternelle, que d’avoir de la négligence, de la tiédeur et de l’aversion pour la Salutation angélique qui a réparé le monde — la seconde, que ceux qui ont de la dévotion pour cette divine Salutation portent un très grand signe de prédestination — la troisième, que ceux qui ont reçu du ciel la faveur d’aimer la Sainte Vierge et de la servir par affection, doivent être extrêmement soigneux de continuer à l’aimer et à la servir jusqu’à ce qu’elle les ait fait placer dans le ciel par son Fils au degré de gloire convenable à leurs mérites.

50. Tous les hérétiques, qui sont tous des enfants du diable et qui portent les marques évidentes de la réprobation, ont horreur de l’Ave Maria; ils apprennent encore le Pater, mais non pas l’Ave Maria; ils aimeraient mieux porter sur eux un serpent qu’un chapelet ou un rosaire.

Entre les catholiques, ceux qui portent la marque de réprobation ne se soucient guère du chapelet ni du Rosaire, négligent de le dire ou ne le disent qu’avec tiédeur et à la hâte. Quand je n’ajouterais aucune foi pieuse à ce qui a été révélé au bienheureux Alain de la Roche, mon expérience me suffit pour être persuadé de cette terrible et douce vérité. Je ne sais pas, et je ne vois pas même évidemment comment il se peut faire qu’une dévotion si petite en apparence soit la marque infaillible du salut éternel, et son défaut la marque de la réprobation. Cependant, rien n’est si véritable.

Nous voyons même que les gens de nouvelles doctrines de nos jours condamnées par l’Église, avec toute leur piété apparente, négligent beaucoup la dévotion au chapelet et au Rosaire et souvent l’ôtent de l’esprit et du cœur de ceux ou celles qui les approchent, sous les plus beaux prétextes du monde; ils se gardent bien de condamner ouvertement, comme font les calvinistes, le chapelet, Rosaire, scapulaire; mais la manière dont ils s’y prennent est d’autant plus pernicieuse qu’elle est plus fine. Nous en parlerons dans la suite.

51. Mon Ave Maria, mon Rosaire ou mon chapelet, est ma prière, et ma très sûre pierre de touche, pour distinguer ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu d’avec ceux qui sont dans l’illusion du malin esprit. J’ai connu des âmes qui volaient, ce semble, comme des aigles, jusqu’aux nues par leur sublime contemplation, et qui cependant étaient malheureusement trompées par le démon, et je n’ai découvert leurs illusions que par l’Ave Maria et le chapelet, qu’elles rejetaient comme au-dessous d’elles.

L’Ave Maria est une rosée céleste et divine qui, tombant dans l’âme d’un prédestiné, lui communique une fécondité admirable pour produire toutes sortes de vertus, et plus l’âme est arrosée par cette prière, plus elle devient éclairée dans l’esprit, embrasée dans le cœur et fortifiée contre tous ses ennemis.

L’Ave Maria est un trait perçant et enflammé qui, étant uni par un prédicateur à la parole de Dieu qu’il annonce, lui donne la force de percer, de toucher et de convertir les cœurs les plus endurcis, quoique d’ailleurs il n’ait pas beaucoup de talent naturel pour la prédication.

Ce fut ce trait secret que la Sainte Vierge, comme j’ai déjà dit, enseigna à saint Dominique et au bienheureux Alain, pour convertir les hérétiques et les pécheurs. C’est de là qu’est venue la pratique des prédicateurs de dire un Ave Maria en commençant leurs prédications, comme assure saint Antonin.

18ème Rose

52. Cette divine Salutation attire sur nous la bénédiction abondante de Jésus et de Marie, car c’est un principe infaillible que Jésus et Marie récompensent magnifiquement ceux qui les glorifient: ils rendent au centuple les bénédictions qu’on leur donne. Ego diligentes me diligo… ut ditem diligentes me et thesauros eorum repleam (Pr 8,17,21). C’est ce que Jésus et Marie criaient hautement: «Nous aimons ceux qui nous aiment, nous les enrichissons et nous remplissons leurs trésors.» — Qui seminat in benedictionibus, in benedictionibus et metet (2 Co 9,6): «Ceux qui sèment des bénédictions recueilleront des bénédictions.»

Or n’est-ce pas aimer, bénir et glorifier Jésus et Marie que de réciter comme il faut la Salutation angélique? En chaque Ave Maria, on donnera deux bénédictions à Jésus et à Marie. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et béni le fruit de votre ventre, Jésus. Par chaque Ave Maria, vous rendez à Marie le même honneur que Dieu lui rendit en la saluant avec l’archange Gabriel. Qui pourrait croire que Jésus et Marie, qui font du bien souvent à ceux qui les maudissent, donnassent leurs malédictions à ceux et celles qui les bénissent et les honorent par l’Ave Maria?

La Reine des cieux, disent saint Bernard et saint Bonaventure, n’est pas moins reconnaissante et honnête que les personnes de qualité bien élevées en ce monde: elle les surpasse même en cette vertu comme en toutes les autres perfections; elle ne souffrira donc jamais que nous l’honorions avec respect, qu’elle ne nous le rende au centuple. Marie, dit saint Bonaventure, nous salue avec la grâce, si nous la saluons avec l’Ave Maria: Ipsa salutabit nos cum gratia si salutaverimus eam cum Ave Maria.

Qui pourrait comprendre les grâces et les bénédictions qu’opèrent en nous le salut et les regards bénins de la Sainte Vierge?

Dans le moment que sainte Élisabeth entendit le salut que lui donna la Mère de Dieu, elle fut remplie du Saint-Esprit, et l’enfant qu’elle portait dans son sein tressaillit de joie. Si nous nous rendons dignes du salut et de la bénédiction réciproques de la Sainte Vierge, sans doute nous serons remplis de la grâce et un torrent de consolations spirituelles découlera dans nos âmes.

19ème Rose

53. Il est écrit: «Donnez et l’on vous donnera» (Lc 6,38). Prenons la comparaison du bienheureux Alain: «Si je vous donnais chaque jour cent cinquante diamants, quand vous seriez mon ennemi, ne me pardonneriez-vous pas? Ne me feriez-vous pas comme un ami, toutes les grâces que vous pourriez? Voulez-vous vous enrichir des biens de la grâce et de la gloire? saluez la Sainte Vierge, honorez votre bonne Mère.»

Sicut qui thesaurizat, ita et qui honorificat matrem (Si 3,5). Celui qui honore sa Mère, la Sainte Vierge, est semblable à un homme qui amasse des trésors.

Présentez-lui chaque jour au moins cinquante Ave Maria dont chacun contient quinze pierres précieuses, qui lui sont plus agréables que toutes les richesses de la terre. Que ne devez-vous pas attendre de sa libéralité? Elle est notre Mère et notre amie. Elle est l’impératrice de l’univers qui nous aime plus que toutes les mères et les reines ensemble n’ont aimé un homme mortel, car, dit saint Augustin, la charité de la Vierge Marie excède tout l’amour naturel de tous les hommes et de tous les anges.

54. Un jour, Notre-Seigneur apparut à sainte Gertrude comptant des pièces d’or; elle eut la hardiesse de lui demander ce qu’il comptait. «Je compte, lui répondit Jésus-Christ, tes Ave Maria, c’est la monnaie dont on achète mon paradis.»

Le dévot et le docte Suarez, de la Compagnie de Jésus, estimait tant le mérite de la Salutation angélique, qu’il disait qu’il aurait volontiers donné toute sa science pour le prix d’un Ave Maria bien dit.

55. «Que celui qui vous aime, ô divine Marie, lui dit le bienheureux Alain de la Roche, écoute et goûte: Le ciel est dans la joie, la terre est dans l’admiration, toutes les fois que je dis: Ave Maria; j’ai le monde en horreur, j’ai l’amour de Dieu dans mon cœur, lorsque je dis: Ave Maria; mes craintes s’évanouissent, mes passions se mortifient, quand je dis: Ave Maria; je croîs dans la dévotion, je trouve la componction, quand je dis: Ave Maria; mon espérance s’affermit, ma consolation s’augmente, lorsque je dis: Ave Maria; mon esprit se réjouit, mon chagrin se dissipe, quand je dis: Ave Maria; car la douceur de cette bénigne salutation est si grande qu’on n’a point de terme pour l’expliquer comme il faut, et après qu’on en aura dit des merveilles, elle demeure encore si cachée et si profonde qu’on ne la peut découvrir. Elle est courte en paroles, mais grande en mystères; elle est plus douce que le miel et plus précieuse que l’or; il faut très fréquemment l’avoir dans le cœur pour la méditer, et dans la bouche pour la lire et la répéter dévotement.»

«Auscultet tui nominis amator, o Maria, coelum gaudet, omnis terra stupet cum dico Ave Maria; Satan fugit, infernus contremiscit, cum dico Ave Maria; mundus vilescit, cor in amore liquescit, cum dico Ave Maria; terror evanescit, caro marcescit, cum dico Ave Maria; crescit devotio, oritur compunctio, cum dico Ave Maria; spes proficit, augetur consolatio, cum dico Ave Maria; recreatur animus, et in bono confortatur aeger affectus, cum dico Ave Maria. Siquidem tanta suavitas hujus benignae salutationis, ut humanis non possit explicari verbis, sed semper manet altior et profundior quam omnis creatura indagare sufficiat. Haec oratio parva est verbis, alta mysteriis, brevis sermone, alta virtute, super mel dulcis, super aurum pretiosa; ore cordis est jugiter ruminanda labiisque puris frequentissime legenda ac devote repetenda.»

Le même bienheureux Alain rapporte, au chapitre 69 de son psautier, qu’une religieuse très dévote au Rosaire apparut après sa mort à une de ses sœurs et lui dit: «Si je pouvais retourner dans mon corps pour dire seulement un Ave Maria, quoique sans beaucoup de ferveur, pour avoir le mérite de cette prière, je souffrirais volontiers tout de nouveau toutes les douleurs que j’ai souffertes avant de mourir.» Il faut remarquer qu’elle avait souffert plusieurs années sur son lit des douleurs violentes.

56. Michel de Lisle, évêque de Salubre, disciple et collègue du bienheureux Alain de la Roche dans le rétablissement du saint Rosaire, dit que la Salutation angélique est le remède à tous les maux qui nous affligent, pourvu que nous la récitions dévotement en l’honneur de la Sainte Vierge.

20ème Rose

Brève explication de l’Ave Maria

57. Êtes-vous dans la misère du péché? Invoquez la divine Marie, dites-lui: «Ave», qui veut dire: je vous salue dans un très profond respect, ô vous qui êtes sans péché et sans malheur. Elle vous délivrera du mal de vos péchés.

Êtes-vous dans les ténèbres de l’ignorance ou de l’erreur? Venez à Marie, dites-lui: «Ave Maria», c’est-à-dire Illuminée des rayons du soleil de justice; et elle vous fera part de ses lumières.

Êtes-vous égaré du chemin du ciel? Invoquez Marie, qui veut dire: Étoile de la mer et l’étoile polaire qui guide notre navigation en ce monde, et elle vous conduira au port du salut éternel.

Êtes-vous dans l’affliction? Ayez recours à Marie qui veut dire: mer amère qui a été remplie d’amertume en ce monde et qui est présentement changée dans une mer de pures douceurs au ciel; elle convertira votre tristesse en joie et vos afflictions en consolations.

Avez-vous perdu la grâce? Honorez l’abondance des grâces dont Dieu a rempli la Sainte Vierge, dites-lui:

«Pleine de grâces» et de tous les dons du Saint-Esprit, et elle vous fera part de ses grâces.

Êtes-vous seul, privé de la protection de Dieu, adressez-vous à Marie, dites-lui: «Le Seigneur est avec vous» plus noblement et intimement que dans les justes et les saints, car vous êtes une même chose avec Lui; étant votre Fils, sa chair est votre chair, vous êtes avec le Seigneur par une très parfaite ressemblance et par une mutuelle charité; car vous êtes sa Mère. Dites-lui enfin: Toute la très sainte Trinité est avec vous dont vous êtes le Temple précieux; et elle vous remettra sous la protection et sauvegarde de Dieu.

Êtes-vous devenu l’objet de la malédiction de Dieu? Dites: «Vous êtes bénie par-dessus toutes les femmes» et de toutes les nations, pour votre pureté et fécondité; vous avez changé la malédiction divine en bénédiction; et elle vous bénira.

Avez-vous faim du pain de la grâce et du pain de vie? Approchez de celle qui a porté le pain vivant qui est descendu du Ciel, dites-lui: «Le fruit de votre ventre soit béni», lequel vous avez conçu sans nul déchet de votre virginité, que vous avez porté sans peine et enfanté sans douleur. «Jésus» soit béni qui a racheté le monde captif, guéri le monde malade, ressuscité l’homme mort, ramené l’homme banni, justifié l’homme criminel, sauvé l’homme damné. Sans doute votre âme sera rassasiée du pain de la grâce en cette vie et de la gloire éternelle en l’autre. Amen.

58. Concluez votre prière avec l’Église et dites: «Sainte Marie», sainte au corps et en l’âme, sainte par un dévouement singulier et éternel au service de Dieu, sainte en qualité de Mère de Dieu qui vous a douée d’une éminente sainteté, convenable à cette dignité infinie.

«Mère de Dieu», qui êtes aussi notre Mère, notre Avocate et Médiatrice, la Trésorière et Dispensatrice des grâces de Dieu, procurez-nous promptement le pardon de nos péchés et notre réconciliation avec la divine Majesté.

«Priez pour nous pécheurs», vous qui avez tant de compassion des misérables, qui ne méprisez et ne rebutez point les pécheurs, sans lesquels vous ne seriez pas la Mère du Sauveur.

«Priez pour nous maintenant», pendant le temps de cette vie courte, fragile et misérable, «maintenant», car nous n’avons d’assuré que ce moment présent, maintenant que nous sommes attaqués et environnés nuit et jour d’ennemis puissants et cruels.

«Et à l’heure de notre mort», si terrible et si périlleuse, où nos forces sont épuisées, où nos esprits et nos corps sont abattus par la douleur et la crainte; à l’heure de notre mort que Satan redouble ses efforts afin de nous perdre pour jamais; à cette heure que ce sera la décision de notre sort pour toute l’éternité bienheureuse ou malheureuse. Venez au secours de vos pauvres enfants, ô Mère pitoyable, ô l’avocate et le refuge des pécheurs, chassez loin de nous, à l’heure de la mort, les démons nos accusateurs et nos ennemis, dont l’aspect effroyable nous épouvante. Venez nous éclairer dans les ténèbres de la mort. Conduisez-nous, accompagnez-nous au tribunal de notre juge, votre Fils; intercédez pour nous, afin qu’il nous pardonne et nous reçoive au nombre de vos élus dans le séjour de la gloire éternelle. «Amen.» Ainsi soit-il.

59. Qui n’admirera l’excellence du saint Rosaire, composé de ces deux divines parties: l’Oraison dominicale et la Salutation angélique? Y a-t-il de prière plus agréable à Dieu et à la Sainte Vierge, plus facile, plus douce et plus salutaire aux hommes? Ayons-les toujours au cœur et dans la bouche pour honorer la très sainte Trinité, Jésus-Christ notre Sauveur et sa très sainte Mère. De plus, à la fin de chaque dizaine, il est bon d’ajouter le Gloria Patri, etc., c’est-à-dire: Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Comme il était au commencement, comme il est maintemant et il sera dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire – Première Dizaine

PREMIÈRE DIZAINE

L’EXCELLENCE DU SAINT ROSAIRE DANS SON ORIGINE ET SON NOM

1ère Rose

9. Le Rosaire renferme deux choses, savoir: l’oraison mentale et l’oraison vocale. L’oraison mentale du saint Rosaire n’est autre chose que la méditation des principaux mystères de la vie, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa très sainte Mère. L’oraison vocale du Rosaire consiste à dire quinze dizaines d’Ave Maria précédées par un Pater pendant qu’on médite et qu’on contemple les quinze vertus principales que Jésus et Marie ont pratiquées dans les quinze mystères du saint Rosaire.

Dans le premier chapelet, qui est de cinq dizaines, on honore et on considère les cinq mystères joyeux; au second les cinq mystères douloureux, et au troisième les cinq mystères glorieux. Ainsi le saint Rosaire est un sacré composé de l’oraison vocale et mentale pour honorer et imiter les mystères et les vertus de la vie, de la mort et de la passion et de la gloire de Jésus-Christ et de Marie.

2ème Rose

10. Le saint Rosaire dans son fond et dans sa substance étant composé de la prière de Jésus-Christ et de la Salutation angélique, savoir le Pater et l’Ave, et de la méditation des mystères de Jésus et de Marie, c’est sans doute la première prière et la première dévotion des fidèles, qui depuis les apôtres et les disciples a été en usage de siècle en siècle jusqu’à nous.

11. Cependant le saint Rosaire, dans sa forme et la méthode dont on le récite à présent, n’a été inspiré à son Église, donné de la Sainte Vierge à saint Dominique pour convertir les hérétiques albigeois et les pécheurs, qu’en l’an 1214, de la manière que je vais dire, comme le rapporte le bienheureux Alain de la Roche dans son fameux livre intitulé: De Dignitate Psalterii. «Saint Dominique, voyant que les crimes des hommes mettaient obstacle à la conversion des Albigeois, entra dans une forêt proche de Toulouse et y passa trois jours et trois nuits dans une continuelle oraison et pénitence; il ne cessait de gémir, de pleurer et de se macérer le corps à coups de discipline, afin d’apaiser la colère de Dieu, de sorte qu’il tomba à demi mort. La Sainte Vierge lui apparut, accompagnée de trois princesses du ciel et lui dit: « Sais-tu, mon cher Dominique, de quelle arme la Sainte-Trinité s’est servie pour réformer le monde? — O Madame, répondit-il, vous le savez mieux que moi, car après votre Fils Jésus-Christ vous avez été le principal instrument de notre salut. » Elle ajouta: « Sache que la principale pièce de batterie a été le psautier angélique, qui est le fondement du Nouveau Testament; c’est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces cœurs endurcis, prêche mon psautier. » Le saint se leva tout consolé et, brûlant du zèle du salut de ces peuples, il entra dans l’église cathédrale; incontinent les cloches sonnèrent par l’entremise des anges pour assembler les habitants, et au commencement de la prédication un orage effroyable s’éleva; la terre trembla, le soleil s’obscurcit, les tonnerres et les éclairs redoublés firent pâlir et trembler tous les auditeurs; et leur terreur augmenta quand ils virent une image de la Sainte Vierge, exposée sur un lieu éminent, lever les bras par trois fois vers le ciel pour demander vengeance à Dieu contre eux, s’ils ne se convertissaient et ne recouraient à la protection de la sacrée Mère de Dieu.

Le ciel voulait par ces prodiges augmenter la nouvelle dévotion du saint Rosaire et la rendre plus fameuse.

L’orage cessa enfin par les prières de saint Dominique. Il poursuivit son discours et expliqua avec tant de ferveur et de force l’excellence du saint Rosaire, que les Toulousains l’embrassèrent presque tous et renoncèrent presque tous à leurs erreurs, et l’on vit, en peu de temps, un grand changement de mœurs et de vie dans la ville» (Rosier mystique, 1ère dizaine, ch. 3).

3ème Rose

12. Cet établissement miraculeux du saint Rosaire, qui a quelque rapport avec la manière dont Dieu donna sa loi au monde sur la montagne de Sinaï, montre évidemment l’excellence de cette divine pratique; aussi saint Dominique, inspiré du Saint-Esprit, instruit par la Sainte Vierge et par sa propre expérience, prêcha tout le reste de sa vie le saint Rosaire par exemple et de vive voix dans les villes et les campagnes, devant les grands et les petits, devant les savants et les ignorants, devant les catholiques et les hérétiques. Le saint Rosaire, qu’il récitait tous les jours, était sa préparation devant la prédication et son rendez-vous après la prédication.

13. Lorsque le saint était, un jour de Saint-Jean l’Évangéliste, à Notre-Dame de Paris, derrière le grand autel, dans une chapelle, pour se préparer à prêcher, en récitant le saint Rosaire, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit: «Dominique, quoique ce que tu as préparé pour prêcher soit bon, voici pourtant un sermon bien meilleur que je t’apporte.» Saint Dominique reçoit de ses mains le livre où était ce sermon, le lit, le goûte et le comprend, en rend grâces à la Sainte Vierge. L’heure du sermon arrivée, il monte en chaire et, après n’avoir dit à la louange de saint Jean l’Évangéliste autre chose sinon qu’il avait mérité d’être le gardien de la Reine du ciel, il dit à toute l’assemblée des grands et des docteurs qui étaient venus l’entendre, qui étaient accoutumés à n’entendre que des discours curieux et polis, mais que, pour lui, il ne parlerait point dans les paroles savantes de la sagesse humaine, mais dans la simplicité et la force du Saint-Esprit. Alors saint Dominique leur prêcha le saint Rosaire et leur expliqua mot à mot, comme à des enfants, la Salutation angélique, en se servant des comparaisons fort simples qu’il avait lues dans le papier que lui avait donné la Sainte Vierge.

14. Voici les propres paroles du savant Cartagène qu’il a tirées en partie du livre du bienheureux Alain de la Roche intitulé De Dignitate Psalterii: «B. Alanus Patrem sanctum Dominicum sibi haec in revelatione dixisse testatur: « Tu praedicas, fili, sed uti caveas ne potius laudem humanam quaeras quam animarum fructum, audi quid mihi Parisiis contigit. Debebam in majori ecclesia beatae Mariae praedicare, et volebam curiose non jactantiae causa, sed propter astantium facultatem et dignitatem. Cum igitur more meo per horam fere ante sermonem in psalterio meo (Rosarium intelligit) quadam in capella post altare majus orarem, subito factus in raptum, cernebam amicam meam Dei Genitricem afferentem mihi libellum et dicentem: « Dominice, et si bonum est quod praedicare disposuisti sermonem, tamen longe meliorem attuli. » Laetus librum capio, lego constanter, ut dixit, reperio, gratias ago, adest hora sermonis, adest parisiensis Universitas tota, dominorumque numerus magnus. Audiebant quippe et videbant signa magna quae per me Dominus operabatur; itaque ambonem ascendo. Festum erat sancti Joannis Evangelistae. De eo aliud non dico nisi quod custos singularis esse meruit Reginae coeli. Deinde auditores sic alloquor: Domini et Magistri praestantissimi, aures reverentiae vestrae solitae sunt curiosos audire sermones et auscultare. At nunc ego non in doctis humanae sapientiae verbis, sed in ostensione spiritus et virtutis loquar. » Tunc, ait Carthagena post beatum Alanum, stans Dominicus eis explicavit Salutationem angelicam comparationibus et similitudinibus familiaribus hoc modo.»

(Le bienheureux Alain affirme que son Père saint Dominique lui dit un jour dans une révélation: « Mon fils, tu prêches; mais pour que tu ne cherches pas plutôt la louange humaine que le salut des âmes, écoute ce qui m’est arrivé à Paris. Je devais prêcher dans la grande église dédiée à la bienheureuse Marie, et je voulais le faire d’une manière ingénieuse, non par orgueil, mais à cause de la puissance et de la dignité des assistants. Comme, selon ma coutume, je priais en récitant mon Rosaire durant l’heure qui précédait mon sermon, j’eus un ravissement. Je voyais mon amie la Mère de Dieu m’apportant un petit livre et me disant: « Dominique, si bon que soit le sermon que tu as résolu de prêcher, je t’en ai apporté un bien meilleur. » Tout joyeux, je prends le livre, je le lis en entier, et, comme Marie l’avait dit, je trouve ce qu’il faut prêcher. Je l’en remercie de tout cœur. L’heure du sermon venue, j’avais devant moi l’Université de Paris tout entière et un grand nombre de seigneurs. Ils entendaient et voyaient les grands signes que le Seigneur opérait par moi. Je monte à l’ambon. C’était la fête de saint Jean, mais de cet apôtre je me contente de dire qu’il mérita d’être choisi pour le gardien de la Reine du ciel. Ensuite je parlai ainsi à mon auditoire: Seigneurs et Maîtres illustres, vous êtes habitués à entendre des sermons élégants et savants. Pour moi, je ne veux pas vous adresser les doctes paroles de la sagesse humaine, mais vous montrer l’Esprit de Dieu et sa vertu. » Et alors, dit Cartagène après le bienheureux Alain, saint Dominique leur expliqua la Salutation angélique par des comparaisons et des similitudes familières.)

15. Et le bienheureux Alain de la Roche, comme dit le même Cartagène, rapporte plusieurs autres apparitions de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge à saint Dominique pour le presser et l’animer de plus en plus à prêcher le saint Rosaire, afin de détruire le péché et de convertir les pécheurs et les hérétiques; il dit en un endroit: «Beatus Alanus dicit sibi a beata Virgine revelatum fuisse Christum Filium suum apparuisse post se sancto Dominico et ipsi dixisse: « Dominice, gaudeo quod non confidas in tua sapientia, sed cum humilitate potius affectas salvare animas quam vanis hominibus placere. Sed multi praedicatores statim volunt contra gravissima peccata instare, ignorantes quod ante gravem medicinam debet fieri praeparatio, ne medicina sit inanis et vacua: quapropter prius homines debent induci ad orationis devotionem et signanter ad psalterium meum angelicum; quoniam, si omnes coeperint hoc orare, non dubium est quin perseverantibus aderit pietas divinae clementiae. Praedica ergo psalterium meum. »»

(Le bienheureux Alain dit que la Sainte Vierge lui révéla que Jésus-Christ son Fils était apparu après elle à saint Dominique et lui avait dit: « Dominique, je me réjouis de voir que tu ne t’appuies pas sur ta propre sagesse, et que tu travailles avec humilité au salut des âmes, plutôt que de chercher à plaire aux hommes vains. Mais beaucoup de prédicateurs veulent tout de suite tonner contre les péchés les plus graves, ignorant qu’avant de donner un remède pénible, il faut préparer le malade à le recevoir et à en profiter. C’est pourquoi ils doivent d’abord exhorter leurs auditeurs à l’amour de l’oraison, et spécialement à mon angélique psautier; car si tous commencent à prier de la sorte, il n’est pas douteux que la divine clémence ne soit propice à ceux qui persévéreront. Prêche donc mon Rosaire. »)

16. Il dit dans un autre endroit: «Omnes sermocinantes et praedicantes christicolis exordium pro gratia impetranda a Salutatione angelica faciunt. Hujus rei ratio sumpta est ex revelatione facta beato Dominico cui beata Virgo dixit: « Dominice, fili, nil mireris quod concionando minime proficias. Enimvero aras solum a pluvia non irrigatum. Scitoque, cum Deus renovare decrevit mundum Salutationis angelicae pluviam praemisit; sicque ipse in melius est reformatus. — Hortare igitur homines in concionibus ad Rosarii mei recitationem, et magnos animarum fructus colliges. » Quod sanctus Dominicus strenue executus uberes ex suis concionibus animarum fructus retulit.»

(Tous les prédicateurs font dire aux chrétiens la Salutation angélique au commencement de leurs sermons pour obtenir la grâce divine. La raison en vient d’une révélation faite à saint Dominique par la bienheureuse Vierge. « Mon fils, lui dit-elle, ne t’étonne pas de ne pas réussir en tes prédications. Car tu laboures un sol qui n’a pas été arrosé par la pluie. Sache que, quand Dieu voulut renouveler le monde, il envoya d’abord la pluie de la Salutation angélique; et c’est ainsi que le monde fut réformé. Exhorte donc les hommes dans tes sermons à réciter mon Rosaire et tu en recueilleras de grands fruits pour les âmes. » Ce que saint Dominique ayant fait avec constance, ses prédications obtinrent un remarquable succès.)

17. J’ai pris plaisir à rapporter mot à mot ces passages latins de ces bons auteurs en faveur des prédicateurs et personnes savantes qui pourraient révoquer en doute la merveilleuse vertu du saint Rosaire. Pendant qu’à l’exemple de saint Dominique les prédicateurs prêchaient la dévotion du saint Rosaire, la piété et la ferveur fleurissaient dans les ordres religieux qui pratiquaient cette dévotion, et dans le monde chrétien; mais depuis qu’on eut négligé ce présent venu du ciel, on ne vit que péchés et que désordres partout.

4ème Rose

18. Comme toutes choses, même les plus saintes, quand particulièrement elles dépendent de la volonté des hommes, sont sujettes aux changements, il ne faut pas s’étonner si la confrérie du saint Rosaire n’a subsisté en sa première ferveur qu’environ cent ans, après son institution; ainsi, elle a été presque ensevelie dans l’oubli. Outre que la malice et l’envie du démon a sans doute beaucoup contribué à faire négliger le saint Rosaire pour arrêter le cours des grâces de Dieu que cette dévotion attirait au monde. En effet, la justice divine affligea tous les royaumes de l’Europe l’an 1349 de la plus horrible peste que l’on ait jamais vue, laquelle, du levant, se répandit dans l’Italie, l’Allemagne, la France, la Pologne, la Hongrie, et de là presque toutes ces terres furent dévastées, car de cent hommes à peine en restait-il un en vie; les villes, les bourgs, les villages et les monastères furent presque entièrement désertés pendant trois ans que dura cette contagion. Et ce fléau de Dieu fut suivi de deux autres: de l’hérésie des Flagellants et d’un malheureux schisme en 1376.

19. Après que, par la miséricorde de Dieu, ces misères eurent cessé, la Sainte Vierge ordonna au bienheureux Alain de la Roche, célèbre docteur et fameux prédicateur de l’ordre de Saint-Dominique du couvent de Dinan en Bretagne, de renouveler l’ancienne confrérie du saint Rosaire, afin que, comme cette célèbre confrérie avait pris naissance en cette province, un religieux de la même province eût l’honneur de la rétablir. Ce bienheureux Père commença à travailler à ce grand ouvrage l’an 1460, après particulièrement que Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme il rapporte de lui-même, lui ayant dit un jour dans la sainte Hostie, lorsqu’il célébrait la sainte Messe, afin de le déterminer à prêcher le saint Rosaire: «Quoi donc, lui dit Jésus-Christ, tu me crucifies encore derechef! — Comment, Seigneur? répondit le bienheureux Alain tout épouvanté. — Ce sont tes péchés qui me crucifient, lui répondit Jésus-Christ, et j’aimerais mieux être crucifié encore une fois que de voir mon Père offensé par les péchés que tu as autrefois commis. Et tu me crucifies encore à présent, parce que tu as la science et ce qui est nécessaire pour prêcher le Rosaire de ma Mère et par ce moyen instruire et retirer plusieurs âmes du péché; tu les sauverais et tu empêcherais de grands maux; et ne le faisant pas, tu es coupable des péchés qu’ils commettent.» Ces terribles reproches firent résoudre le bienheureux Alain de prêcher incessamment le Rosaire.

20. La Sainte Vierge lui dit aussi un jour, pour l’animer de plus en plus à prêcher le saint Rosaire: «Tu as été un grand pécheur en ta jeunesse, mais j’ai obtenu de mon fils ta conversion, j’ai prié pour toi et j’ai désiré, s’il eût été possible, toutes sortes de peines pour te sauver parce que les pécheurs convertis sont ma gloire, et pour te rendre digne de prêcher partout mon Rosaire.» Saint Dominique, lui découvrant les grands fruits qu’il avait faits parmi les peuples par cette belle dévotion qu’il leur prêchait continuellement, lui disait: «Vides quomodo profecerim in sermone isto; id etiam facies et tu, et omnes Mariae amatores, ut sic trahatis omnes populos ad omnem scientiam virtutum.» «Vois le fruit que j’ai fait par la prédication du saint Rosaire; faites-en de même, tu et tous les autres qui aimez la Sainte Vierge, afin que vous attiriez, par ce saint exercice du Rosaire, tous les peuples à la véritable science des vertus.»

Voilà en abrégé ce que l’histoire nous apprend de l’établissement du saint Rosaire par saint Dominique et de sa rénovation par le bienheureux Alain de la Roche.

5ème Rose

21. Il n’y a à proprement parler qu’une sorte de confrérie du Rosaire composé de 150 Ave Maria; mais par rapport à la ferveur des différentes personnes qui le pratiquent, il y en a de trois sortes, savoir: le Rosaire commun ou ordinaire, le Rosaire perpétuel et le Rosaire quotidien. La confrérie du Rosaire ordinaire n’exige qu’on le récite qu’une fois par semaine. Celle du Rosaire perpétuel qu’une fois par an, mais celle du Rosaire quotidien demande qu’on le dise tous les jours tout entier, c’est-à-dire 150 Ave Maria. Aucun de ces Rosaires n’engage à péché, pas même véniel, si on vient à y manquer, parce que cet engagement est tout à fait volontaire et de surérogation; mais il ne faut pas s’enrôler dans la confrérie si on n’a pas la volonté déterminée à le réciter selon que la confrérie le demande autant qu’on le pourra sans manquer aux obligations de l’état. Ainsi lorsque la récitation du saint Rosaire se trouve en concurrence avec une action à laquelle l’état engage, on doit préférer cette action au Rosaire, quelque saint qu’il soit. Lorsque dans la maladie on ne peut le dire ni tout entier ni en partie, sans augmenter son mal, on n’y est pas obligé. Lorsque par une obéissance légitime, ou par un oubli involontaire, ou par une nécessité pressante, on n’a pu le dire il n’y a aucun péché, même véniel; on ne laisse pas de participer aux grâces et aux mérites des autres frères et sœurs du saint Rosaire qui le disent dans le monde.

Chrétien, si vous manquez même de le dire par pure négligence, sans aucun mépris formel, vous ne péchez pas aussi, absolument parlant, mais vous perdez la participation des prières et des bonnes œuvres et mérites de la confrérie, et par votre infidélité en choses petites et de surérogation, vous tomberez insensiblement dans l’infidélité aux choses grandes et d’obligation essentielle; car: Qui spernit modica paulatim decidet (Si 19,1).

6ème Rose

22. Depuis le temps que saint Dominique a établi cette dévotion jusqu’à l’an 1460, que le bienheureux Alain de la Roche, par l’ordre du ciel, l’a renouvelée, on l’appelle le psautier de Jésus et de la Sainte Vierge, parce qu’elle contient autant de Salutations angéliques que le psautier de David contient de psaumes, et que, les simples et les ignorants ne pouvant pas réciter le psautier de David, on trouve dans la récitation du saint Rosaire un fruit égal à celui qu’on tire de la récitation des psaumes de David et même encore un plus abondant: 1º Parce que le psautier angélique a un fruit plus noble, savoir: le Verbe incarné, au lieu que le psautier de David ne fait que le prédire; 2º Comme la vérité surpasse la figure et le corps l’ombre, de même le psautier de la Sainte Vierge surpasse le psautier de David qui n’en a été que l’ombre et la figure; 3º Parce que la Sainte-Trinité a immédiatement fait le psautier de la Sainte Vierge ou le Rosaire composé du Pater et de l’Ave.

Voici ce que le savant Cartagène rapporte sur ce sujet: «Sapientissimus Aquensis, libro ejus de Rosacea Corona ad Imperatorem Maximilianum conscripto, dicit: Salutandae Mariae ritus novitiis inventis haud quaquam adscribitur. Si quidem cum ipsa pene ecclesia pullulavit; nam cum inter ipsa nascentis ecclesiae primordia, perfectiores quoque fideles tribus illis Davidicorum psalmorum quinquagenis, divinas laudes assidue celebrarent, ad rudiores quoque qui modo arctius divinis vacabant piis moris aemulatio est derivata… rati id quod erat, cuncta illorum sacramenta psalmorum in coelesti hoc elogio delitescere, si quidem eum quem psalmi venturum concinunt, hunc jam adesse, haec formula nuntiavit; sicque trinas salutationum quinquagenas « Mariae Psalterium » appellare coeperunt, oratione utique dominica in singulas decades ubique praeposita prout a psalmidicis observari ante adverterunt.»

(Le très savant écrivain d’Aix-la-Chapelle (J. Beyssel) dit dans son livre La Couronne de Roses dédié à l’empereur Maximilien: On ne peut pas soutenir que la salutation mariale soit une invention récente. Elle se répandit avec l’Église elle-même. En effet, aux toutes premières origines de l’Église, les fidèles plus instruits célébraient les louanges divines par la triple cinquantaine des Psaumes de David. Chez les simples, qui se heurtaient à plus de difficulté dans le service divin, naquit ainsi une sainte émulation… Ils pensèrent, ce qui est un fait, que dans cet éloge céleste (le Rosaire) sont inclus tous les divins secrets des Psaumes, et cela surtout parce que si les Psaumes le chantaient comme devant venir, cette formule de prière s’adressait à Lui comme étant déjà venu. C’est ainsi qu’ils commencèrent à appeler « Psautier de Marie » les trois cinquantaines de Salutations, faisant même précéder chaque dizaine de l’Oraison dominicale comme ils avaient vu faire à ceux qui récitaient les psaumes.)

23. Le psautier ou le Rosaire de la Sainte Vierge est divisé en trois chapelets de cinq dizaines chacun: 1º pour honorer les trois personnes de la Sainte-Trinité; 2º pour honorer la vie, la mort et la gloire de Jésus-Christ; 3º pour imiter l’Église triomphante, pour aider la militante et soulager la souffrante; 4º pour imiter les trois parties des psaumes dont la première est pour la vie purgative, la seconde pour la vie illuminative et la troisième pour la vie unitive; 5º pour nous remplir de grâce pendant la vie, de paix à la mort et de gloire dans l’éternité.

7ème Rose

24. Depuis que le bienheureux Alain de la Roche a renouvelé cette dévotion, la voix publique, qui est la voix de Dieu, lui a donné le nom de Rosaire qui signifie couronne de roses; c’est-à-dire que toutes les fois que l’on dit comme il faut son Rosaire, on met sur la tête de Jésus et de Marie une couronne composée de cent-cinquante-trois roses blanches et de seize roses rouges du paradis, lesquelles ne perdront jamais ni leur beauté ni leur éclat. La Sainte Vierge a approuvé et confirmé ce nom de Rosaire, révélant à plusieurs qu’ils lui présentaient autant d’agréables roses qu’ils réciteront d’Ave Maria en son honneur et autant de couronnes de roses qu’ils diront de Rosaires.

25. «Le frère Alphonse Rodriguez, de la Compagnie de Jésus, récitait son Rosaire avec tant d’ardeur qu’il voyait souvent, à chaque Pater, sortir de sa bouche une rose vermeille, et à chaque Ave Maria une blanche égale en beauté et en bonne odeur et seulement différente de couleur.

Les chroniques de saint François racontent qu’un jeune religieux avait cette louable coutume de dire tous les jours avant son repas la couronne de la Sainte Vierge. Un jour, par je ne sais quel accident, il y manqua; le dîner étant sonné, il pria le supérieur de lui permettre de la réciter avant que d’aller à table. Avec cette permission, il se retira dans sa chambre; mais comme il tardait trop, le supérieur envoya un religieux pour l’appeler.

Ce religieux le trouva dans sa chambre, tout éclatant d’une céleste lumière, et la Sainte Vierge avec deux anges auprès de lui; à mesure qu’il disait un Ave Maria, une belle rose sortait de sa bouche, les anges prenaient les roses l’une après l’autre et les mettaient sur la tête de la Sainte Vierge qui en témoignait de l’agrément. Deux autres religieux envoyés pour voir la cause du retardement des autres virent tout ce mystère, et la Sainte Vierge ne disparut point que la couronne ne fût récitée» (Antoine Boissieu, S.J., Le Chrétien prédestiné par la dévotion à la Sainte Vierge).

Le Rosaire est donc une grande couronne et le chapelet est un petit chapeau de fleurs ou petite couronne de roses célestes qu’on met sur la tête de Jésus et de Marie. La rose est la reine des fleurs, de même le Rosaire est la rose et la première des dévotions.

8ème Rose

26. Il n’est pas possible d’exprimer combien la Sainte Vierge estime le Rosaire sur toutes les dévotions et combien elle est magnifique à récompenser ceux qui travaillent à le prêcher, l’établir et le cultiver; et au contraire combien elle est terrible contre ceux qui veulent s’y opposer.

Saint Dominique n’a eu rien tant à cœur pendant sa vie que de louer la Sainte Vierge, de prêcher ses grandeurs et d’animer tout le monde à l’honorer par son Rosaire. Cette puissante Reine du ciel n’a cessé aussi de répandre sur ce saint des bénédictions à pleines mains; et elle a couronné ses travaux de mille prodiges et miracles, il n’a jamais rien demandé à Dieu qu’il ne l’ait obtenu par l’intercession de la Sainte Vierge; et, pour comble de faveur, elle l’a rendu victorieux de l’hérésie des Albigeois et fait père et patriarche d’un grand ordre.

27. Que dirai-je du bienheureux Alain de la Roche, réparateur de cette dévotion?

La Sainte Vierge l’a honoré plusieurs fois de sa visite pour l’instruire des moyens de faire son salut, de se rendre bon prêtre, parfait religieux et imitateur de Jésus-Christ.

Pendant les tentations et les persécutions horribles des démons qui le réduisaient à une extrême tristesse et presque au désespoir, elle le consolait et dissipait par sa douce présence tous ces nuages et ces ténèbres. Elle lui a enseigné la méthode de dire le Rosaire, ses excellences et ses fruits; elle l’a favorisé de la glorieuse qualité de son nouvel époux, et pour gage de ses chastes affections, elle lui a mis une bague au doigt, un collier fait de ses cheveux au col, et lui a donné un rosaire. L’abbé Tritème, le docte Cartagène, le savant Martin Navarre et les autres en parlent avec éloges.

Après avoir attiré à la confrérie du Rosaire plus de cent mille âmes, il mourut à Zwolle, en Flandre, le 8 septembre 1475.

28. «Le démon, jaloux des grands fruits que le bienheureux Thomas de Saint-Jean, célèbre prédicateur du saint Rosaire, faisait par cette pratique, le réduisit, par ses mauvais traitements, à une longue et fâcheuse maladie dans laquelle il fut désespéré des médecins. Une nuit qu’il croyait infailliblement mourir, le démon lui apparut sous une figure épouvantable; mais élevant dévotement les yeux et le cœur vers une image de la Sainte Vierge qui était près de son lit, il cria de toutes ses forces: « Aidez-moi, secourez-moi, ô ma très douce Mère! » A peine eut-il achevé ces paroles, que la Sainte Vierge lui tendit la main de la sainte image, lui serra le bras en lui disant: « Ne crains point, mon fils Thomas, me voici à ton secours; lève-toi et continue de prêcher la dévotion de mon Rosaire comme tu as commencé. Je te défendrai contre tous tes ennemis. » A ces paroles de la Sainte Vierge, le démon prit la fuite. Le malade se leva en parfaite santé, et il rendit grâces à sa bonne Mère avec un torrent de larmes, et continua de prêcher le Rosaire avec un succès merveilleux» (Rosier mystique, 9ème dizaine, ch. 8).

29. La Sainte Vierge ne favorise pas seulement les prédicateurs du Rosaire, elle récompense aussi glorieusement ceux qui, par leur exemple, attirent les autres à cette dévotion.

«Alphonse, roi de Léon et de Galice, désirant que tous ses domestiques honorassent la Sainte Vierge par le Rosaire, s’avisa, pour les y animer par son exemple, de porter un gros rosaire à son côté, mais sans le réciter pourtant: ce qui obligea tous les gens de sa cour à le dire dévotement.

Le roi tomba malade à l’extrémité et lorsqu’on le croyait mort, il fut ravi en esprit au tribunal de Jésus-Christ. Il vit les diables qui l’accusaient de tous les crimes qu’il avait commis et le juge étant sur le point de le condamner aux peines éternelles, la Sainte Vierge se présenta en sa faveur devant son Fils; on apporta une balance, on mit tous les péchés du roi dedans un bassin, et la Sainte Vierge mit le gros rosaire qu’il avait porté en son honneur et avec ceux qu’il avait fait dire par son exemple, qui pesa plus que tous ses péchés, et puis, le regardant d’un œil favorable, elle lui dit: « J’ai obtenu de mon Fils, pour récompense du petit service que tu m’as rendu en portant le rosaire, la prolongation de ta vie pour quelques années. Emploie-les bien, et fais pénitence. » Le roi, revenu de ce ravissement, s’écria: « O bienheureux Rosaire de la Sainte Vierge, par lequel j’ai été délivré de la damnation éternelle. » Après qu’il eut recouvré la santé, il passa le reste de sa vie dans la dévotion du saint Rosaire et le récitait tous les jours» (Rosier mystique, 9ème dizaine, ch. 8).

Que les dévots de la Sainte Vierge tâchent de gagner le plus qu’ils pourront de fidèles à la confrérie du saint Rosaire, à l’exemple de ces saints et de ce roi; ils auront ici-bas ses bonnes grâces et la vie éternelle. Qui elucidant me vitam aeternam habebunt (Si 24,31).

9ème Rose

30. Mais, voyons maintenant quelle injustice c’est d’empêcher le progrès de la confrérie du saint Rosaire et quels sont les châtiments dont Dieu a puni plusieurs malheureux qui ont méprisé et voulu détruire la confrérie du saint Rosaire.

Quoique la dévotion du saint Rosaire ait été autorisée du ciel par plusieurs prodiges et qu’elle soit approuvée de l’Église par plusieurs bulles des papes, il ne se trouve que trop de libertins, d’impies et d’esprits forts du temps, qui tâchent ou de décrier la confrérie du saint Rosaire, ou d’en éloigner du moins les fidèles. Il est aisé de connaître que leurs langues sont infectées du venin de l’enfer et qu’ils sont poussés par l’esprit malin; car nul ne peut désapprouver la dévotion du saint Rosaire, qu’il ne condamne ce qu’il y a de plus pieux dans la religion chrétienne, savoir: l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, les mystères de la vie, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa sainte Mère.

Ces esprits forts, qui ne peuvent souffrir qu’on dise le Rosaire, souvent tombent, sans y penser, dans le sens réprouvé des hérétiques qui ont en horreur le chapelet et le Rosaire.

C’est s’éloigner de Dieu et de la vraie piété que d’abhorrer les confréries, puisque Jésus-Christ nous assure qu’il se trouve au milieu de ceux qui sont assemblés en son nom. Ce n’est pas être bon catholique que de négliger tant et de si grandes indulgences que l’Église accorde aux confréries. Enfin c’est être ennemi du salut des âmes, de dissuader les fidèles d’être du saint Rosaire, puisque, par ce moyen, ils quittent le parti du péché pour embrasser la piété. Si saint Bonaventure a eu raison de dire que celui-là mourra en son péché et sera damné qui aura négligé la Sainte Vierge: Qui negligerit illam morietur in peccatis suis, quels châtiments doivent attendre ceux qui détournent les autres de sa dévotion!

10ème Rose

31. «Lorsque saint Dominique prêchait cette dévotion dans Carcassonne, un hérétique tournait en ridicule ses miracles et les 15 mystères du saint Rosaire, ce qui empêchait la conversion des hérétiques. Dieu, pour punir cet impie, permit à quinze mille démons d’entrer en son corps; ses parents l’amenèrent au bienheureux Père pour le délivrer de ces malins esprits. Il se mit en oraison et exhorta toute la compagnie de réciter avec lui le Rosaire tout haut, et voilà qu’à chaque Ave Maria, la Sainte Vierge faisait sortir cent démons du corps de cet hérétique en forme de charbons ardents. Après qu’il fut délivré, il abjura ses erreurs, se convertit et se fit enrôler en la confrérie du Rosaire avec plusieurs de son parti qui furent touchés de ce châtiment et de la vertu du Rosaire» (Rosier mystique, 9ème dizaine, ch. 10).

32. Le docte Cartagène, de l’ordre de Saint-François, avec plusieurs auteurs, rapporte que l’an 1482, lorsque le vénérable Père Jacques Sprenger et ses religieux travaillaient avec grand zèle à rétablir la dévotion et la confrérie du saint Rosaire dans la ville de Cologne, deux fameux prédicateurs, jaloux des grands fruits qu’ils faisaient par cette pratique, tâchaient de la décrier par leurs sermons, et comme ils avaient du talent, et un grand crédit, ils dissuadaient beaucoup de personnes de s’y enrôler; l’un de ces prédicateurs, pour mieux venir à bout de son pernicieux dessein, prépara un sermon exprès et l’assigna à un jour de dimanche. L’heure du sermon étant venue le prédicateur ne paraissait point; on l’attendit, on le chercha, et enfin on le trouva mort sans avoir été secouru de personne. L’autre prédicateur, se persuadant que cet accident était naturel, résolut de suppléer à son défaut pour abolir la confrérie du Rosaire. Le jour et l’heure du sermon étant arrivés, Dieu châtia ce prédicateur d’une paralysie qui lui ôta le mouvement et la parole. Il reconnut sa faute et celle de son compagnon, il eut recours à la Sainte Vierge dans son cœur, lui promettant de prêcher partout le Rosaire avec autant de force qu’il l’avait combattu. Il la pria de lui rendre pour cela la santé et la parole, ce que la Sainte Vierge lui accorda, et se trouvant subitement guéri il se leva comme un autre Saul, de persécuteur devenu défenseur du saint Rosaire. Il fit réparation publique de sa faute, et prêcha avec beaucoup de zèle et d’éloquence l’excellence du saint Rosaire.

33. Je ne doute point que les esprits forts et critiques de ce temps, qui liront les histoires de ce petit traité, ne les révoqueront en doute, comme ils ont toujours fait, quoique je n’aie fait autre chose que les transcrire de très bons auteurs contemporains et en partie dans un livre nouvellement composé par le Révérend Père Antonin Thomas, de l’ordre des frères prêcheurs, intitulé: Le Rosier mystique.

Tout le monde sait qu’il y a trois sorte de foi aux histoires différentes. Nous devons aux histoires de l’Écriture sainte une foi divine; aux histoires profanes qui ne répugnent point à la raison et écrites par de bons auteurs, une foi humaine; et aux histoires pieuses rapportées par de bons auteurs et nullement contraires à la raison, à la foi ni aux bonnes mœurs, quoiqu’elles soient quelquefois extraordinaires, une foi pieuse; j’avoue qu’il ne faut être ni trop crédule ni trop critique, et qu’il faut tenir le milieu en tout pour trouver le point de la vérité et de la vertu; mais aussi je sais que, comme la charité croit facilement tout ce qui n’est point contraire à la foi ni aux bonnes mœurs: Caritas omnia credit (1 Co 13,7), de même l’orgueil porte à nier presque toutes les histoires bien avérées, sous prétexte qu’elles ne sont point dans l’Écriture sainte.

C’est le piège de Satan, où les hérétiques qui nient la tradition sont tombés, et où les critiques du temps tombent insensiblement, ne croyant pas ce qu’ils ne comprennent pas, ou ce qui ne leur revient pas, sans aucune autre raison que l’orgueil et la suffisance de leur propre esprit.

Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire – Introduction

INTRODUCTION

Rose blanche

Aux prêtres

1. Ministres du Très-Haut, prédicateurs de la vérité, trompettes de l’Évangile, permettez-moi de vous présenter la rose blanche de ce petit livre pour mettre en votre cœur et en votre bouche les vérités qui y sont exposées simplement, sans politesse.

En votre cœur, pour entreprendre vous-mêmes la sainte pratique du Rosaire et en goûter les fruits.

En votre bouche, pour prêcher aux autres l’excellence de cette sainte pratique et les convertir par ce moyen. Prenez garde, s’il vous plaît, de regarder comme le vulgaire, et même comme plusieurs savants orgueilleux, cette pratique comme petite et de peu de conséquence; elle est vraiment grande, sublime et divine. C’est le ciel qui nous l’a donnée, il l’a donnée pour convertir les pécheurs les plus endurcis et les hérétiques les plus obstinés. Dieu y a attaché la grâce dans cette vie et la gloire dans l’autre. Les saints l’ont pratiquée et les souverains Pontifes l’ont autorisée.

Oh! qu’un prêtre et un directeur des âmes est heureux, à qui le Saint-Esprit a révélé ce secret inconnu de la plus grande partie des hommes ou qui ne le connaissent que superficiellement! S’il en reçoit la connaissance pratique, il le récitera tous les jours et le fera réciter aux autres. Dieu et sa sainte Mère verseront abondamment la grâce en son âme pour être un instrument de sa gloire; et il fera plus de fruit par sa parole, quoique simple, en un mois, que les autres prédicateurs en plusieurs années.

2. Ne nous contentons donc pas, mes chers confrères, de le conseiller aux autres; il faut que nous le pratiquions nous-mêmes. Nous pourrons être convaincus dans l’esprit de l’excellence du saint Rosaire, mais comme nous ne le pratiquerons point, on se mettra fort peu en peine de ce que nous conseillerons, car personne ne donne ce qu’il n’a pas: Coepit Jesus facere et docere (Ac 1,1). Imitons Jésus-Christ, qui a commencé par faire ce qu’il a enseigné. Imitons l’Apôtre, qui ne connaissait et ne prêchait que Jésus-Christ crucifié.

C’est ce que nous ferons en prêchant le saint Rosaire qui, comme vous verrez ci-après, n’est pas seulement une composition de Pater et d’Ave, mais un divin abrégé de la vie, de la passion, de la mort et la gloire de Jésus et Marie.

Si je croyais que l’expérience que Dieu m’a donnée de l’efficace de la prédication du saint Rosaire pour convertir les âmes pût vous déterminer à prêcher le saint Rosaire malgré la mode contraire des prédicateurs, je vous dirais les conversions merveilleuses que j’ai vues arriver en prêchant le saint Rosaire; mais je me contente de vous rapporter en cet abrégé quelques histoires anciennes et bien approuvées. J’ai seulement, en votre faveur, inséré plusieurs passages latins tirés de bons auteurs qui prouvent ce que j’explique au peuple en français.

Rose rouge

Aux pécheurs

3. C’est à vous, pauvres pécheurs et pécheresses, qu’un plus grand pécheur que vous offre cette rose rougie du sang de Jésus-Christ pour vous fleurir et vous sauver. Les impies et pécheurs impénitents crient tous les jours: Coronemus nos rosis (Sg 2,8): Couronnons-nous de roses. Chantons aussi: Couronnons-nous des roses du saint Rosaire.

Ah! que leurs roses sont bien différentes des nôtres; leurs roses sont leurs plaisirs charnels, leurs vains honneurs et leurs richesses périssables, qui seront bientôt flétries et pourries; mais les nôtres, qui sont nos Pater et nos Ave bien dits, joints avec nos bonnes œuvres de pénitence, ne se flétriront, ni ne passeront jamais et leur éclat sera aussi brillant en cent mille ans d’ici qu’à présent.

Leurs roses prétendues n’ont que l’apparence de roses, elles ne sont, dans le fond, que des épines piquantes pendant la vie par les remords de la conscience, perçantes à la mort par le repentir et brûlantes à toute éternité par la rage et le désespoir.

Si nos roses ont des épines, ce sont des épines de Jésus-Christ qui convertit nos épines en roses. Si nos roses piquent, elles ne piquent que pour un temps, elle ne piquent que pour nous guérir du péché et nous sauver.

4. Couronnons-nous à l’envi de telles roses du paradis, récitant tous les jours un Rosaire, c’est-à-dire trois chapelets de cinq dizaines chacun ou trois petits chapeaux de fleurs ou couronnes: 1º pour honorer les trois couronnes de Jésus et de Marie, la couronne de grâce de Jésus dans son incarnation, sa couronne d’épines dans sa passion et sa couronne de gloire dans le ciel, et la triple couronne que Marie a reçue dans le ciel de la très sainte Trinité; 2º pour recevoir de Jésus et de Marie trois couronnes, la première de mérite pendant la vie, la seconde de paix à la mort et la troisième de gloire dans le paradis.

Si vous êtes fidèles à le dire, malgré la grandeur de vos péchés, dévotement jusqu’à la mort, croyez-moi: Percipietis coronam immarcescibilem (1 P 5,4), Vous recevrez une couronne de gloire qui ne se flétrira jamais. Quand vous seriez sur le bord de l’abîme, quand vous auriez déjà un pied dans l’enfer, quand vous auriez vendu votre âme au diable comme un magicien, quand vous seriez un hérétique endurci et obstiné comme un démon, vous vous convertirez tôt ou tard et vous sauverez, pourvu que, je le répète et remarquez les paroles et les termes de mon conseil, vous disiez tous les jours le saint Rosaire dévotement jusqu’à la mort pour connaître la vérité et obtenir la contrition et le pardon de vos péchés. Vous verrez en cet ouvrage plusieurs histoires de grands pécheurs convertis par la vertu du saint Rosaire. Lisez-les pour les méditer.

Dieu seul.

Rosier mystique

Aux âmes mystiques

5. Vous ne trouverez pas mauvais, âmes dévotes et éclairées par le Saint-Esprit, que je vous donne un petit rosier mystique venu du ciel pour planter dans le jardin de votre âme; il n’endommagera pas les fleurs odoriférantes de vos contemplations. Il est très odoriférant et tout divin, il ne gâtera rien dans l’ordre de votre parterre; il est très pur et bien ordonné, il porte tout à l’ordre et à la pureté: il croît d’une hauteur si prodigieuse et devient d’une si grande étendue, si on l’arrose et si on le cultive comme il faut tous les jours, que non seulement il n’empêche pas, mais même il conserve et perfectionne toutes les autres dévotions. Vous qui êtes spirituelles, vous m’entendez bien! Ce rosier est Jésus et Marie dans la vie, dans la mort et dans l’éternité.

6. Les feuilles vertes de ce rosier mystique expriment les mystères joyeux de Jésus et de Marie; les épines, les douloureux; et les fleurs, les glorieux. Les roses en boutons sont l’enfance de Jésus et de Marie; les roses ouvertes représentent Jésus et Marie dans les souffrances, et les roses épanouies montrent Jésus et Marie dans leur gloire et leur triomphe. La rose réjouit par sa beauté: voilà Jésus et Marie dans les mystères joyeux; elle pique par ses épines: les voilà dans les mystères douloureux; et elle réjouit par la suavité de son odeur: les voilà enfin dans les mystères glorieux.

Ne méprisez donc pas ma plante heureuse et divine, plantez-la vous-mêmes en votre âme en prenant la résolution de réciter votre Rosaire; cultivez-la et arrosez-la en le récitant fidèlement tous les jours et en faisant de bonnes œuvres, et vous verrez que ce grain qui paraît présentement si petit deviendra avec le temps un grand arbre où les oiseaux du ciel, c’est-à-dire les âmes prédestinées et élevées en contemplation, feront leur nid et leur demeure pour être, sous l’ombre de ses feuilles, garanties des ardeurs du soleil, pour être préservées par sa hauteur des bêtes féroces de la terre, et enfin pour être délicatement nourries par son fruit qui n’est autre que l’adorable Jésus, auquel soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. Ainsi soit-il.

Dieu seul.

Bouton de rose

Aux enfants

7. Je vous offre, mes petits enfants, un beau bouton de rose; c’est un des petits grains de votre chapelet qui vous paraît si peu de chose! Que ce grain est précieux! Oh! que ce bouton de rose est admirable, oh! qu’il s’épanouira large si vous dites dévotement votre Ave Maria! Ce serait trop vous demander que de vous conseiller un Rosaire tous les jours. Dites au moins votre chapelet tous les jours bien dévotement, qui est un petit chapeau de roses que vous mettrez sur la tête de Jésus et de Marie. Croyez-moi, écoutez la belle histoire et la retenez bien.

8. «Deux petites filles, toutes deux sœurs, étant à la porte de leur logis à dire le chapelet dévotement, une belle dame s’apparut à elles, approche de la plus jeune qui n’avait que six à sept ans, la prit par la main et l’emmène. Sa sœur aînée, toute étonnée, la cherche et ne l’ayant pu trouver s’en vint toute éplorée à la maison et dit qu’on avait emporté sa sœur. Le père et la mère cherchèrent inutilement pendant trois jours. Au bout du troisième jour, ils la trouvèrent à la porte avec un visage gai et joyeux; ils lui demandèrent d’où elle venait; elle dit que la dame à laquelle elle disait son chapelet l’avait emmenée dans un beau lieu et lui avait donné à manger de bonnes choses et lui avait mis entre les bras un joli petit enfant qu’elle avait tant baisé. Le père et la mère, qui étaient nouvellement convertis à la foi, firent venir le révérend père jésuite qui les avait instruits dans la foi et la dévotion du Rosaire, ils lui racontèrent ce qui s’était passé. C’est de lui que nous l’avons su. Ceci est arrivé dans le Paraguay» (Antoine Boissieu, S.J., Le Chrétien prédestiné par la dévotion à la Sainte Vierge).

Imitez, mes petits enfants, ces petites filles, et dites comme elles tous les jours votre chapelet, et vous mériterez par là d’aller en paradis et de voir Jésus et Marie, sinon pendant la vie, du moins après la mort pendant l’éternité. Ainsi soit-il.

Que les savants donc et les ignorants, que les justes et les pécheurs, que les grands et les petits louent et saluent jour et nuit par le saint Rosaire Jésus et Marie.

Salutate Mariam, quae multum laboravit in vobis (Rm 16,6).

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La vision de l’enfer de saint Jean Bosco

Saint Jean Bosco
Saint Jean Bosco

Saint Jean Bosco Saint Jean Bosco (1816-1888), fondateur des Salésiens, est un prêtre italien qui a voué sa vie à l’éducation des jeunes enfants issus de milieux défavorisés. Il a été déclaré saint par l’Église en 1934. Favorisé de faveurs célestes tout au cours de sa vie, il fut un travailleur infatigable et un père spirituel pour les pauvres garçons. Tout au long de sa vie, il a eu de nombreux rêves mystiques profonds qui ont aidé à diriger ses pas. Voici un de ces rêves, qu’il raconta à ses garçons le dimanche 3 mai 1868. Comme on le verra à la toute fin, ce rêve n’était pas simplement le fruit de son imagination, mais une vision de la réalité, une grâce que Dieu lui a faite pour nous permettre de mieux comprendre les fins dernières, et la réalité de l’enfer :

par saint Jean Bosco

Une nuit, à peine étais-je assoupi, qu’un grand personnage, c’était un ange, me réveilla en songe pour m’accompagner vers une plaine sans fin, déserte et aride. Après l’avoir traversée, nous nous engageâmes le long d’une voie belle, large, spacieuse et bien pavée, qui allait en descendant entre deux magnifiques haies verdoyantes et couvertes de roses. Nous marchions au milieu des fleurs quand, sur la même voie, je vis s’avancer vers moi tous les jeunes de l’Oratoire (l’école dirigée par saint Jean Bosco) qui s’approchaient avec hâte. Mais, tandis que je les observais, je vis avec peine qu’une fois l’un, une fois l’autre, tombait et qu’ils étaient ensuite entraînés par une force mystérieuse vers une descente épouvantable qui aboutissait à l’embouchure d’une fournaise effroyable.

Don Bosco : Mais pourquoi ces pauvres petits tombent-ils ?

L’Ange : Approche-toi pour mieux observer !

Don Bosco : Mais qu’est cela ? Des ficelles ? En tout cas elles sont bien cachées ! Et ces nœuds coulants ? Mais ce sont de véritables pièges ! (Se relevant et s’adressant aux garçons qui approchaient) : Attention vous allez vous faire prendre !

Pour se libérer ils sautaient de côté, puis se livraient à une course folle vers l’invisible gouffre. Qui était enlacé par la tête, qui par le cou, qui par la main, par un bras ou par une jambe, et ils étaient alors tous tirés subitement vers l’abîme. Les lassos posés sur le sol ressemblaient à une toile d’araignée et les jeunes qui s’y empêtraient étaient presque tous précipités à terre.

L’Ange : Ces lassos symbolisent le respect humain. Tire ce fil tu verras où il aboutit.

J’obéis et je constatai que j’étais entraîné par ce fil qui finissait au bord d’un épouvantable gouffre. Je tirai de toutes mes forces, et j’en sortis peu à peu un énorme monstre qui agrippait avec ses ongles l’extrémité d’une corde à laquelle étaient attachés tous ces lassos. Dès que quelque malhabile tombait dans les mailles, ce monstre dégoûtant l’attirait immédiatement à lui. C’était un démon, qui tendait les lassos pour faire tomber les élèves de l’Oratoire en enfer. J’observai attentivement et je pus lire sur chaque lasso son nom: lasso de l’orgueil, de la désobéissance, de l’envie, de l’impureté, du vol, de la gourmandise, de la colère et de la paresse. Je remarquai en outre que les lassos les plus dangereux étaient ceux de la malhonnêteté, de la désobéissance et de l’orgueil. D’ailleurs, à ce dernier étaient liés également les deux autres.

Don Bosco : Mais pourquoi vont-ils si vite ? Certains jeunes courent beaucoup plus précipitamment que les autres !

L’Ange : Parce qu’ils sont tirés par les lassos du respect humain !

En regardant encore plus attentivement, je vis de nombreux couteaux disposés ça et là entre ces lassos et qui servaient à les trancher. Le couteau le plus gros servait à couper le lasso de l’orgueil et on pouvait lire dessus : « Méditation ». Il y avait également deux épées dont l’une symbolisait la fréquente communion et l’autre la dévotion à Notre Dame. Je vis en outre un marteau : la confession. Grâce à ces moyens, quelques jeunes soit arrivaient à rompre les lassos dans lesquels ils étaient pris au piège, soit arrivaient à les éviter.

Nous étions alors arrivés à un vallonnement dont les pentes cachaient à nos regards tout ce qu’il y avait en arrière. La route continuait à descendre et devenait de plus en plus horrible, desséchée et pleine de cailloux et de ronces qui nous déchiraient… Nous arrivâmes alors au fond d’une vallée obscure. De ces noires profondeurs sortait un immense édifice aux portes grandes et closes.

Après plusieurs dégringolades, j’atteignis le fond de ce gouffre et je me sentis opprimé par une chaleur suffocante et une fumée dense qui s’élevaient de ces murailles avec des tourbillons de flammes.

Don Bosco : Où nous trouvons-nous ? Ces murailles paraissent plus hautes qu’une montagne. Qu’est-ce que cet édifice ?

L’Ange (avec un air de mystère) : Lis l’inscription sur cette porte de bronze incandescent et tu comprendras.

Don Bosco (frissonnant) : « Lieu d’où l’on ne revient pas ». (Se tournant vers l’Ange) : Nous sommes donc à la porte de l’enfer !

Alors l’Ange m’accompagnant pour faire le tour des murailles cyclopéennes de cette énorme forteresse. A distance régulière apparaissaient des portes de bronze semblables à la première, portant une nouvelle inscription :

« Éloignez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel préparé pour le diable et ses anges ! Tout arbre qui ne portera pas de fruit sera coupé et jeté au feu ! »

Don Bosco : Nous voici revenus à la première porte.

L’Ange : Recule-toi et observe.

Tout tremblant, je levai donc les yeux et je découvris avec effroi un jeune qui, de loin, descendait vers le fond de ce précipice. Il avait les cheveux en bataille et tendait les bras en avant. Évidemment il aurait voulu s’arrêter, mais n’y réussissait pas. Il heurtait du pied pierres et racines, qui, au lieu de le retenir, le faisaient débouler.

Don Bosco : Mais c’est un de mes garçons! (Tendant les bras pour l’aider). Attends, j’arrive !

L’Ange : Non, laisse faire la vengeance de Dieu !

Ce pauvre enfant se précipita donc jusqu’au fond. Et là, son front alla heurter la porte de bronze qui, à ce coup, s’ouvrit aussitôt. Derrière elle, dans un long grondement, des milliers d’autres s’ouvrirent qui, toutes, cédaient sous le coup de ce malheureux qui était comme aspiré par une irrésistible force. A travers toutes ces portes ouvertes je pus voir une horrible fournaise dans laquelle ce jeune s’enfonça en soulevant des éclaboussures de feu. Alors les portes se refermèrent avec un bruit assourdissant, aussi rapidement qu’elles s’étaient ouvertes.

Je vis ensuite se précipiter dans ce gouffre trois jeunes que j’avais éduqués. Ils roulaient comme des pierres à toute vitesse l’un derrière l’autre, tendant les bras en avant et hurlant de frayeur. Arrivés en bas ils heurtèrent la porte de bronze et je pus alors les reconnaître. La porte s’ouvrit et, derrière elle toutes les autres. Les trois jeunes s’enfoncèrent dans le long couloir en hurlant toujours. Ils disparurent dans la fournaise et les portes se refermèrent dans un fracas infernal.

Beaucoup d’autres se précipitèrent ainsi et je pus même voir un pauvre garçon poussé par un mauvais camarade. Certains tombaient seuls, d’autres en compagnie. Chacun portait écrit sur le front le péché qui le condamnait. Je les appelai par leur nom mais personne ne m’entendait.

L’Ange : Voici donc la cause de tant de damnations: les mauvais compagnons, les mauvais livres, les mauvaises habitudes.

Don Bosco (fatigué) : Il est donc inutile de nous donner tant de mal dans nos écoles, si tant de jeunes doivent ensuite finir aussi misérablement… N’avez-vous pas de remède pour empêcher la ruine de tant d’âmes ?

Alors l’Ange m’avertit que quelques autres jeunes, vivant dans les mêmes conditions, se damneraient s’ils venaient à mourir.

Don Bosco : Laissez-moi donc noter tout cela pour pouvoir les avertir et les remettre ensuite sur la voie du Ciel.

L’Ange : Crois-tu que certains, bien qu’avertis et repris, se corrigeraient ? Peut-être que tes premiers avertissements les impressionneraient, mais ils penseraient ensuite qu’il s’agit d’un songe et deviendraient donc pire qu’avant.

Don Bosco : Il n’y aura donc aucun remède pour tant de malheureux inconscients ? Suggérez-moi quelque chose pour les sauver…

L’Ange : Quel meilleur conseil leur donner que d’obéir à leurs supérieurs et de fréquenter les sacrements avec les bonnes dispositions nécessaires ?

Pendant que je parlais avec l’Ange une nouvelle bande de jeunes tomba, et sous leurs coups, la porte de bronze s’ouvrit de nouveau…

L’Ange : Maintenant, allons visiter l’intérieur !

Don Bosco : Oh non ! Et puis, il faut que je retourne à l’Oratoire avertir les jeunes de tout ce que j’ai vu.

L’Ange : Viens d’abord, tu apprendras tellement de vérités ! Veux-tu entrer seul ou désires-tu que je t’accompagne ?

Don Bosco : Là-dedans tout seul ? Et qui me montrerait le chemin du retour ? Allons-y donc ensemble sinon c’est sûr que je n’entre pas. (…)

L’Ange ouvrit le pesant portail et, à travers un couloir, nous parvînmes à une considérable caverne fermée par un immense cristal du sol jusqu’à la voûte et à travers lequel on pouvait voir l’intérieur. Après avoir jeté un regard, je reculai effaré de découvrir une immense caverne qui se perdait dans des anfractuosités pleines de feu jusqu’aux entrailles de la montagne rendue incandescente par l’intense chaleur. Les murs, la voûte, le sol, le fer, les pierres et le charbon, tout brûlait mais rien ne se consumait, rien ne tombait en cendre.

Pendant que j’observais tout cela avec horreur, voici qu’un jeune se précipita comme un bolide, hurlant à pleine gorge. Il tomba dans ce lac de bronze en fusion où il resta, immobile. Je le regardai avec peine : c’était un élève de l’Oratoire.

Don Bosco : Mais pourquoi ne change-t-il pas au moins de position ? Comment brûle-t-il ainsi sans se consumer ?

L’Ange : Ne connais-tu pas l’évangile de St Marc : « Tous seront salés par le feu, comme toute victime est salée par le sel ? » Regarde et tu en seras convaincu.

Et de fait ce malheureux brûlait comme une torche humaine et ne se consumait pas. Peu après, un autre jeune se précipita dans la même caverne où il demeura immobile comme une statue. Après lui, encore d’autres, avec le même cri, qui s’immobilisaient à brûler dans d’horribles plaintes. Le premier avait une main tendue vers le haut et un pied en l’air, comme il était tombé; le second était prostré sur l’horrible lac, un autre avait le visage plongé dans le bronze en fusion, un autre le cou. Ces malheureux, fixés dans des attitudes diverses étaient comme pétrifiés après leur chute, dans les situations les plus misérables.

« Là où le bois tombe, là il restera : comme on tombe en enfer, ainsi on y reste éternellement ».

Don Bosco : Mais lorsqu’ils couraient si rapidement, ne savaient-ils pas devoir finir ici-bas ?!

L’Ange : Oh oui ils le savaient, ils avaient été avertis si souvent ! Mais ils n’ont pas détesté le péché, ils n’ont pas voulu l’abandonner, c’est ainsi qu’ils se sont précipités volontairement. Parce qu’ils ont méprisé la miséricorde de Dieu qui les appelait à la pénitence, maintenant la justice divine les châtie de leur obstination dans le mal. (…)

Don Bosco : Mais comment est-il possible que tous ceux que je trouve ici soient damnés ? Quelques-uns d’entre eux étaient à l’Oratoire, hier soir encore, en pleine santé…

L’Ange : Tous ceux que tu vois ici sont tous morts à la grâce de Dieu et donc, s’ils succombaient maintenant dans leur impénitence, ils se damneraient. Mais continuons.

Confession
Saint Jean Bosco nous dirait aujourd’hui: «Toi qui lis ces lignes, confesse-toi bien, pour rester en état d’amitié avec Dieu, et ne pas aller en enfer!

Nous poursuivîmes, pensifs, le long d’un lugubre couloir qui descendait vers un profond souterrain sur l’entrée duquel était écrit :

« Leur ver ne meurt pas et le feu ne s’éteint pas »

« Le Seigneur tout puissant livrera leurs chairs au feu et aux vers afin qu’ils brûlent et souffrent pour toute l’éternité »

Et là nous assistâmes à l’affreux spectacle de ceux qui ressentaient le remords de ne pas avoir correspondu à la bonne éducation qu’on leur avait donnée à l’école ou en famille. Le souvenir de tous les moyens de salut qu’ils avaient négligés, des bonnes résolutions de se corriger qu’ils n’avaient pas maintenues, des bienfaits et de toutes les grâces reçues, tout cela leur déchirait le cerveau. Toutes les bonnes intentions non exécutées pavaient l’enfer en autant de pierres incandescentes. (…)

Mon guide me prit par la main et me mena jusqu’au seuil d’une immense salle avec des portes de cristal. Sur les parois, à distance régulière, pendaient de longues tentures qui couvraient autant de pièces communiquant avec la caverne.

L’Ange montra à Don Bosco une tenture sur laquelle était écrit : « Sixième commandement, l’impureté »

L’Ange : C’est l’impureté qui cause la ruine de nombreux jeunes !

Don Bosco : Mais ne s’étaient-ils pas confessés ?

L’Ange : Si, mais quelques-uns font des confessions sacrilèges et taisent ces fautes lors de l’accusation parce qu’ils en ont honte; d’autres les accusent de manière à ne pas se faire totalement comprendre du confesseur et d’autres encore s’en confessent, mais ensuite ne maintiennent pas leur promesse de se corriger et continuent à pécher. Et pourtant cette vertu angélique plaît tellement à Notre Seigneur et à Marie Immaculée… D’autres enfin, non seulement n’ont pas la volonté de se corriger, mais n’ont même pas la douleur d’avoir offensé Dieu et ils vont de mal en pis… Évidemment, comment celui qui meurt dans de telles conditions pourrait résoudre le problème de son salut éternel ? Seuls ceux qui se sont vraiment repentis de cœur et se sont confessés avec les bonnes dispositions, peuvent mourir avec l’espoir de se sauver éternellement. Admire maintenant la miséricorde de Dieu !

Ayant dit cela d’un ton prophétique, l’Ange leva la tenture derrière laquelle je pus voir un groupe d’élèves de l’Oratoire que je connaissais bien et qui avaient été condamnés pour des fautes d’impureté. Parmi eux, quelques-uns se comportaient pourtant apparemment bien. J’en restai péniblement surpris.

Don Bosco : Mais pourquoi ont-ils été condamnés ? Et comment pourrais-je les sauver ?

L’Ange : Ils ont été condamnés parce qu’ils sont coupables, malgré leur apparente innocence. Ce sont des sépulcres blanchis, comme Jésus appelait les pharisiens qui lui tendaient des embûches en faisant montre de leur rectitude apparente, tandis qu’ils étaient détestables pour leurs vices et leurs péchés. Il faut donc les démasquer et les pousser à se comporter bien, non seulement à l’extérieur, mais aussi dans leur cœur pour ne plus être hypocrites. Je te recommande de prêcher par-dessus tout et toujours contre l’immodestie. Il faut que tes jeunes soient particulièrement modestes dans leurs regards, leurs pensées, leurs affections, leurs attitudes et leurs actions. Il faut des prières et des sacrifices, y compris de ta part. Pour convertir ceux qui ont dévié, il faut les instruire et les convaincre que le salut éternel est le plus important problème à résoudre sur terre d’épreuves. Seuls ceux qui vivent dans la grâce de Dieu occupent bien leur temps, les autres le gaspillent et mettent ainsi leur âme en danger. Il faut les sacrements pour habituer les jeunes au contrôle d’eux-mêmes, pour remédier à leurs chutes par une prompte réhabilitation, pour les sortir de leur puanteur et leur rendre l’amitié divine, pour leur conserver cette amitié céleste avec l’assistance maternelle de Notre Dame. Regarde cette autre tenture. (…)

Je regardai et je lus : « Racine de tous les maux »

Don Bosco : Est-ce l’orgueil ?

L’Ange : Non, la désobéissance est la racine de tous les maux. Il suffit de se rappeler le péché d’Adam et Eve. Il faut exhorter tes jeunes à la docilité envers leurs supérieurs, car ils représentent Dieu. Il faut leur dire que celui qui obéit aux représentants de Dieu, non seulement fait la divine volonté, mais acquiert encore des mérites continuels pour le Ciel. S’ils deviennent vraiment dociles ils réussiront à devenir exemplaires et vraiment vertueux. Insiste à leur montrer que l’obéissance à Dieu, à l’Église, aux parents et aux supérieurs, y compris dans les plus petites choses, les préservera du péché, les enrichira de mérites et leur acquerra la gloire pour toute l’éternité.

Peu après, l’Ange m’accompagna vers la sortie, mais avant de passer la dernière porte de bronze incandescent il me dit :

L’Ange : Maintenant que tu as vu les tourments des autres, il convient que toi aussi tu fasses un peu l’expérience de l’enfer. Touche donc cette muraille ! Sache que mille autres la séparent encore du lieu où brûle vraiment l’enfer. Cette muraille est donc distante des millions et des millions de fois du vrai feu de l’enfer.

Don Bosco : Certainement, mais je ne la toucherai quand même pas : je ne veux pas me brûler !

L’Ange me saisit alors la main droite et à peine eut-elle effleuré la muraille que je la retirai brutalement en jetant un énorme cri. Alors, avec surprise, je me retrouvai dans le lit où j’avais vécu ce songe, mais j’avais pourtant fortement mal à la main. Le matin elle était toute gonflée et, ensuite, la peau tomba comme si elle avait réellement subi une forte brûlure.

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Révélations sur le jugement particulier de certaines âmes

Pour notre salut, Dieu voulut que sainte Brigitte (1303-1373) assistât au jugement particulier de certaines âmes, lui ordonnant d’écrire ce qu’elle verrait, ce qu’elle fit en ses Révélations (Seguin Aine, Avignon, 1850, t.4. p.128+), dont voici quelques extraits : « J’ai plusieurs enfants, c’est-à-dire des chrétiens, qui sont pris dans les lacets du démon. Je veux leur envoyer mes Paroles par votre entremise. Si Je vous montrais la beauté, l’éclat des anges et des âmes bienheureuses, votre corps ne les saurait supporter, il se romprait de la joie que votre âme recevrait de cette vue. De même, si vous voyiez les damnés comme ils sont, vous mourriez subitement d’effroi à raison de leur horreur. Vous verrez donc les choses spirituelles comme si elles étaient corporelles. Tout vous sera représenté avec similitude, car vous ne pourriez autrement comprendre. »

« … La Très Sainte Vierge Marie dit à sainte Brigitte :

Je suis la Mère de Miséricorde, je veux montrer par similitude la peine du péché, afin que les amis de Dieu soient fervents en son Amour, et que les pécheurs, sachant le danger, fuient le péché. Il n’y a pas de pécheur si coupable que je ne sois prête à aller au-devant, et à qui mon Fils ne soit disposé à donner la Grâce et à pardonner, s’il demande Miséricorde.

I

Sainte Brigitte vit une femme qui rampait par terre, dans une boue infecte, et dont le cœur était arraché, les lèvres coupées, les narines rongées, et les yeux suspendus à deux nerfs tombant sur les joues. Elle n’avait plus de crâne et son cerveau bouillait comme du plomb fondu. Son cou était coupé sans relâche par un fer très aigu ; sa poitrine ouverte était pleine de vers qui grouillaient l’un sur l’autre. Un serpent l’enserrait, courait sans cesse par tout l’intérieur, ne lui laissant ni trêve ni repos, et l’infiltrait de son venin.

Et cette infortunée criait à sa fille encore vivante :

« Entends, lézarde et fille maudite ! Malheur à moi qui ai été votre mère et qui vous ai mise au nid de l’orgueil où vous croissez, malheur à moi ! Autant de fois vous tournez les yeux superbement sur quelqu’un comme je vous ai enseigné, vous jetez à mes yeux un venin tout bouillant, avec une intolérable ardeur. Chaque fois que vous proférez des paroles orgueilleuses ainsi que vous m’en avez entendu proférer, j’avale des breuvages horribles.

« Quand vous écoutez les louanges sur votre corps bien proportionné et désirez les honneurs du monde, ce que vous avez appris de moi, autant de fois frappe à mes oreilles un son terrible avec un vent. Et d’autant que j’ai fait toutes choses pour l’amour du monde et pour la vanité, mes oreilles entendront toujours cet horrible fracas, et jamais les mélodies célestes. Malheur à moi, misérable, assaillie de tant de maux, et plongée pour toujours dans une irrémédiable infortune !

« Vous vous enorgueillissez de votre haute naissance, et les entrailles qui vous ont portée sont la proie des démons. Comme les vôtres, mes désirs ne tendaient qu’à tout ce qui est pourriture et ordure, à la longue vie dans les mêmes passe-temps.

« Mais pourquoi me plaindre à vous, ma fille ? Vous ne faites que ce que je vous ai enseigné de faire. J’étais créée pour la Gloire céleste et belle comme un ange. Je me suis rendue difforme en abusant de tout ; j’ai perdu le temps qui m’était donné, fuyant les prédications comme de la poix, de peur qu’elles ne me détournassent des délices corporels. Et si quelquefois, pour le respect des hommes, j’entendais la Parole de Dieu, elle sortait aussitôt de mon cœur.

Et néanmoins, ma conscience me disait que le temps était court, le Jugement de Dieu effroyable ; mais le désir de me satisfaire répliquait faussement que le jugement de la Fureur divine n’était pas si sévère et que ma vie serait longue. Ces suggestions renversaient ma conscience, et je suivais mes désirs mauvais pour lesquels je souffre pour l’Eternité tant de maux. »

Et s’adressant à sainte Brigitte, l’infortunée lui dit :

« Si vous me voyiez véritablement comme je suis, vous mourriez d’effroi, car tous mes membres sont des démons. L’Écriture est vraie qui dit que les justes sont membres de Dieu ; de même, les pêcheurs sont membres du diable. Les démons sont comme cloués à mon âme, ils me rongent sans jamais se rassasier. Ma fille, en suivant ma malice, augmente la peine qui ne cessera point. Ma douleur, mon malheur, jamais ne s’adouciront. Ma conscience entend et ressent que le Jugement de Dieu est juste. Ma volonté est maintenant comme l’homicide et le parricide : je désire toutes sortes de maux à mon Créateur qui m’a été si doux, si bon durant ma vie, usant de mille industries pour me ramener à Lui. Et je me réjouis d’une joie de démons, prenant sa source en un infini désespoir, de ce qu’Il n’aura pas de consolation de moi. »

La fille de cette malheureuse mère, après le récit de sainte Brigitte, quitta le monde, entra dans un monastère et fit pénitence tout le temps de sa vie avec grande perfection.

II

Sainte Brigitte eut la vision terrible du jugement d’un homme et d’une femme qui s’étaient unis dans un mariage interdit par l’Eglise, et furent condamnés à l’Enfer.

« Je vis, dit-elle, un homme dont les yeux étaient arrachés et pendaient aux joues par de petits nerfs. Il avait les oreilles comme d’un chien, la bouche ainsi qu’un loup farouche… une femme était auprès de lui, les cheveux comme un buisson d’épines ; ses yeux étaient au derrière de la tête, ses oreilles coupées, son nez plein de pourriture, sa langue un aiguillon venimeux. »

Et l’ange dit à la sainte :

« Les cheveux de cette femme ressemblent à un buisson d’épines car les cheveux qui ornent sa face signifient la volonté qui désire plaire à Dieu, et cette volonté orne et enrichit l’âme ; mais la volonté de cette femme était de plaire au monde plus qu’à Dieu. Ses yeux sont au derrière de sa tête car elle les détournait du but que Dieu lui fixa en la créant, la rachetant et la favorisant de diverses manières. Elle ne voulut regarder que les choses passagères jusqu’à ce qu’elles se soient évanouies de sa présence. Ses oreilles sont coupées, car elle se souciait peu du Saint Evangile. Elle enlaçait le cœur de son compagnon et le provoquait au mal plus durement et plus cruellement que par la morsure du serpent. Elle et lui s’éloignaient des prédications de peur d’avoir à considérer comment ils pouvaient se retirer du péché, et avec la Grâce de Dieu faire de bonnes œuvres.

« Cet homme ne se souciait nullement du Nom et de l’Honneur de Dieu ; il désirait ce que les autres possédaient ; il se courrouçait et, dans sa colère, il ne s’inquiétait point que les âmes tombassent en Enfer pourvu qu’il se vengeât. Et jusque dans la mort, il a voulu retenir ce qu’il a pris à autrui. »

Le démon s’avança, un trident à la main, et à l’un de ses pieds, trois griffes aiguës d’une longueur extrême.

« Ô Juge, dit-il, c’est maintenant mon heure, j’ai attendu, mais mon temps est venu. »

Et le Juge ordonna ainsi aux coupables : « Dites ce que vous avez fait, bien que je le sache. »

L’homme répondit : « Nous connaissions la défense que l’Eglise fait de tels mariages, mais nous l’avons méprisée. Bien que nous sachions que nous offensions Dieu, nous avons enfreint ses Commandements. »

Le Juge : « Je vous avais donné une conscience pour vous guider et remplir votre vie de mérites ; que M’apportez-vous maintenant ? »

La femme répondit lamentablement : « Juge ! Nous n’avons cherché que les délices de la terre, et nous n’apportons que la confusion misérable : nous aurions voulu la vie perpétuelle avec la félicité mondaine ; nous ne désirions pas le Ciel, préférant jouir du monde selon nos souhaits. »

Le juge dit au bourreau : « Rendez ce qui est juste. »

Et le démon enfonça la deuxième de ses griffes dans les entrailles de tous deux et les déchira effroyablement.

Le juge : « Je vous avais donné des talents, des biens. Où est le trésor que Je vous avais prêté pour le faire fructifier ? »

Et tous deux, d’une voix dont rien ne saurait dire ni plaindre le désespoir : « Nous l’avons foulé aux pieds, car nous cherchions un trésor terrestre et non un Trésor éternel. »

Le Juge dit au bourreau : « Donnez ce que vous devez rendre. »

Et le démon enfonça à l’instant sa troisième griffe dans leur cœur, leurs entrailles et leurs pieds, de sorte qu’ils ne ressemblaient plus qu’à un bloc informe.

Et le juge dit à sainte Brigitte :

« Ma fille, ceux là méritent pareils éternels supplices, qui s’éloignent de leur Créateur pour la créature et méprisent mes Commandements. Réjouissez-vous, ma fille, réjouissez-vous, mes fidèles, de ce que vous êtes séparés de telles choses ! »

IV

Sainte Brigitte étant en prières, vit un palais d’une grandeur incommensurable, où se trouvait une multitude d’hommes aux vêtements éclatants. Il y avait sur un trône, en ce palais, comme dans un soleil, un Juge, et la splendeur qui sortait du soleil était incompréhensible en longueur, largeur et profondeur. La très Sainte Vierge était debout auprès de ce soleil.

Un démon terrible à voir et qui marquait en ses gestes être plein d’envie et enflammé d’une grande colère, criait afin de pouvoir tourmenter à son gré un homme qui, vivant encore, n’avait plus que quelques instants à vivre.

« Ô Juge ! Voyez les œuvres mauvaises de cet homme, jugez-le, car il lui reste peu de temps à vivre. Et permettez-moi de punir le corps avec l’âme jusqu’à ce que la réparation en soit faite ! »

L’ange gardien de cet homme intervint : Ô Juge ! Voici les bonnes œuvres qu’il a faites jusqu’à cette heure ! »

Le Juge : « Il y a là plus de vices que de vertus. Il n’est pas juste et équitable que le vice soit uni à la souveraine Vertu. »

Le démon : « Il est donc juste que cette âme me soit unie, car elle a quelques vices en elle. De même qu’en moi, il y a toutes sortes de méchancetés. »

L’ange : « La Miséricorde de Dieu suit jusqu’au dernier moment de la vie, et après la mort le jugement se fait. Or, en cet homme, l’âme et le corps sont unis, et le libre-arbitre et la raison ne l’ont pas encore abandonné. »

Le démon : « L’Ecriture dit : vous aimerez Dieu sur toutes choses et le prochain comme vous-même. Voyez donc que toutes les œuvres de celui-ci sont faites sans amour, et quant aux péchés dont il s’est confessé, c’est avec une très petite contrition ; il mérite l’Enfer car il a démérité le Paradis. »

L’ange : « Il a certainement espéré obtenir la contrition avant de mourir. »

Le démon : « La Justice de Dieu, de toute l’Eternité, veut qu’aucun n’entre au Ciel sans avoir eu la parfaite contrition, laquelle il n’a pas. Il est impossible que Dieu juge contre l’Ordre et la Disposition qu’Il a prévus de toute Eternité. Donc, il faut que cette âme soit adjugée à l’Enfer, et la joindre avec moi aux peines éternelles. »

L’ange ne sut rien objecter à ces paroles… Et l’on vit une multitude de démons, qui criaient tous à Celui qui était assis sur le trône :

« Nous savons que vous êtes un Dieu en Trois Personnes, sans commencement ni fin ; rien n’a joie sans Vous qui êtes l’Amour et la Miséricorde, mais vous êtes aussi la Justice : pas une âme sans la contrition n’a obtenu le Ciel. Pourquoi donc, ô Juge, tardez-Vous à nous adjuger cette âme afin que nous la punissions selon ses œuvres ? »

Soudain, un son éclatant comme une trompette se fit entendre, et une voix prononça ces mots : « Silence ! Ecoutez, ô vous, anges ! Prêtez oreille aussi, démons ! Entendez ce que dit la Mère de Dieu ! »

Et à l’instant, la divine Marie parut devant le trône du Juge, et là, ayant ouvert les deux cotés de son manteau, on aperçut des femmes, des hommes, des religieux, tous amis de Dieu. Ils criaient d’une même voix disant : « Ô Dieu miséricordieux ! Miséricorde pour cette âme ! »

Puis, il se fit un grand silence et l’auguste Vierge parla :

« L’Écriture dit que celui qui a la Foi parfaite peut transporter des montagnes, que peuvent donc faire ces voix des justes qui ont l’Amour ? Que feront les amis de Dieu pour cet homme qui leur a demandé de prier Dieu, afin qu’il pût éviter l’Enfer et obtenir le Ciel ? Il les a libéralement secourus, ne demandant d’autre récompense que leurs prières pour obtenir le Ciel. Et moi, j’ajouterai ma prière à leur prière. »

Alors, parla le Juge :

« Pour les prières de ma Mère et de mes amis, cet homme obtiendra avant de mourir la contrition parfaite, de sorte qu’il ne descendra point en Enfer ; mais il sera purifié avec ceux qui, ayant commis de grands péchés, endurent de grandes peines dans le Purgatoire. Et cette âme étant purifiée, aura la récompense du Ciel avec ceux qui, sur terre ont eu la Foi et l’Espérance, avec quelque petite Charité. »

Ces choses étant dites, les démons s’enfuirent.

Peu après cette vision, sainte Brigitte vit un lieu fort terrible. C’était une fournaise ardente, large et profonde comme une mer, où le feu n’avait autre chose à brûler que les démons et les âmes toutes vivantes ; et sur cette fournaise, apparut l’âme dont nous avons vu le jugement. Or, les pieds de cet homme étaient comme attachés à la fournaise et le feu se poussait vers eux, ainsi que l’eau poussée en haut par le tuyau, de sorte que ses pores étaient comme des veines ouvertes d’où sortait le feu. Ses yeux étaient enfoncés, ses dents comme des clous de fer attachés au palais, ses bras étaient si tendus qu’ils allaient jusqu’aux pieds, et de ses mains gouttaient une poix ardente. De la peau, qui semblait être sur l’âme comme sur un corps, procédait une puanteur si horrible qu’on ne saurait la comparer à la plus infecte, à la plus pernicieuse puanteur.

Ayant donc vu cette effroyable calamité, sainte Brigitte entendit la voix de cet homme, qui criait avec un déluge de larmes :

« Malheur ! Malheur ! Malheur ! Malheur que j’aie aimé si peu Dieu pour ses grandes Perfections et les Grâces dont Il me comblait. Malheur que je n’aie pas considéré la Passion qu’Il souffrit avec grand Amour pour l’homme ! Malheur à moi de n’avoir pas craint sa Justice comme je le devais ! Malheur à moi d’avoir aimé les plaisirs de mon corps qui m’ont conduit au péché ! Malheur à moi pour mon orgueil et mon ambition des richesses ! Malheur à moi de vous avoir connus, ô Louis et Jeanne ! »

L’ange dit à sainte Brigitte : « L’Enfer brûle de telle sorte que, si tout ce qui au monde brûlait, il n’entrerait pas en comparaison de la violence de ce feu. On entend de cette fournaise sortir d’horribles voix, toutes contre Dieu, et toutes commencent par : Malheur ! Et finissent par Malheur ! Le supplice de cet homme au-dessus de l’Enfer est très cruel et doit durer jusqu’à la fin du monde, s’il n’est pas secouru par ses amis. »

Et avec force, l’ange ajouta : « Béni soit celui qui étant sur terre, vient au secours des âmes par des prières, ses œuvres et par le travail de son corps. La Justice de Dieu ne peut mentir, elle dit que les âmes peuvent être soulagées et affranchies par ces moyens. »

En ce moment, on entendit plusieurs voix qui du Purgatoire, suppliaient lamentablement : « Ô Seigneur Jésus-Christ ! Juste Juge ! imploraient-elles, envoyez votre Amour et votre Charité en ceux qui vivent au monde. Que Dieu récompense ceux qui nous envoient du secours ! »

V

Sainte Brigitte entendait une fille criant à sa mère, qui vivait encore :

« Ecoutez, ma mère : Malheur à moi ! Vous m’avez montré un visage doux mais vous avez été pour moi un bourreau. Vous m’avez cruellement pressé le cœur en me donnant de mauvais conseils et de mauvais exemples.

« Le premier conseil a été de m’attacher à plaire, à aimer et à être aimée selon le monde, à vivre avec joie corporelle. Le deuxième a été de dépenser prodigalement les biens pour avoir le repos, les plaisirs et pour l’honneur du monde.

« Vous m’avez appris une façon et mode de m’habiller avec un décolletage savant, des gants façonnés à mes mains, des souliers mignons aux pieds et mille artifices de la vanité, toutes choses odieuses à Dieu. Ma superbe fut brillante, et l’ostentation, fille de la superbe, donna tant d’éclat à mes yeux que je fus aveuglée sur ma fin dernière que je ne considérais point.

« Vous m’avez appris à faire quelques bonnes œuvres sans quitter le péché, et que je vivrais longtemps ; que l’heure de la mort n’approcherait point, que je pouvais pécher sans avoir une grande peine.

« Je me confessais, et par l’humilité de la confession, j’avançais d’un pas ; puis, soudain, je retombais comme celui qui chemine sur la glace, car je voulais le péché, appuyant, selon votre conseil, mes espérances en mes œuvres, sans que jamais j’aie considéré la Justice divine et que mes péchés étaient grands et mes bonnes œuvres fort petites.

« Et la maladie et la mort prompte arrivèrent, et les démons me saisirent, me donnèrent de grandes peines et douleurs, et j’étais moquée avec une confusion insupportable.

« Malheur donc à moi, ô ma mère, car tout ce que j’ai appris de vous avec joie, je le pleure maintenant avec amertume ! »

Et s’adressant à sainte Brigitte, l’infortunée ajouta :

« Vous qui ne pouvez me voir dans mon véritable état, entendez : ma tête et ma face sont un tonnerre qui fulmine au-dedans ; mon col est dans une presse garnie de clous ; mes bras et mes pieds sont comme des serpents ; mes veines sont pleines d’un vent violent : elles se serrent dans le cœur et éclatent à cause de sa fureur.

« Mes épaules, ma gorge, ma poitrine sont rongées, dévorées sans relâche, ce qui montre la vraie Justice divine, car elles offensèrent la pudeur, et mon cœur était lié aux choses passagères.

« Néanmoins, je suis en la voie de la Miséricorde, car la mort s’approchant, la considération de la Passion de Jésus-Christ me vint à l’esprit, et qu’elle était beaucoup plus douloureuse que la maladie dont je souffrais ; et je dis : Ô Seigneur ! Je crois que Vous êtes mon Dieu, ayez Miséricorde de moi, ô Fils de la Vierge, pour l’Amour de votre amère Passion. J’amenderai maintenant ma vie si j’en ai le temps.

« Et soudain, je fus illuminée d’une étincelle de Charité en mon cœur, de sorte que la Passion de Jésus me semblait plus amère que ma souffrance… Je mourus aussitôt et mon âme vint aux mains des démons pour être présentée au Jugement de Dieu, car il était indigne que les anges d’un grand éclat et d’une grande beauté portassent mon âme si difforme.

« Or, au Jugement de Dieu, les démons criant que mon âme fût condamnée à l’Enfer, puisqu’elle avait vécu pour les biens temporels, ne voulant prendre garde à ce que mon Rédempteur avait fait pour moi, le Juge répondit :

« Je vois une étincelle de Charité en son cœur, et partant, je condamne l’âme à être purifiée dans les tourments jusqu’à ce que l’étant dignement, elle mérite de Me posséder. »

« Par cette grande Miséricorde, et bien que je regorge de douleurs et de maux, je suis au lieu de l’Espérance. »

VI

Sainte Brigitte voyait un Jugement, l’âme d’homme qui, sur la terre, avait été comblé de prospérités, et il était damné. Cette âme avait la forme d’un horrible animal ; elle ressemblait au démon qui l’accusait devant le Juge :

« Donnez-moi, ô Juge, cette âme, puisque vous êtes juste. Vous l’aviez créée des ferveurs de votre Amour, et elle Vous était semblable ; mais ayant méprisé votre Douceur et vos Préceptes, elle est devenue semblable à moi. »

Le Juge répondit : « Bien que Je sache toutes choses, néanmoins, dites pour ma fille (sainte Brigitte), quel droit y avez-vous ? »

Le démon : « Cet homme avait des yeux et n’a jamais voulu voir ce qui concernait le salut de son âme ; les choses spirituelles ne lui plurent jamais, il s’amusait aux choses temporelles. Tout ce qu’il faisait, qui avait quelque apparence que c’était pour l’Amour de Vous, c’était pour l’honneur du monde. Il avait des oreilles, mais ne voulait rien entendre de ce qui revenait à votre Gloire. Sa bouche était ouverte à toutes les suavités et cajoleries du monde, et close à la prière et à vos Louanges. Il ne Vous aima jamais ni ne prit goût à vos Avertissements ; il n’approcha jamais de Vous par Amour ni par bonnes œuvres. Sa volonté fut toujours contraire à vos Commandements et sa cupidité était sans borne. Donnez-moi cette âme qui m’est semblable. »

Alors, un des anges approcha et dit au Juge :

« Seigneur Dieu ! Après que cette âme fut unie au corps, je la suivis toujours et ne m’en séparai point tant que je trouvai en elle quelque bien. Cet homme fut uni au mariage à une femme qu’il aimait tendrement et garda la fidélité du mariage parce qu’il l’aimait et non pour votre Amour, ne considérant en rien l’Honneur de Dieu et l’accomplissement de ses Volonté. Il entendait des Messes et assistait aux Offices, non par esprit de dévotion, mais afin qu’il ne fût pas séparé des chrétiens et noté par eux. Son cœur était en tout rebelle à Dieu et obéissant à la chair. Il se rendait néanmoins à l’Eglise afin d’obtenir de Vous la santé corporelle et que Vous lui conservassiez les richesses et les honneurs du monde. Ô Seigneur ! Vous avez plus donné à cet homme qu’il ne Vous a servi sur terre. Vous lui avez donné la santé, des enfants remarquables ; Vous lui avez conservé les richesses et l’avez protégé des infortunes qu’il redoutait. Vous lui avez donné cent pour un, et tout ce qu’il a fait de bien a été récompensé en prospérités temporelles, comme il le voulait uniquement. Or, maintenant, je le laisse comme un sac vide de tout bien. »

« Donc, ô Juge, reprit le démon, adjugez-le-moi. Je suis plein de malice et je n’ai pas été racheté, cet homme est comme un autre moi. Vous avez dit que nul ne devait en rien tromper son prochain, et cet homme l’a fraudé et trompé. Vous avez dit que nul ne doit aimer la créature par-dessus son Créateur, or, cet homme a aimé toutes choses, hors Vous. Il a vendu l’Amour de Dieu pour son amour-propre. »

Le Juge : « Pourquoi vous réjouissez vous tant de la perte d’une âme ? »

Le démon : « A cause de l’envie enragée qui me déchire. Quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; mais Vous l’avez rachetée par votre Sang et l’avez tellement aimée que Vous Vous êtes donné à elle. Quand je la puis arracher de Vous, je me réjouis. »

Le Juge s’adressant à l’âme :

« Que dites-vous de vous-même ? »

L’âme, avec de grandes larmes, répondit :

« Ma conscience profère mon jugement ; il faut que je suive aux peines ceux-là dont je suivis les suggestions sur terre. »

Et soudain sept démons s’approchèrent et le prince des démons ordonna :

« Vous, esprit de superbe, vous avez possédé cette âme dedans et dehors, entrez en elle et serrez-la si fortement que le cerveau, les yeux, les os, tout s’écoule et se fracasse.

« Vous, esprit de cupidité, entrez en elle avec un venin très ardent, et comme un plomb fondu, brûlez-là misérablement. Qu’elle soit riche des confusions éternelles et des malheurs qui n’auront jamais de fin.

« Vous, esprit de rébellion et de mépris de la Religion, elle vous a plutôt obéi qu’à Dieu, entrez en elle, comme un glaive très aigu qui perce le cœur sans en sortir jamais.

« Vous, esprit de gourmandise, brisez-la de vos dents, déchirez-la sans cesse et sans la consommer ; elle a consenti à toutes les intempérances.

« Vous esprit de vaine gloire, entrez en elle et ne sortez jamais de sa bouche. Que toute la joie et l’honneur qu’elle cherchait au monde, soient changés en pleurs, misères et hontes éternelles. »

Les démons emportèrent leur proie et disparurent sauf le prince des démons.

***

Et voici qu’une âme, comme une brillante étoile montait de la terre au Ciel, et le Juge dit au démon :

« Regarde, Je te le permets. »

En voyant la lumineuse étoile, le démon resta muet. Notre Seigneur reprit :

« A qui est-elle semblable ? »

Le démon reprit avec rage : « Elle est plus luisante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée, elle est toute pleine de douceur et moi, je suis plein de malice et d’envie. »

« Que ferais-tu pour qu’elle fût en ta puissance ? »

Le démon répondit avec force : « Je descendrais du plus haut du Ciel jusqu’à l’Enfer pour l’avoir en ma puissance. »

« Ta malice est grande contre mes élus, et Moi, Je suis si charitable que, s’il était besoin, Je mourrais encore une fois pour chaque âme, et J’endurerais pour chacune d’elles le même supplice que J’ai enduré sur la Croix pour toutes les âmes. »

Le démon s’enfuit, et alors Notre Seigneur dit à cette âme bienheureuse qu’on voyait comme une étoile monter de la terre au Ciel :

« Venez, ma bien-Aimée, jouir du Bonheur ineffable que vous avez tant désiré, venez à Moi, quittant le monde semblable à la douleur et à la peine et en qui tout est misère. Venez à notre Dieu et Seigneur, venez à la Douceur qui ne finira jamais. »

Et s’adressant à sainte Brigitte, Notre Seigneur lui dit :

« Cette âme que vous voyez rayonnante comme une étoile, en s’approchant du dernier moment de sa vie, vint en Purgatoire, et ce Purgatoire était son corps dans lequel elle a été purifiée par ses douleurs et ses infirmités. Sa joie a commencé dans la tristesse, et la voilà pour toujours dans les contentements indicibles, sans mesure et sans fin.

« Savez-vous, ma fille, pourquoi je vous montre ces choses ? C’est afin que les bons voient la récompense et que les mauvais, sachant cet horrible jugement, se convertissent. »

***

Une dame, célèbre par sa beauté et ses élégances, suivait en tout ses fantaisies et abhorrait la confession… Atteinte d’une tumeur à la gorge, elle mourut sans se confesser. Au jugement de Dieu, tous les démons l’accusaient, criant au Juge : « Voici cette femme qui a voulu se cacher de Vous, et être connue de nous ! »

Le Juge : « La confession est une bonne blanchisseuse. Puisqu’elle n’a pas voulu s’humilier devant un seul, qu’elle soit confondue devant tous et noircie de vos immondices. Elle méprisait l’étendard de ma Croix en disant : ‘À quoi cela me sert-il ? Qu’il satisfasse ici mes appétits et mes désirs et garde Son Royaume et Son Ciel. J’aime mieux les perdre que de quitter mes volontés.’

Pour le bien qu’elle a fait, elle a reçu dans le monde sa récompense, car elle ne méritait pas d’être affligée sur terre, mais ses tourments sont éternels ; d’autant qu’elle aurait désiré vivre éternellement pour pécher éternellement […]. Dites à ma fille (Sainte Brigitte) quel supplice a mérité cette âme qui a plus aimé la créature que le Créateur, recherchant les plaisirs et se souciant plus du monde que de Dieu.

Pour la superbe qu’elle a eue en tous ses membres, sa tête, ses bras, ses mains, ses pieds sont allumés d’un feu horrible. Les serpents l’environnent, la rongent, la déchirent sans cesse avec désolation continuelle. Ses entrailles sont misérablement tourmentées, comme si avec une grande force, on s’efforçait d’y planter un pal. Ses pieds avec lesquels elle se portait aux délices, sont comme des rasoirs aigus qui la taillent incessamment. »

***

Sainte Brigitte vit un prince à qui les démons préparaient quatre chambres par lesquelles il fallait qu’il passât.

Dans la première, il fut accablé d’un poids écrasant et il s’écria en pleurant : « Malheur à moi, d’avoir plus aimé ce qui est beau que ce qui est utile, d’avoir eu la vertu en haine, les bons exemples et les prédications en aversion, car j’avais résolu en mon cœur de suivre mes volontés, ne me souciant ni de croire ni de connaître la Vérité ! Il est donc juste que je sois abattu sous le talon du diable. »

Dans la deuxième chambre, un torrent de poix et de flammes roula sur lui, et il gémit horriblement : « Malheur à moi ! Malheur éternellement ! J’ai aimé d’être aimé, loué, exalté, fuyant les opprobres, n’aimant que moi-même, considérant les péchés comme rien. Et maintenant, me voilà abreuvé du torrent des douleurs. »

Dans la troisième chambre, il sentit une puanteur insupportable ; des serpents venimeux l’enveloppèrent et ses hurlements redoublèrent : « Malheur ! Malheur ! Malheur ! J’ai aimé les douceurs, les parfums, les vêtements somptueux, les festins délicats. Je repoussais l’abstinence que je comprends maintenant être très utile. Je vivais selon les désirs de mon corps, ne voulant accepter ni privation ni peine. Il est juste que j’endure ce supplice. »

Dans la quatrième chambre, il entendit un son terrible et une voix : « La récompense de votre orgueil est que vous tombiez d’un démon dans un autre jusqu’à ce que vous soyez plongé au plus profond abîme de l’Enfer. Pour toutes vos pensées, vos paroles inutiles et nuisibles, pour vos mauvaises œuvres, vous subirez éternellement la violence des supplices. »

Et l’âme cria lamentablement : « Oh ! Que mérité est mon châtiment ! Que je suis terriblement triste ! Je savais par ma conscience que l’homme doit rendre compte, mais je pensais que Dieu était grand en Miséricorde et que je ferais pénitence en ma vieillesse. Et les douleurs, avant la mort, m’ont tellement accablée que je perdis mémoire et volonté. Et maintenant, je vois que Celui qui promettait de Se donner Lui-même à moi sous les espèces du Pain eucharistique est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs. Je refusais de croire que sous une espèce si petite, une chose si grande, si sublime, put être indicible et admirable. Malheur à moi ! Malheur ! Malheur que je sois né ! Malheur ! Malheur ! »

Et Notre Seigneur dit à sainte Brigitte : « Voilà, ô ma fille, comment sont frappés ceux qui Me méprisent et violent Mes commandements ; voilà quelles peines et quelles douleurs ils achètent par des bagatelles et des petits et passagers plaisirs. Mes paroles leur sont insupportables, et s’ils font quelque bien, ils n’ont d’autre affection ni intention, sinon que les biens temporels leur soient accrus ; ils ne demandent et ne désirent rien si chèrement. Je leur donne ce qu’ils demandent et les récompense en cette vie présente… Sachez ma fille, que Je ne parle pas pour vous seule, mais pour tous les chrétiens : l’homme rendra compte de la moindre maille ; il rendra compte de tous les moments, de chaque denier, des pensées en détail et des paroles, s’il ne les amende point par contrition et pénitence. Véritablement, ma fille, J’en ferai exact jugement. »

« Or, Je vous le dis : de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront compte au Jour du Jugement. (Mt 12.36) » ; « En vérité, Je te le dis, tu ne sortiras pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou. (Mt 5.26) »

***

Un jour qu’elle priait pour les morts, sainte Brigitte vit l’âme d’un gentilhomme décédé depuis quatorze ans. Cette âme avait la forme d’une bête sauvage, qui avait autant de cornes que les autres bêtes ont ordinairement de crins. Cette bête était étendue sur une ouverture qui aboutissait à l’Enfer, et qui était comme un soupirail, en sorte qu’elle serait tombée dedans, sans un pieu mis en travers, sur lequel elle était couchée. En cet état, elle recevait les brûlantes vapeurs de l’Enfer et participait ainsi aux peines de ce lieu d’horreur et de supplices ; elle souffrait des douleurs inexprimables, ne recevant nul soulagement des suffrages de l’Église.

La sainte apprit de Dieu que ce gentilhomme étant sur terre, avait beaucoup péché par sa fierté et son orgueil, qui étaient excessifs. Le pieu qui lui servait d’appui et l’empêchait seul de tomber dans le gouffre de l’Enfer, représentait quelques mouvements de pénitence et de bonne volonté qu’il avait eus étant dans le monde, et qui, fortifiés de la Miséricorde divine, l’avaient garanti du malheur éternel.

Dieu ayant imprimé, par cette vue, dans le cœur de Brigitte, une forte compassion pour l’infortuné, elle s’adressa au Cœur divin par une ardente prière pour le soulagement de cette âme. Aussitôt, l’horrible peau de bête se fendit, et l’âme en sortit couverte de taches, mais faisant paraître beaucoup de joie, parce qu’elle était enfin en état d’avoir part aux Suffrages de l’Église.

***

Sainte Brigitte vit son ange gardien qui priait pour elle. Le Seigneur dit à l’ange : « Vous demandez Miséricorde pour celle que Je vous ai confiée. Dites-Moi en sa présence ce que vous désirez pour elle, car il y a trois sortes de miséricordes :

  • L’une épargne la peine au corps et à l’âme. C’est l’état de ceux qui croient en Moi et font quelques bonnes actions avec l’intention d’obtenir des biens temporels, considérant peu les choses célestes, et les abandonnant avec joie afin d’obtenir les choses présentes. Je récompense le bien qu’ils font, et jusqu’à la dernière maille, d’une récompense mondaine et temporelle ; mais dans l’éternité, ils ne sortiront jamais du supplice.
  • Par la deuxième miséricorde, le corps et l’âme sont affligés. C’est l’état de ceux qui tombent dans le péché, mais se relèvent. Je permets qu’ils aient des tribulations au corps ou à l’âme afin qu’ils soient sauvés. Néanmoins, ils auront à acquitter dans le Purgatoire.
  • La troisième miséricorde, c’est quand le corps et l’âme sont châtiés. C’est l’état de ceux qui aimeraient mieux souffrir de grandes peines, avec Mon aide, que de provoquer Ma colère. À ceux-ci sont données les tribulations corporelles et spirituelles, comme à saint Pierre, saint Paul et à mes autres saints, afin qu’ils soient purifiés dans le temps. Quiconque entrera dans le Ciel devra avoir été purifié par l’eau ou par le feu… L’eau, c’est-à-dire par une épreuve journalière, par quelque médiocre labeur de pénitence sur terre… Le feu, en l’autre vie, dans le Purgatoire. Donc, maintenant ô mon Ange, mon Serviteur, que demandez-vous pour celle que Je vous ai confiée ? »

L’Ange répondit : « Je demande pour elle la miséricorde de la correction ; je demande les tribulations du corps et de l’âme, afin qu’elle purifie en cette vie par cette eau salutaire toutes ses fautes, et qu’aucun péché ne vienne en jugement. »

TÉMOIGNAGE DE SŒUR LUCIE DE FATIMA :
« Lorsque la Vierge Marie disait les dernières paroles (« Sacrifiez-vous pour les pécheurs… »), Elle ouvrit de nouveau les mains comme les deux fois précédentes. Le faisceau de lumière projeté sembla pénétrer la terre et nous[2] vîmes comme une mer de feu. En ce feu étaient plongés, noirs et brûlés, des démons et des âmes sous forme humaine, ressemblant à des braises transparentes noires et bronzées. Soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, elles retombaient de tous les côtés comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu de grands cris et de gémissements de douleur et de désespoir qui faisaient frémir et trembler d’épouvante. Ce fut probablement à cette vue que je poussai l’exclamation d’horreur qu’on dit avoir entendue.

Les démons se distinguaient des humains par leurs formes terribles et dégoûtantes d’animaux épouvantables et inconnus, mais transparents comme des charbons embrasés. Cette vue dura un instant et nous devons remercier notre bonne Mère du Ciel qui, d’avance, nous avait prévenus par la promesse de nous prendre au Paradis. Autrement, je crois, nous serions morts de terreur et d’épouvante. (Autobiographie, au 13.07.1917) »

DE SAINT PIERRE-JULIEN EYMARD :
« Or, comment se fait-il que Dieu, qui est si bon, puisse condamner à l’Enfer éternel une de ses créatures qu’Il a faite dans l’amour, un de ses enfants qu’Il a tant aimé ? Il est pourtant vrai, qu’après la mort Il est sans miséricorde ! Il y a peu d’élus, a-t-on dit ; des deux chemins qui conduisent l’un à la vie et l’autre à la mort, le premier est peu suivi, le second couvert de monde ! D’après ces paroles, la majeure partie des hommes sera damnée. Quand l’Évangile ne le donnerait pas à entendre, ce que nous voyons parle assez fort pour le faire comprendre. (Écrits et sermons, DDB, 1972, p. 276) ».

DE SAINT ANTOINE-MARIE CLARET :
« Je me dis souvent : il est de foi qu’il y a un Ciel pour les bons et un Enfer pour les mauvais ; il est de foi que les peines de l’Enfer sont éternelles ; il est de foi qu’il suffit d’un seul péché mortel pour offenser un Dieu infini. Me rendant compte que ces principes sont très sûrs, voyant la facilité avec laquelle on pèche −aussi facilement que si l’on buvait un verre d’eau− voyant la multitude qui est continuellement en état de péché mortel et va ainsi à la mort et en Enfer, je ne puis rester en repos, je sens que je dois courir et crier. Je me dis : Si je voyais quelqu’un tomber dans un puits ou dans un brasier, je courrais certainement et je crierais pour l’avertir et l’empêcher de tomber ! Pourquoi donc n’en ferais-je pas autant pour empêcher quelqu’un de tomber dans le puits et le brasier de l’Enfer ? Je ne puis comprendre comment les autres prêtres qui croient aux mêmes vérités que moi −vérités que tous doivent croire− ne font ni prêches ni exhortations pour empêcher les gens de tomber en Enfer. Je m’étonne même que les laïcs, hommes et femmes, qui ont la foi ne crient pas, et je me dis : si une maison se mettait à brûler de nuit, ses habitants et les autres habitants du quartier étant endormis et ne voyant pas le péril, le premier qui s’en apercevrait ne courrait-il pas dans les rues en criant : « Au feu ! Au feu ! Dans telle maison ! » ? Alors, pourquoi ne pas crier « Au feu de l’Enfer ! » pour réveiller tant de dormeurs assoupis dans le sommeil du péché et qui, au réveil, se trouveront dans les flammes du feu éternel ? Ce qui m’oblige également à prêcher sans arrêt c’est de voir la multitude d’âmes qui tombent en Enfer, car il est de foi que tous ceux qui meurent en état de péché mortel se damnent. Car « Telle vie, telle mort ! » Et quand on voit comment vivent les gens, quand on les voit en très grand nombre vivre de façon stable et habituelle en état de péché mortel, on peut dire qu’il ne se passe pas de jour sans qu’augmente le nombre de leurs fautes. Ces malheureux vont de leur propre mouvement en Enfer […] Peut-être me direz-vous que le pécheur ne pense pas à l’Enfer et même n’y croit pas. Situation pire encore ! Vous pensez peut-être que le pécheur cesse, pour ce motif, de se damner ? Non, certainement pas ! Au contraire, c’est là un signe plus clair de sa damnation d’après l’Évangile : « Qui ne croit pas sera condamné (Mc 16.16) ». Et comme le dit Bossuet, cette vérité est indépendante du fait qu’on y croit ; celui qui ne croit pas à l’Enfer ne manquera pas pour autant d’y aller s’il a le malheur de mourir en état de péché mortel ; et ceci bien qu’il ne croie pas à l’Enfer et n’y pense pas.(Autobiographie, II, 11, 2-3-4, Soleil Levant, 1960) »

***

Sur un sujet différent, Notre Seigneur Jésus-Christ dit à SAINTE CATHERINE DE GÊNES :

« Je fais à l’âme un purgatoire de son corps ; par ce moyen, J’augmente sa gloire et Je l’attire à Moi sans autre purgatoire. De toutes les choses contraires qui assaillent mes amis, il leur en revient grand profit et grande récompense. Et l’homme, n’ayant d’autre temps que celui de sa vie pour purifier son âme en Mon amour, n’est-il pas bien misérable et bien fou de s’occuper d’autre chose et de perdre ces moments précieux qui lui sont donnés uniquement pour cet effet, sans que jamais, il puisse en avoir d’autres ? »

Sainte Catherine de Gênes : « Mieux vaut souffrir en ce monde avec toutes les douleurs dont on peut être affligé en cette chair et sur la terre, qu’une heure en Purgatoire. Sur la terre, le temps de nous purifier dure peu et Dieu donne l’aide nécessaire pour pouvoir supporter, car Il ne charge jamais l’homme d’un poids supérieur à ses forces.

« Je ne m’étonne pas que sous certains rapports, le Purgatoire soit aussi affreux que l’Enfer, tous les deux ayant le péché pour objet. Celui-ci étant hideux comme il l’est, il faut bien que le châtiment et l’expiation soient en rapport avec son abomination. »

« Mieux vaut souffrir mille ans en ce monde avec toutes les douleurs dont on peut être affligé en cette chair et sur la terre, qu’une heure en Purgatoire. »[3]

***

Tant que nous vivons sous l’empire de la Miséricorde, nous pouvons chaque jour vivre en état de grâce et nous préparer à mourir saintement, mais encore satisfaire pour les défunts, ainsi que Notre Seigneur l’assure :

« L’exercice de la vie, dit-Il, est un Purgatoire continuel, et sans qu’il vous en coûte davantage, vous vous trouverez purifiés de tout à l’heure de votre mort. Vous pourrez même satisfaire pour d’autres, car sur terre, tout est compté au plus haut point de valeur. Faites donc vos actions ordinaires en esprit de pénitence, unies à la contrition immense de mon Cœur Sacré. Vous avez aussi le moyen de satisfaire pour vous et pour les défunts à la Justice divine par les indulgences que mon Église a le droit de vous appliquer, et que Je recevrai toujours comme un paiement légitime et agréable, puisque c’est de Moi qu’elle tient ce pouvoir, et Je ratifie tout ce que décide l’Église. »

Ces choses qui m’ont été révélées sur le Purgatoire, sont tellement graves que, à côté de cela, toute connaissance, toute science humaine, ne sont que bagatelles de néant. (Traité du Purgatoire, Nabu Press, 2011, p.124) »

_____________

« L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’Enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement en Enfer […]. La peine principale de l’Enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. (Catéchisme de l’Église Catholique, 1992, n°1035) »

[1] Dumeige (Gervais), La Foi Catholique, Paris, 1975, n°951 : « Si quelqu’un dit ou pense que le châtiment des démons et des impies est temporaire et qu’il prendra fin après un certain temps, ou bien qu’il y aura restauration des démons et des impies, qu’il soit maudit ! »

[2] Il s’agit de Lucie elle-même et de ses deux cousins, Jacinthe et François Marto, témoins des apparitions si importantes pour le salut du monde de la Vierge Marie à Fatima en 1917.

[3] Saint Bernardin de Sienne affirme que, entre toutes les peines de la terre réunies ensemble et la peine du Purgatoire, il y a la même différence existant qu’entre un feu peint sur une toile et un feu réel.

Source

Benedictio candelarum /Bénédiction des cierges SS. Rosarii

Pour les confrères du saint Rosaire utilisant les cierges bénis, avec dévotion, ils obtiendront la grâce d’avoir le cœur éclairé, de connaitre leurs devoirs, de discerner les tentations qui les environnent et les moyens de les vaincre. Aussi par leur usage on obtient de nombreuses grâces temporelles.

Tout prêtre peut accomplir cette bénédiction, pourvu qu'il utilise la formule latine qui est dans le rituel romain d'avant Vatican II.

Adjutorium nostrum, etc.
Dominus vobiscum, etc.

Oremu

Domine Jesu Christe, lux vera, qui illuminas omnem hominem venientem in hunc mundum, effunde per intercessionem Virginis Mariæ matris tuæ et per quindecim ejus Rosárii mystéria bene ☩ dictiónem tuam super hos céreos, et candélas, et sanctifica eas lúmine tuæ grátiæ; et concede propitius, ut,sicut hæc luminaria igne visibili accensa nocturnas depellunt tenebras,ita corda nostra invisibili igne ac Spiritus ☩ Sancti splendore illustrata, omnium vitiorum cœcilate careant; ut puro mentis oculo cernere semper possimus, quæ tibi sunt placita, et nostræ saluti utilia; quatenus, post hujus sæculi caliginosa, discrimina, ad lucem indeficientem pervenire mereamur: Qui vivis et regnas, Deus, in sæcula sæculorum. Amen

Seigneur Jésus-Christ, vraie lumière qui illuminez tout homme venant en ce monde, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, votre Mère, et par les quinze mystères de son Rosaire, répandez votre béné ☩ diction sur ces cierges, et sanctifiez-les de la lumière de votre grâce ; et de même que ces luminaires, allumés à un feu visible, dispersent les ténèbres, accordez favorablement que nos cœurs soient illuminés par la splendeur et le feu invisible du Saint ☩ Esprit, pour qu’ils soient préservés de l’aveuglement de tous les vices et que nous puissions toujours discerner, d’un regard pur de l’esprit, les choses qui vous sont agréables à vous et utiles pour notre salut, de telle manière que, après les épreuves obscures de ce monde, nous méritions de parvenir à la lumière qui ne s’éteindra jamais: vous qui vivez et régnez Dieu, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Les limbes – Bébés mort-nés ou avortés

Qu’est-ce qu’il advient des bébés mort-nés ou avortés, où vont-ils?

Les Pauvres âmes me disent qu’ils ne vont pas au Ciel, mais que, parce qu’ils étaient innocents, ils ne vont naturellement pas au Purgatoire. Ils vont dans un lieu intermédiaire. On peut l’appeler, les Limbes, mais on l’appelle parfois le « Paradis des enfants ». Le mot Limbes vient du latin limbus, bord, marge ou bordure. Les âmes de ces enfants ne savent pas qu’il existe quelque chose de mieux. Elles ne savent pas qu’elles ne sont pas au Ciel et c’est notre responsabilité de les élever jusqu’au Ciel. Et cela ne demande naturellement pas beaucoup car elles n’ont jamais eu l’occasion de pécher.

  1. Nous pouvons faire cela avec un « baptême des enfants non nés » ou;
  2. par une messe de requiem.

Les enfants mort-nés ou avortés devraient aussi recevoir un nom et être admis dans la famille. Cela les fait entrer dans le Livre de Vie.

Je connais une infirmière qui travaillait dans un hôpital de Vienne et qui baptisait toujours les enfants mort-nés et avortés de cet hôpital. Elle faisait cela deux fois par jour, le matin pour ceux qui étaient morts durant la nuit, et le soir pour les morts de la journée. Lorsqu’elle est morte, elle s’est écriée: « Oh! Voilà tous mes enfants, ils sont si nombreux! » Le prêtre à son chevet a répondu: « Mais bien sûr, vous en avez tant baptisés, et les voilà maintenant qui viennent vous aider ». Et ces enfants l’ont aidée à faire le passage.

Est-ce que les bébés dans les Limbes apparaissent à leurs parents ou s’en approchent ici sur terre?

Oui, cela arrive. Les frères et sœurs particulièrement ont souvent conscience de la présence d’un autre enfant, même s’ils ne savent rien de sa mort à la naissance ou de l’avortement.

Que pensez-vous de l’avortement?

L’avortement est la plus grande guerre et la plus grande horreur de tous les temps. Cette société s’est dégradée au point de permettre à Satan de tuer des innocents par millions comme un essaim de mouches. La réparation en sera énorme! Je ne veux pas en dire plus.

Lorsqu’une femme a admis que son avortement était un péché grave, que doit-elle faire pour être sûre que Jésus a tout effacé? Pouvez-vous répondre à cette question ou dois-je changer de sujet?

Non, ça va, cette femme doit immédiatement aller se confesser à un prêtre et demander à Jésus de lui pardonner. Puis elle doit faire pénitence d’une façon profonde et sincère, et qui lui fait véritablement retrouver la paix. L’enfant doit ensuite recevoir un nom afin d’être accueilli et aimé par la famille à laquelle il appartient véritablement, et pour être inscrit dans le Livre de Vie. Elle doit demander pardon à cet enfant. Et finalement elle devrait le faire baptiser et lui offrir une messe comme je l’ai expliqué plus haut. Si tout cela est accompli, et d’un cœur humble et pénitent, alors ce sera suffisant.

Lorsqu’elle aura fait tout cela, tous les effets de son avortement auront-ils disparu ou en restera-t-il quelque chose?

En plus du fait que la mère ne l’oubliera jamais, les Pauvres âmes m’ont dit qu’elle verra au Ciel la place que l’enfant aurait dû occuper après avoir vécu sa pleine vie, mais cette place sera vide. Cependant, comme le Ciel est le Ciel, il n’y aura aucune souffrance d’aucune sorte à cause de cela.

Tous les avortements mériteront-ils la même punition?

Non, parce qu’il arrive souvent que les jeunes soient aujourd’hui forcés par les parents ou la société et dans ce cas, ce sont les adultes qui porteront la plus grande part de responsabilité. Les médias et les législateurs qui abaissent la conscience de la société, les médecins qui en retirent des profits ou qui mentent en cachant les effets négatifs bien connus qui affecteront plus tard les mères qui ont avorté, seront sévèrement punis, de même que les industries des produits pharmaceutiques et des produits de beauté qui utilisent des dérivés de fœtus pour mettre sur le marché de nouveaux articles découvriront l’immensité de leurs péchés. Nous devons beaucoup prier pour tous ces gens-là.

Beaucoup de femmes aux États-Unis et dans le reste de l’Occident, tout comme en Orient je suppose, disent qu’elles peuvent faire ce qu’elles veulent de leur corps et avec ce qui est dans leur corps. Quelle réponse pouvez-vous leur donner?

Comment osent-elles faire à un enfant sans défense une chose qu’elles ne permettraient pas qu’on leur-fasse à elles qui sont adultes, et loin d’être aussi incapables de se protéger?! Avec quelle rapidité elles se précipitent devant les tribunaux lorsque la branche de l’arbre de leur voisin se casse et endommage un peu leur propriété. Mais lorsqu’il s’agit de prendre une vie, elles se cantonnent dans leur droit, et que personne n’ose essayer d’intervenir en faveur de cette vie! Ces gens sont bien misérables et ont besoin de nos prières quotidiennes pour les libérer de leur égoïsme et de leur arrogance, et pour les sortir de leur confusion.