Tous les articles par AdmiralOffrande

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 28, 29

Chapitre 28 Soulagement des âmes – Indulgences

Prières indulgenciées

Il y a certaines indulgences faciles à gagner et applicables aux défunts. Nous croyons faire plaisir au lecteur en indiquant ici les principales (Voir Maurel, Le chrétien éclairé sur les indulgences).

  1. La prière: O bon et très doux Jésus… Indulgence plénière pour quiconque, s’étant confessé et ayant communié, récite cette prière devant une image de Jésus crucifié, et y ajoute quelque autre prière à l’intention du Souverain-Pontife.
  2. Chapelet bénit. De grandes indulgences sont attachées à la récitation du saint Rosaire, si l’on se sert d’un chapelet indulgencié, soit par Notre Saint-Père le Pape, soit par un prêtre qui en a reçu le pouvoir.
  3. Chemin de la Croix. Comme nous l’avons dit plus haut (Chap. XXV), plusieurs indulgences plénières et un grand nombre de partielles sont attachées aux Stations du Chemin de la Croix. Ces indulgences ne requièrent pas la confession et la communion; il suffit d’être en état de grâce et d’avoir un sincère repentir de tous ses péchés. – Quant à l’exercice même du Chemin de la Croix, il ne requiert que deux conditions: 1° de parcourir les quatorze stations, en passant de l’une à l’autre, autant que les circonstances le permettent; 2° de méditer en même temps sur la passion de Jésus-Christ. Les personnes qui ne savent point faire une méditation un peu suivie, peuvent se contenter de penser affectueusement à quelque circonstance de la passion, selon leur capacité. On les exhorte néanmoins, sans leur en imposer l’obligation, à réciter un Pater et un Ave Maria devant chaque croix, et à faire un acte de contrition de leurs péchés (Décret du 16 février 1839).
  4. Les actes de foi, d’espérance et de charité. Indulgence de sept années et sept quarantaines, chaque fois qu’on les récite.
  5. Les litanies de la Sainte Vierge. 300 jours chaque fois.
  6. Le signe de la croix. 50 jours chaque fois; et avec de l’eau bénite 100 jours.
  7. Prières diverses. Mon Jésus, miséricorde ! 100 jours chaque fois. – Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. 300 jours, une fois le jour. – Doux cœur de Marie, soyez mon salut. 300 jours, chaque fois.
  8. V Loué soit Jésus-Christ. – R Dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. 50 jours, chaque fois que deux personnes se saluent par ces paroles.
  9. L’Angelus Domini. Indulgence de 100 jours chaque fois qu’on le récite, ou le matin, ou à midi, ou le soir, avec un cœur contrit, à genoux, et au son de la cloche.

Chapitre 29 – Soulagement des âmes

L’aumône – Raban-Maur

Il nous reste à parler d’un dernier moyen très-puissant pour soulager les âmes: c’est l’aumône. Le Docteur Angélique, S. Thomas, préfère au jeûne et à la prière le mérite de l’aumône, quand il s’agit d’expier les fautes passées. « L’aumône, dit-il (In 4. dist. 15, q. 3), possède plus complètement la vertu de la « satisfaction que la prière, et la prière plus complètement que le jeûne. » C’est pourquoi de grands serviteurs de Dieu et de grands Saints l’ont principalement choisie comme moyen de secourir les défunts. Nous pouvons citer parmi eux, comme l’un des plus remarquables, le saint Abbé Raban-Maur (4 février) premier abbé de Fulde au IXe siècles, puis Archevêque de Mayence.

Edélard au monastère de Fulde

L’abbé Trithème, écrivain distingué de l’Ordre de S. Benoît, raconte que Raban faisait distribuer beaucoup d’aumônes pour les trépassés. Il avait établi comme règle que, toutes les fois qu’un des religieux viendrait à mourir, sa portion serait pendant trente jours distribuée aux pauvres, afin que l’âme du défunt fût soulagée par cette aumône. Or il arriva, l’an 830, que le monastère de Fulde fut éprouvé par une sorte de contagion, qui emporta un grand nombre de religieux. Raban-Maur, plein de zèle et de charité pour leurs âmes, fit venir Edélard, économe du monastère et lui rappela la règle des aumônes établie pour les défunts. « Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions soient fidèlement « observées, et qu’on gratifie les pauvres pendant un mois entier, de la nourriture « destinée aux frères que nous venons de perdre. »

Edélard manquait tout à la fois d’obéissance et de charité. Sous prétexte que ces largesses étaient excessives et qu’il devait ménager les ressources du monastère, mais en réalité parce qu’il était dominé par une secrète avarice, il négligea de faire les distributions prescrites, ou ne les fit que d’une façon fort incomplète. Or la justice divine ne laissa pas impunie cette infidélité.

Le mois n’était pas écoulé, lorsqu’un soir, après que la communauté s’était retirée, il traversait la salle du chapitre, tenant une lanterne à la main. Quel ne fut pas son étonnement, lorsqu’à une heure où cette salle devait être vide, il y trouva un grand nombre de religieux. Son étonnement changea en effroi quand regardant plus attentivement il reconnut ses frères récemment décédés.

La terreur le saisit, un froid glacial parcourut toutes ses veines et le fixa immobile à sa place comme une statue sans vie. Alors un des morts prenant la parole lui adressa de terribles reproches: « Malheureux ! lui dit-il, pourquoi n’as-tu pas « distribué les aumônes qui devaient soulager les âmes de tes frères défunts ? « Pourquoi nous as-tu privé de ce secours dans les tourments du purgatoire ? « Reçois dès à présent le châtiment de ton avarice: un autre plus terrible t’est « réservé, lorsque dans trois jours tu paraîtras à ton tour devant Dieu. »

A ces mots Edélard tomba comme frappé de la foudre, et resta sans mouvement jusqu’après minuit, à l’heure où la communauté se rendit au chœur. Alors il fut trouvé à demi-mort, dans le même état où fut trouvé l’impie Héliodore, après qu’il eut été flagellé par les anges dans le temple de Jérusalem (II Machab. III).

On le porta à l’infirmerie et on lui prodigua des soins qui le firent un peu revenir à lui. Dès qu’il put parler, en présence de l’Abbé et de tous ses frères il raconta avec larmes le terrible événement, dont son triste état rendait un trop sensible témoignage. Puis, ayant ajouté qu’il devait mourir dans trois jours, il demanda les derniers sacrements, avec toutes les marques du plus humble repentir. Il les reçut très saintement, et trois jours après, il expira au milieu des prières de ses frères.

On chanta aussitôt la messe des morts, et on distribua pour le défunt la part des pauvres. Cependant la punition n’était pas finie. Edélard apparut à son abbé Raban, pâle, défiguré. Raban touché de compassion, lui demanda ce qu’il y avait à faire pour lui. « Ah ! répondit l’âme infortunée, malgré les prières de notre « sainte communauté, je ne puis obtenir ma grâce avant la délivrance de tous « ceux de mes frères que mon avarice a frustrés des suffrages qui leur étaient dus. « Ce qu’on a donné aux pauvres pour moi n’a profité qu’à eux, selon l’ordre de la « divine justice. Je vous supplie donc, ô Père vénéré « et miséricordieux, de faire redoubler les aumônes. J’espère que par ce puissant « moyen la divine clémence daignera nous délivrer tous, eux d’abord, et après « eux moi, qui suis le moins digne de miséricorde. »

Raban-Maur prodigua donc les aumônes, et un autre mois était à peine écoulé, qu’Edélard lui apparut de nouveau, mais vêtu de blanc, entouré de rayons lumineux, la joie peinte sur le visage. Il rendit à son pieux abbé et à tout le monastère les plus touchantes actions de grâces pour la charité dont on avait usé envers lui (Vie de Raban Maur; Rossignoli, merv. 2).

Que d’enseignements se dégagent de cette histoire ! D’abord la vertu des aumônes pour les défunts y paraît avec éclat. On y voit ensuite comment Dieu châtie, même en cette vie, ceux qui par avarice ne craignent pas de priver les morts de leurs suffrages. Je ne parle pas ici des héritiers coupables, qui négligent d’acquitter les fondations pieuses dont ils sont chargés par le défunt, négligence qui constitue une injustice sacrilège; mais des enfants ou des parents qui, par de misérables motifs d’intérêt, font célébrer le moins possible de messes, distribuent le moins possible d’aumônes, sans pitié pour l’âme de leur défunt, qu’ils laissent gémir dans les effroyables supplices du purgatoire. C’est là une noire ingratitude, une dureté de cœur absolument contraire à la charité chrétienne, et qui aura son châtiment, peut-être déjà dès ce monde.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 27, 28

Chapitre 28 Soulagement des âmes – Indulgences

Prières indulgenciées

Il y a certaines indulgences faciles à gagner et applicables aux défunts. Nous croyons faire plaisir au lecteur en indiquant ici les principales (Voir Maurel, Le chrétien éclairé sur les indulgences).

  1. La prière: O bon et très doux Jésus… Indulgence plénière pour quiconque, s’étant confessé et ayant communié, récite cette prière devant une image de Jésus crucifié, et y ajoute quelque autre prière à l’intention du Souverain-Pontife.
  2. Chapelet bénit. De grandes indulgences sont attachées à la récitation du saint Rosaire, si l’on se sert d’un chapelet indulgencié, soit par Notre Saint-Père le Pape, soit par un prêtre qui en a reçu le pouvoir.
  3. Chemin de la Croix. Comme nous l’avons dit plus haut (Chap. XXV), plusieurs indulgences plénières et un grand nombre de partielles sont attachées aux Stations du Chemin de la Croix. Ces indulgences ne requièrent pas la confession et la communion; il suffit d’être en état de grâce et d’avoir un sincère repentir de tous ses péchés. – Quant à l’exercice même du Chemin de la Croix, il ne requiert que deux conditions: 1° de parcourir les quatorze stations, en passant de l’une à l’autre, autant que les circonstances le permettent; 2° de méditer en même temps sur la passion de Jésus-Christ. Les personnes qui ne savent point faire une méditation un peu suivie, peuvent se contenter de penser affectueusement à quelque circonstance de la passion, selon leur capacité. On les exhorte néanmoins, sans leur en imposer l’obligation, à réciter un Pater et un Ave Maria devant chaque croix, et à faire un acte de contrition de leurs péchés (Décret du 16 février 1839).
  4. Les actes de foi, d’espérance et de charité. Indulgence de sept années et sept quarantaines, chaque fois qu’on les récite.
  5. Les litanies de la Sainte Vierge. 300 jours chaque fois.
  6. Le signe de la croix. 50 jours chaque fois; et avec de l’eau bénite 100 jours.
  7. Prières diverses. Mon Jésus, miséricorde ! 100 jours chaque fois. – Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. 300 jours, une fois le jour. – Doux cœur de Marie, soyez mon salut. 300 jours, chaque fois.
  8. V Loué soit Jésus-Christ. – R Dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. 50 jours, chaque fois que deux personnes se saluent par ces paroles.
  9. L’Angelus Domini. Indulgence de 100 jours chaque fois qu’on le récite, ou le matin, ou à midi, ou le soir, avec un cœur contrit, à genoux, et au son de la cloche.

Chapitre 29 – Soulagement des âmes

L’aumône – Raban-Maur

Il nous reste à parler d’un dernier moyen très-puissant pour soulager les âmes: c’est l’aumône. Le Docteur Angélique, S. Thomas, préfère au jeûne et à la prière le mérite de l’aumône, quand il s’agit d’expier les fautes passées. « L’aumône, dit-il (In 4. dist. 15, q. 3), possède plus complètement la vertu de la « satisfaction que la prière, et la prière plus complètement que le jeûne. » C’est pourquoi de grands serviteurs de Dieu et de grands Saints l’ont principalement choisie comme moyen de secourir les défunts. Nous pouvons citer parmi eux, comme l’un des plus remarquables, le saint Abbé Raban-Maur (4 février) premier abbé de Fulde au IXe siècles, puis Archevêque de Mayence.

Edélard au monastère de Fulde

L’abbé Trithème, écrivain distingué de l’Ordre de S. Benoît, raconte que Raban faisait distribuer beaucoup d’aumônes pour les trépassés. Il avait établi comme règle que, toutes les fois qu’un des religieux viendrait à mourir, sa portion serait pendant trente jours distribuée aux pauvres, afin que l’âme du défunt fût soulagée par cette aumône. Or il arriva, l’an 830, que le monastère de Fulde fut éprouvé par une sorte de contagion, qui emporta un grand nombre de religieux. Raban-Maur, plein de zèle et de charité pour leurs âmes, fit venir Edélard, économe du monastère et lui rappela la règle des aumônes établie pour les défunts. « Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions soient fidèlement « observées, et qu’on gratifie les pauvres pendant un mois entier, de la nourriture « destinée aux frères que nous venons de perdre. »

Edélard manquait tout à la fois d’obéissance et de charité. Sous prétexte que ces largesses étaient excessives et qu’il devait ménager les ressources du monastère, mais en réalité parce qu’il était dominé par une secrète avarice, il négligea de faire les distributions prescrites, ou ne les fit que d’une façon fort incomplète. Or la justice divine ne laissa pas impunie cette infidélité.

Le mois n’était pas écoulé, lorsqu’un soir, après que la communauté s’était retirée, il traversait la salle du chapitre, tenant une lanterne à la main. Quel ne fut pas son étonnement, lorsqu’à une heure où cette salle devait être vide, il y trouva un grand nombre de religieux. Son étonnement changea en effroi quand regardant plus attentivement il reconnut ses frères récemment décédés.

La terreur le saisit, un froid glacial parcourut toutes ses veines et le fixa immobile à sa place comme une statue sans vie. Alors un des morts prenant la parole lui adressa de terribles reproches: « Malheureux ! lui dit-il, pourquoi n’as-tu pas « distribué les aumônes qui devaient soulager les âmes de tes frères défunts ? « Pourquoi nous as-tu privé de ce secours dans les tourments du purgatoire ? « Reçois dès à présent le châtiment de ton avarice: un autre plus terrible t’est « réservé, lorsque dans trois jours tu paraîtras à ton tour devant Dieu. »

A ces mots Edélard tomba comme frappé de la foudre, et resta sans mouvement jusqu’après minuit, à l’heure où la communauté se rendit au chœur. Alors il fut trouvé à demi-mort, dans le même état où fut trouvé l’impie Héliodore, après qu’il eut été flagellé par les anges dans le temple de Jérusalem (II Machab. III).

On le porta à l’infirmerie et on lui prodigua des soins qui le firent un peu revenir à lui. Dès qu’il put parler, en présence de l’Abbé et de tous ses frères il raconta avec larmes le terrible événement, dont son triste état rendait un trop sensible témoignage. Puis, ayant ajouté qu’il devait mourir dans trois jours, il demanda les derniers sacrements, avec toutes les marques du plus humble repentir. Il les reçut très saintement, et trois jours après, il expira au milieu des prières de ses frères.

On chanta aussitôt la messe des morts, et on distribua pour le défunt la part des pauvres. Cependant la punition n’était pas finie. Edélard apparut à son abbé Raban, pâle, défiguré. Raban touché de compassion, lui demanda ce qu’il y avait à faire pour lui. « Ah ! répondit l’âme infortunée, malgré les prières de notre « sainte communauté, je ne puis obtenir ma grâce avant la délivrance de tous « ceux de mes frères que mon avarice a frustrés des suffrages qui leur étaient dus. « Ce qu’on a donné aux pauvres pour moi n’a profité qu’à eux, selon l’ordre de la « divine justice. Je vous supplie donc, ô Père vénéré « et miséricordieux, de faire redoubler les aumônes. J’espère que par ce puissant « moyen la divine clémence daignera nous délivrer tous, eux d’abord, et après « eux moi, qui suis le moins digne de miséricorde. »

Raban-Maur prodigua donc les aumônes, et un autre mois était à peine écoulé, qu’Edélard lui apparut de nouveau, mais vêtu de blanc, entouré de rayons lumineux, la joie peinte sur le visage. Il rendit à son pieux abbé et à tout le monastère les plus touchantes actions de grâces pour la charité dont on avait usé envers lui (Vie de Raban Maur; Rossignoli, merv. 2).

Que d’enseignements se dégagent de cette histoire ! D’abord la vertu des aumônes pour les défunts y paraît avec éclat. On y voit ensuite comment Dieu châtie, même en cette vie, ceux qui par avarice ne craignent pas de priver les morts de leurs suffrages. Je ne parle pas ici des héritiers coupables, qui négligent d’acquitter les fondations pieuses dont ils sont chargés par le défunt, négligence qui constitue une injustice sacrilège; mais des enfants ou des parents qui, par de misérables motifs d’intérêt, font célébrer le moins possible de messes, distribuent le moins possible d’aumônes, sans pitié pour l’âme de leur défunt, qu’ils laissent gémir dans les effroyables supplices du purgatoire. C’est là une noire ingratitude, une dureté de cœur absolument contraire à la charité chrétienne, et qui aura son châtiment, peut-être déjà dès ce monde.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 26, 27

Chapitre 26 – Soulagement des âmes

Indulgences

Passons aux indulgences applicables aux défunts. C’est ici que la divine miséricorde se révèle avec une sorte de prodigalité. On sait que l’Indulgence est la rémission des peines temporelles dues au péché, accordée par le pouvoir des clefs en dehors du sacrement.

En vertu du pouvoir des clefs qu’elle a reçu de Jésus-Christ, la sainte Église peut délivrer les fidèles soumis à sa juridiction, de tout obstacle à leur entrée dans la gloire. Elle exerce ce pouvoir dans le sacrement de Pénitence, où elle les absout de leurs péchés; elle l’exerce aussi hors du sacrement, pour leur ôter la dette des peines temporelles qui leur reste après l’absolution: dans ce second cas c’est l’indulgence.

La rémission des peines par l’indulgence ne s’accorde qu’aux fidèles vivants; mais l’Église peut, en vertu de la communion des saints, autoriser ses enfants encore en vie, à céder la remise qui leur est faite à leurs frères défunts: c’est l’indulgence applicable aux âmes du purgatoire. Appliquer une indulgence aux défunts, c’est l’offrir à Dieu au nom de sa sainte Église, pour qu’il daigne l’attribuer aux âmes souffrantes. Les satisfactions offertes ainsi à la divine justice au nom de Jésus-Christ et de son Église, sont toujours agréées, et Dieu les applique soit à telle âme en particulier qu’on a l’intention d’aider, soit à certaines âmes qu’il veut lui-même favoriser, soit à toutes en général.

Les indulgences sont plénières ou partielles. L’indulgence plénière est la rémission, accordée à celui qui gagne cette indulgence, de toute la peine temporelle dont il est Passible devant Dieu. Supposé que pour acquitter cette dette il faille pratiquer cent ans de pénitence canonique sur la terre, ou souffrir plus longtemps encore les peines du purgatoire; par le fait que l’indulgence plénière est parfaitement gagnée, toutes ces peines sont remises; et l’âme ne présente plus aux yeux de Dieu aucune ombre qui l’empêche de voir sa face divine.

L’indulgence partielle consiste dans la rémission d’un certain nombre de jours ou d’années. Ces jours et ces années ne représentent nullement des jours ou des années de souffrances au purgatoire; il faut les entendre des jours et des années de pénitence publique, canonique, consistant surtout en jeûnes, et telle qu’on l’imposait autrefois aux pécheurs, selon l’ancienne discipline de l’Église. Ainsi une indulgence de quarante jours ou de sept années, c’est la rémission qu’on mériterait devant Dieu par quarante jours ou sept années de pénitence canonique. Quelle est la proportion qui existe entre ces jours de pénitence, et la durée des peines au purgatoire ? C’est un secret qu’il n’a pas plu à Dieu de nous révéler.

La Bienheureuse Marie de Quito et les monceaux d’or

Les indulgences dans l’Église sont un vrai trésor spirituel, exposé publiquement devant les fidèles: il est permis à tous d’y puiser pour acquitter leurs dettes et payer celles des autres. C’est sous cette figure que Dieu daigna les montrer un jour à la Bienheureuse Marie de Quito (26 mai). Elle fut ravie en extase et vit, au milieu d’une grande place, une immense table chargée de monceaux d’argent, d’or, de rubis, de perles, de diamants; en même temps elle entendit une voix qui disait: « Ces richesses sont publiques: chacun peut s’approcher et en recueillir « autant qu’il lui convient. » Dieu lui fit connaître que c’était là une image des indulgences (Rossignoli, Merv. 29). Combien donc, dirons-nous avec le pieux auteur des Merveilles, combien ne sommes-nous pas coupables, dans une abondance pareille, de rester pauvres et dénués pour nous-mêmes, et de ne point songer à aider les autres ? Hélas ! les âmes du purgatoire sont dans une nécessité extrême, elles nous supplient avec larmes au milieu de leurs tourments: nous avons dans les indulgences le moyen d’acquitter leurs dettes, et nous n’en faisons rien !

L’accès de ce trésor exige-t-il des efforts pénibles, des jeûnes, des voyages, des privations insupportables à la nature ? Quand même cela serait, disait avec raison l’éloquent Père Segneri, il faudrait nous y résoudre. Eh ! ne voit-on pas les hommes par amour pour l’or, par zèle pour les arts, afin de conserver une partie de leur fortune ou de sauver une toile précieuse, s’exposer aux flammes d’un incendie ? Ne faudrait-t-il pas au moins en faire autant pour sauver des flammes expiatrices les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ ? Mais la divine bonté ne demande rien de trop pénible: elle n’exige que des œuvres communes et faciles: un chapelet, une prière, une communion, la visite d’un sanctuaire, une aumône, les éléments du catéchisme enseignés à des enfants abandonnés. Et nous négligeons l’acquisition si aisée du plus précieux trésor, et nous n’avons point d’ardeur pour l’appliquer à nos pauvres frères qui gémissent dans les flammes !

Chapitre 27 – Soulagement des âmes – Indulgences

La Mère Françoise de Pampelune

La vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement, religieuse de Pampelune, dont nous avons déjà fait connaître la charité envers les âmes, avait aussi le plus grand zèle à les secourir au moyen des indulgences. Un jour Dieu lui fit voir les âmes de trois Prélats, qui avaient occupé précédemment le siège épiscopal de Pampelune, et qui gémissaient encore dans les souffrances du purgatoire. La servante de Dieu comprit qu’elle devait mettre tout en œuvre pour obtenir leur délivrance. Comme le Saint-Siège avait alors accordé à l’Espagne des Bulles, dites de la Croisade, qui permettaient de gagner une indulgence plénière à certaines conditions, elle crut que le meilleur moyen de venir en aide à ces âmes, serait de leur procurer à chacune l’avantage d’une indulgence plénière.

L’évêque Ribéra

Elle parla donc à son Evêque, Cristophe de Ribéra, lui découvrit le triste état des trois prélats, et lui demanda la faveur de trois indulgences de la croisade. Cristophe de Ribéra, apprenant que trois de ses prédécesseurs étaient encore au purgatoire, s’empressa de procurer à la servante de Dieu les Bulles indulgenciées. Elle remplit aussitôt toutes les conditions requises et appliqua une indulgence plénière à chacun des trois Évêques. La nuit suivante tous les trois apparurent à la Mère Françoise délivrés de toutes leurs peines: ils la remercièrent de sa charité, et la prièrent de remercier aussi l’Évêque Ribéra pour les indulgences qui leur avaient enfin ouvert les portes du ciel (Vie de Françoise du S. Sacrem. Merv. 26).

Sainte Madelaine de Pazzi

Voici ce que rapporte le Père Cépari dans la Vie de sainte Madeleine de Pazzi. Une religieuse professe, qui avait reçu de Madeleine les soins les plus attentifs pendant sa maladie, étant morte, et son corps exposé dans l’église selon l’usage, Madeleine se sentit inspirée d’aller encore une fois la contempler. Elle fut donc se placer à la grille du chapitre d’où elle pouvait l’apercevoir; mais à peine arrivée, elle fut ravie en extase et vit l’âme de cette mère qui prenait son vol vers le ciel. Transportée de joie à ce spectacle, on l’entendit qui disait: « Adieu, ma sœur, adieu, âme bienheureuse ! Comme une très pure colombe, vous volez au céleste séjour, et vous nous laissez dans ce lieu de « misères. Oh ! que vous êtes belle et glorieuse ! Qui pourra expliquer la gloire « dont Dieu a couronné vos vertus ? Que vous avez passé peu de temps dans les « flammes purgatives ! Votre corps n’a pas encore été rendu à la terre, et voilà « que votre âme est déjà reçue dans le sacré palais! Vous connaissez « maintenant la vérité de ces paroles que je vous disais naguère: Que toutes les « peines de la vie présente sont peu de chose en comparaison des biens immenses « que Dieu garde à ses amis. » – Dans cette même vision, le Seigneur lui fit connaître que cette âme n’avait passé que quinze heures en purgatoire, parce qu’elle avait beaucoup souffert pendant la vie, et qu’elle avait été soigneuse de gagner les indulgences, que l’Église accorde à ses enfants en vertu des mérites de Jésus-Christ.

Sainte Thérèse

Sainte Thérèse, dans un de ses ouvrages, parle d’une religieuse qui faisait le plus grand cas des moindres indulgences accordées par l’Église, et s’appliquait à gagner toutes celles qu’elle pouvait. Sa conduite n’avait d’ailleurs rien que de fort ordinaire et sa vertu était très commune. Elle vint à mourir, et la Sainte la vit, à sa grande surprise, monter au ciel presque aussitôt après sa mort, en sorte qu’elle n’eut pas pour ainsi dire de purgatoire à faire. Comme Thérèse en exprimait son étonnement à Notre-Seigneur, le Sauveur lui fit connaître que c’était le fruit du soin qu’elle avait eu de gagner le plus d’indulgences possible pendant sa vie: « C’est par là, ajouta-t-il, qu’elle a acquitté presque entièrement « ses dettes, quoique nombreuses, avant de mourir, et qu’elle a apporté une si « grande pureté au tribunal de Dieu. »

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 24, 25

Chapitre 24 – Soulagement des âmes

La sainte Communion – Sainte Marie Madeleine Pazzi délivrant son frère

Si les bonnes œuvres ordinaires procurent tant de secours aux âmes, que ne fera point l’œuvre la plus sainte que le chrétien puisse accomplir, je veux dire la Communion Eucharistique ? Lorsque sainte Madeleine de Pazzi vît l’âme de son frère dans les souffrances du purgatoire, touchée de compassion, elle fondit en pleurs et s’écria d’une voix lamentable: « O âme affligée, que vos peines sont terribles ! Que n’est-il donné » de les comprendre à ceux qui manquent de courage pour porter leurs croix ici-bas ! Pendant que vous étiez dans le monde, ô mon frère, vous ne vouliez pas « m’écouter, et maintenant vous désirez ardemment que je vous écoute. Pauvre « victime, qu’exigez-vous de moi ? » – Ici elle s’arrêta, et on l’entendit compter jusqu’au nombre cent et sept; puis elle dit tout haut que c’étaient autant de communions qu’il lui demandait d’une voix suppliante. « Oui, lui répondit-elle, je « puis facilement faire ce que vous me demandez; mais hélas ! combien il faudra « de temps pour acquitter cette dette ! Oh ! que j’irais volontiers où vous êtes, si « Dieu voulait me le permettre, pour vous délivrer, ou empêcher que d’autres y « descendent ! »

La Sainte, sans omettre les prières et autres suffrages, fit avec la plus grande ferveur les Communions que son frère réclamait pour sa délivrance.

Communion générale dans l’église de Sainte-Marie-au-delà du Tibre.

C’est, dit le P. Rossignoli, un pieux usage (Merveille 45), établi dans les églises de la Compagnie de Jésus, de faire chaque mois une Communion générale pour le soulagement des âmes du purgatoire; et Dieu a daigné montrer par un prodige combien cette pratique lui est agréable.

L’an 1615, comme les Pères de la Compagnie célébraient solennellement cette Communion mensuelle à Rome, dans l’église de Sainte-Marie-au-delà-du-Tibre, une foule immense de peuples y accourut. Parmi les chrétiens fervents se trouvait aussi un grand pécheur qui, tout en prenant part aux pieuses cérémonies de la religion, menait depuis longtemps une vie très-mauvaise. Cet homme, avant d’entrer dans l’église, en vit sortir et venir à lui un pauvre de bonne apparence, qui lui demanda l’aumône pour l’amour de Dieu; il la lui refusa d’abord. Mais le pauvre, selon l’usage des mendiants, insista jusqu’à trois fois, employant les formules de supplication les plus touchantes. A la fin, cédant à un bon sentiment, notre pécheur le rappela, tira sa bourse et lui donna une pièce de monnaie.

Alors le pauvre, changeant ses prières en un tout autre langage: « Gardez « votre argent, lui dit-il, je n’ai pas besoin de vos largesses; mais vous, vous avez « grandement besoin de changer de vie. Sachez que je suis venu du mont « Gargano à la cérémonie qui s’accomplit en cette église, pour vous donner un « avertissement salutaire. Voici vingt années que vous menez une vie déplorable, « provoquant la colère de Dieu, au lieu de l’apaiser par une sincère confession. « Hâtez-vous de faire pénitence, si vous voulez échapper aux coups de la divine « justice prête à éclater sur votre tête. »

Le pécheur fut tout saisi à ce discours: une frayeur secrète s’empara de lui quand il s’entendait révéler les iniquités de sa conscience, que Dieu seul pouvait connaître. Son émotion fut bien plus grande encore, quand il vit ce pauvre disparaître à ses yeux, comme une fumée qui se dissipe en l’air. Ouvrant son cœur à la grâce, il entra dans l’église, se jeta à genoux, en versant un torrent de larmes; puis, sincèrement repentant, il alla faire à un confesseur l’aveu de ses crimes et demander le pardon. Après la confession, il rendit compte au prêtre du prodige qui lui était arrivé, le priant de le faire connaître pour l’accroissement de la dévotion envers les défunts; car il ne douta point que ce ne fût une âme délivrée tout à l’heure, qui lui eût obtenu cette grâce de conversion.

On pourrait demander quel était le mystérieux mendiant, apparaissant à ce pécheur pour le convertir? Quelques-uns ont cru qu’il n’était autre que l’archange S. Michel, parce qu’il se disait venir du mont Gargano; on sait en effet que cette montagne est célèbre dans toute l’Italie par une apparition de l’archange S. Michel, auquel on y a élevé un magnifique sanctuaire. Quoi qu’il en soit, la conversion de ce pécheur par un tel miracle, et dans le moment même où l’on priait et communiait solennellement pour les défunts, montre bien l’excellence de cette dévotion et le prix qu’elle a aux yeux de Dieu.

Concluons donc par la parole de S. Bonaventure: « Que la charité vous « porte à communier, car il n’y a rien de plus efficace pour le repos éternel des « défunts » (De prœpar. Maissae).

Chapitre 25 – Soulagement des âmes

Le Chemin de la Croix

Après la sainte Communion, parlons du Chemin de la Croix. Ce saint exercice peut être envisagé en lui-même et dans les indulgences dont il est enrichi. En lui-même, c’est une manière solennelle et très-excellente de méditer la passion du Sauveur, et par conséquent l’exercice le plus salutaire de notre sainte Religion.

Dans son acception littérale, le Chemin de la Croix est l’espace que l’Homme-Dieu parcourut, sous le fardeau de sa croix, depuis le palais de Pilate où il fut condamné à mort, jusqu’au sommet du Calvaire où il fut condamné à mort, jusqu’au sommet du Calvaire où il fut crucifié. Après l’Ascension de son Fils, la sainte Vierge Marie, ou seule, ou en compagnie de saintes femmes, suivait fréquemment cette voie douloureuse. A son exemple, les fidèles de la Palestine d’abord, et dans les âges suivants de nombreux pèlerins des contrées même les plus reculées, allèrent visiter ces lieux sacrés, arrosés des sueurs et du sang de Jésus-Christ; et l’Église pour favoriser leur piété, leur ouvrit le trésor de ses grâces spirituelles.

Mais tout le monde ne pouvant point se transporter dans la Judée, le Saint-Siège a permis qu’on érigeât en d’autres lieux, dans les églises et chapelles, des croix et tableaux ou bas-reliefs, représentant les scènes touchantes qui s’étaient accomplies sur le vrai chemin du Calvaire, à Jérusalem.

En permettant d’ériger ces saintes Stations, les Pontifes Romains, qui comprirent toute l’excellence et toute l’efficacité de cette dévotion, daignèrent aussi l’enrichir de toutes les Indulgences qu’ils avaient accordées à la visite réelle des saints Lieux. Et ainsi, suivant les Brefs et les Constitutions des Souverains Pontifes Innocent XI, Innocent XII, Benoît XIII, Clément XII, Benoît XIV, ceux qui font le Chemin de la Croix avec les dispositions convenables, gagnent toutes les Indulgences accordées aux fidèles qui visitent en personne les saints Lieux de Jérusalem, et ces Indulgences sont applicables aux défunts.

Or il est très-certain que de nombreuses Indulgences, soit plénières, soit partielles, furent accordées à ceux qui visitent les saints Lieux de Jérusalem, comme on peut le voir dans le Bullarium Terrae Sanctae; en sorte que, au point de vue des Indulgences, on peut dire, que de toutes les pratiques de piété, le Chemin de la Croix en est doté le plus richement.

Ainsi cette dévotion, tant à cause de l’excellence de son objet qu’à raison des Indulgences, constitue un suffrage du plus grand prix pour les défunts.

La vénérable Marie d’Antigna

Voici ce qu’on lit à ce sujet dans la vie de la Vénérable Marie d’Antigna (Louvet, Le purgatoire, p. 332). Elle avait eu longtemps la sainte pratique de faire chaque jour le Chemin de la croix pour le soulagement des défunts; mais plus tard, par des motifs plus apparents que solides, elle le fit plus rarement, puis l’abandonna tout à fait. Notre-Seigneur, qui avait de grands desseins sur cette pieuse vierge, et qui voulait en faire une victime d’amour pour la consolation des pauvres âmes du purgatoire, daigna lui donner une leçon qui devait servir d’instruction à nous tous. Une religieuse du même monastère, décédée depuis peu, lui apparut, et se plaignant tristement: « Ma sœur, lui dit-elle, pourquoi ne faites-vous plus les stations du Chemin de la « croix pour les âmes souffrantes ? Vous aviez coutume auparavant de nous soulager chaque jour par ce saint exercice; pourquoi nous privez-vous de ce secours ? »

Cette âme parlait encore, lorsque le Sauveur lui-même se montra à sa servante et lui reprocha sa négligence. « Sache, ma fille, ajouta-t-il, que les stations du Chemin de la Croix sont très-profitables aux âmes du purgatoire et constituent un suffrage d’une importance majeure. C’est pourquoi j’ai permis à cette âme, en son nom et au nom de toutes les autres, de le réclamer de toi. Sache encore que c’est parce que tu pratiquais exactement autrefois cette salutaire dévotion, que tu as été favorisée de communications habituelles avec les défunts; c’est pour cela aussi que ces âmes reconnaissantes ne cessent de prier pour toi, et de plaider ta cause au tribunal de ma justice. Fais connaître ce trésor à tes sœurs, et dis-leur d’y puiser largement pour elles et pour les défunts. »

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 22, 23

Chapitre 22 – Soulagement des âmes

Le Saint Rosaire – Le chapelet – Le Père Nieremberg.

Nous savons que le saint Rosaire occupe la première place parmi les prières que l’Église recommande aux fidèles; cette excellente prière, source de tant de grâces pour les vivants, est aussi singulièrement efficace pour le soulagement des morts. Nous en avons une preuve touchante dans la Vie du Père Nieremberg, dont nous avons fait mention ailleurs. Ce charitable serviteur de Dieu, pour soulager les âmes du purgatoire, s’imposait des mortifications fréquentes accompagnées d’oraisons et de prières. Il ne manquait point de réciter chaque jour le chapelet à leur intention, et de gagner pour elles le plus d’indulgences qu’il se pouvait, dévotion à laquelle il invita les fidèles dans un ouvrage spécial qu’il publia sur cette matière. Le chapelet dont il se servait, était garni de pieuses médailles et enrichi de nombreuses indulgences. Un jour il lui arriva de le perdre, et il en fut désolé: non que ce saint religieux dont le cœur ne tenait plus à rien sur la terre, eût quelque attache matérielle à ce chapelet; mais parce qu’il se voyait empêché par-là de procurer à ses chères âmes les secours habituels.

Il eut beau chercher partout, il eut beau interroger ses souvenirs pour retrouver son pieux trésor; tout fut inutile, et le soir étant venu, il se vit réduit à remplacer sa prière indulgenciée par des oraisons communes. Pendant qu’il priait, seul dans sa cellule, il entendit au plafond un bruit semblable à celui de son chapelet, qui lui était bien connu; et levant les yeux, il vit en effet son chapelet, tenu par des mains invisibles, descendre vers lui et tomber à ses pieds avec toutes les médailles qui y étaient attachées. – Il ne douta pas que les invisibles mains qui le lui rapportaient ne fussent celles des âmes soulagées par ce moyen. Qu’on juge avec quelle ferveur nouvelle il récita les cinq dizaines accoutumées, et combien cette merveille l’encouragea à persévérer dans une pratique si visiblement favorisée du ciel.

La Mère Françoise du Saint-Sacrement

La vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement avait aussi la pieuse habitude de réciter fréquemment le rosaire pour soulager les âmes; et Dieu daigna par des faveurs sensibles marquer à sa servante combien cette prière lui était agréable.

Françoise du Saint-Sacrement (sa vie par le P. Joachim. Voir Rossignoli, merv. 26) avait eu dès son enfance la plus grande dévotion aux âmes souffrantes, et elle y persévéra tant qu’elle vécut. Elle était tout cœur, tout dévouement envers ces pauvres et saintes âmes: pour les aider, elle récitait chaque jour le rosaire, qu’elle avait coutume d’appeler son aumônier, et elle en terminait chaque dizaine par le Requiescant in pace. Les jours de fête où elle était plus libre de son temps, elle y ajoutait l’Office des morts. A la prière elle joignait les pénitences. La meilleure partie de l’année elle jeûnait au pain et à l’eau, elle pratiquait des veilles et d’autres austérités; elle avait à endurer beaucoup de travaux et de fatigues, des peines et des persécutions: or toutes ces œuvres tournaient au profit des âmes, Françoise offrait tout à Dieu pour leur soulagement.

Non contente de les assister elle-même, elle engageait tant qu’elle pouvait, les autres à le faire: si des prêtres venaient au monastère, elle les exhortait à célébrer la messe; si c’étaient des laïques, elle les engageait à distribuer beaucoup d’aumônes pour les fidèles trépassés. En récompense de sa charité, Dieu permettait aux âmes de la visiter fréquemment, tant pour solliciter ses suffrages que pour l’en remercier. Des témoins ont assuré que, plusieurs fois, elles l’attendirent visiblement à sa porte, quand elle se rendait à l’office de matines, pour se recommander à elle; d’autres fois, elles pénétrèrent dans sa chambre, afin de lui présenter leur requête; elles se rangeaient autour de son lit jusqu’à ce qu’elle s’éveillât. Ces apparitions, auxquelles elle était habituée, ne lui causaient aucune frayeur; et afin qu’elle ne se crût point le jouet de quelque rêve ou d’une illusion du démon, elles lui disaient en entrant: « Salut, servante de Dieu, épouse du Seigneur ! que Jésus « soit avec vous toujours ! » – Puis, elles témoignaient leur vénération pour une grande croix et pour les reliques des Saints, que leur bienfaitrice conservait dans sa cellule. – Si elles la trouvaient récitant le rosaire, ajoutent les mêmes témoins, elles le lui prenaient des mains et le baisaient avec amour, comme l’instrument de leur délivrance.

Chapitre 23 – Soulagement des âmes

Le jeûne, les pénitences et les mortifications, même légères

Après la prière vient le jeûne, c’est-à-dire non seulement le jeûne proprement dit, qui consiste dans l’abstinence de la nourriture; mais encore toutes les œuvres de pénitence de quelque nature qu’elles soient. Il faut bien remarquer qu’il ne s’agit pas seulement ici des grandes austérités pratiquées par les Saints; mais de toutes les tribulations, de toutes les contrariétés de la vie, ainsi que des moindres mortifications, des plus petits sacrifices, qu’on s’impose ou qu’on accepte en vue de Dieu, et qu’on offre à sa divine miséricorde pour le soulagement des âmes.

Un verre d’eau

Un verre d’eau qu’on se refuse quand on a soif, c’est bien peu de chose; et si l’on considère cet acte en lui-même on ne voit guère quelle efficacité il possède pour adoucir les terribles peines du purgatoire. Mais telle est la divine bonté, qu’elle daigne l’accepter comme un sacrifice de grande valeur. Qu’on me permette, dit à ce sujet l’abbé Louvet, de citer un exemple presque personnel. Une de mes parentes était religieuse dans une communauté, qu’elle édifiait, non par l’héroïsme des vertus qui éclatent dans les saints, mais par une vertu toute commune et une conduite régulière. Or il arriva qu’elle perdît une amie qu’elle avait dans le monde; et dès qu’elle apprit la nouvelle de sa mort, elle se fit un devoir de la recommander à Dieu. Le soir étant venu, comme elle se sentit pressée de soif, son premier mouvement fut de vouloir se rafraîchir, sa règle d’ailleurs ne s’y opposait nullement; mais se rappelant son amie défunte, elle eut la bonne pensée de se refuser ce petit soulagement en faveur de son âme, et au lieu de boire le verre d’eau qu’elle tenait à la main, elle la répandit en priant Dieu de faire miséricorde à la défunte. – Ceci rappelle comment le roi David, se trouvant avec son armée en un endroit sans eau, pressé par la soif, refusa de boire l’eau fraîche qu’on lui apportait de la citerne de Bethlehem: au lieu de la porter à ses lèvres, il la répandit en libation au Seigneur; et l’Écriture cite ce trait du saint Roi comme une action agréable à Dieu. – Or la légère mortification que s’imposa notre religieuse en se privant de ce verre d’eau, plut tellement au Seigneur, qu’il permit à la défunte de le manifester par une apparition. Elle se montra la nuit suivante à la sœur, en la remerciant vivement de ce qu’elle avait fait pour elle. Ces quelques gouttes d’eau, dont la mortification avait fait le sacrifice, s’étaient changées en un bain rafraîchissant, pour tempérer les ardeurs du purgatoire.

Et, qu’on veuille bien le remarquer, ce que nous disons ici ne doit nullement se restreindre aux actes de mortification surérogatoires; il faut l’étendre à la mortification obligée, c’est-à-dire à toutes les peines qu’on doit se donner pour remplir ses devoirs; et généralement, à toutes les bonnes œuvres auxquelles nous sommes tenus par devoir de chrétiens, ou par devoir d’état particulier.

La Bienheureuse Marguerite

Ainsi tout chrétien est tenu, en vertu de la loi de Dieu de s’abstenir de paroles lascives, de paroles de médisance, de paroles de murmure; ainsi tout religieux doit garder le silence, la charité, l’obéissance prescrite par sa règle; or ces observances, quoiqu’obligatoires, pratiquées chrétiennement, en vue de Dieu, en union avec les œuvres et les souffrances de Jésus-Christ, peuvent devenir des suffrages et servir à assister les âmes. Dans cette célèbre apparition, où la Bienheureuse Marguerite Marie vit une religieuse défunte, souffrant cruellement pour avoir vécu dans la tiédeur; la pauvre âme, après avoir fait connaître en détail les tourments qu’elle endurait, ajouta ces paroles: « Hélas ! un jour d’exactitude au « silence, gardé par toute la communauté, guérirait ma bouche altérée; un autre, « passé dans la pratique de la sainte charité, guérirait ma langue; un troisième, « passé sans aucun murmure ni désapprobation à l’égard de la Supérieure, « guérirait mon cœur déchiré… »

On le voit, cette âme ne demande pas des œuvres surérogatoires; mais seulement qu’on lui applique celles auxquelles les religieuses étaient obligées.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 20, 21

Chapitre 20 – Soulagement des âmes par la sainte Messe

Sainte Thérèse – Bernardin de Mendoza

Terminons ce que nous avons à dire sur la sainte messe, par le récit de sainte Thérèse, concernant Bernardin de Mendoza. Elle raconte ce fait dans son livre des Fondations, chapitre X.

Le jour des Trépassés, don Bernardin de Mendoza avait donné à sainte Thérèse une maison et un beau jardin, situés à Valladolid, pour y fonder un monastère en l’honneur de la Mère de Dieu. « Deux mois après, écrit la Sainte, ce gentilhomme tomba malade subitement et perdit tout d’un coup la parole; en sorte qu’il ne put se confesser, encore qu’il témoignât par signes le désir de le faire, et la vive contrition qu’il ressentait de ses péchés.

« Il ne tarda pas à mourir, loin de l’endroit où j’étais à cette époque; mais Notre-Seigneur me parla et me fit connaître qu’il était sauvé, quoiqu’il eût couru grand risque de ne pas l’être: la miséricorde de Dieu s’était étendue sur lui, à cause des dons qu’il avait faits au couvent de la Sainte-Vierge; toutefois son âme ne devait pas sortir du purgatoire avant que la première messe fût célébrée dans la nouvelle maison.

« Je ressentis si profondément les souffrances de cette âme, que, malgré mon vif désir d’achever dans le plus court délai la fondation de Tolède, je partis immédiatement pour Valladolid.

« Un jour que j’étais en prière à Médina del Campo, Notre-Seigneur me dit de me hâter; car l’âme de Mendoza était en proie aux plus vives souffrances. Je repartis donc sur-le-champ, bien que je n’y fusse pas préparée, et j’arrivai à Valladolid le jour de la fête de S. Laurent.

« Aussitôt j’appelai des maçons pour élever sans tarder les murs de clôture; mais comme cela devait prendre beaucoup de temps, je demandai au Seigneur Évêque, l’autorisation de faire une chapelle provisoire à l’usage des sœurs qui m’avaient accompagné. L’ayant obtenue, j’y fis célébrer la messe; et, à la communion, au moment où je quittai ma place pour m’approcher de la sainte Table, je vis notre bienfaiteur, qui, les mains jointes et le visage resplendissant, me remerciait de ce que j’avais fait pour le tirer du purgatoire. Je le vis ensuite monter plein de gloire au ciel. Je fus d’autant plus joyeuse que je n’osais espérer un tel succès. Car, bien que Notre-Seigneur m’eût révélé que la délivrance de cette âme suivrait la première messe célébrée dans la maison, je pensais que cela devait s’entendre de la première messe, où le Saint-Sacrement serait renfermé dans le tabernacle. »

Multiplicité des Messes, pompe des obsèques

Ce beau trait nous fait voir, non seulement l’efficacité de la sainte Messe; mais aussi la tendre bonté avec laquelle Jésus-Christ s’intéresse aux âmes et en vient jusqu’à solliciter nos suffrages en leur faveur.

Puisque le divin Sacrifice est d’un si grand prix, on pourrait ici demander si un grand nombre de messes procure aux âmes plus de soulagement qu’un moindre nombre, mais en compensation, des obsèques magnifiques et d’abondantes aumônes ? – La réponse à cette question se déduit de l’esprit de l’Église, qui est l’esprit de Jésus-Christ lui-même, et l’expression de sa volonté.

Or l’Église engage les fidèles à faire pour les défunts des prières, des aumônes et autres bonnes œuvres, à leur appliquer des indulgences, mais surtout à faire célébrer la sainte Messe et à y assister. Tout en donnant une place à part au divin Sacrifice, elle approuve et emploie les divers genres de suffrages, selon les circonstances, la dévotion et la condition sociale du défunt ou de ses héritiers.

C’est une coutume catholique, que les fidèles ont religieusement observée depuis la plus haute antiquité, de célébrer pour les défunts un service solennel et des funérailles aussi splendides que le comportent leurs moyens. La dépense qu’ils font à cet effet est une aumône à l’Église, aumône qui élève grandement aux yeux de Dieu le prix du divin Sacrifice et sa valeur satisfactoire pour le défunt.

Il est bon cependant de régler de telle manière le degré des funérailles, qu’il laisse encore assez de ressources pour un nombre convenable de messes et pour des aumônes aux pauvres.

Ce qu’il faut éviter, c’est d’oublier le caractère chrétien des funérailles, et d’envisager le service funèbre, moins comme un grand acte de religion, que comme un étalage de vanité mondaine.

Cérémonies saintes de l’Église et couronnes profanes dont on couvre le cercueil.

Ce qu’il faut éviter encore, ce sont des symboles de deuil tout profanes, et qui ne sont pas conformes aux traditions chrétiennes. Telles sont les couronnes de fleurs, dont on charge à grands frais le cercueil du défunt. C’est là une innovation justement désapprouvée par l’Église, à qui Jésus-Christ a confié le soin du culte et des cérémonies saintes, sans excepter les cérémonies funèbres. Celles dont elle se sert à la mort de ses enfants, sont vénérables par leur antiquité, pleines de sens et de consolation pour la foi. Tout l’appareil déployé aux yeux des fidèles, la croix et l’eau bénite, le luminaire et l’encens, les larmes et les prières, respirent la compassion pour les âmes, la foi à la divine miséricorde et l’espérance de l’immortalité.

Qu’y a-t-il de semblable dans les froides couronnes de violettes ? Elles ne disent rien à l’âme chrétienne, elles ne présentent tout au plus qu’un symbole profane de la vie mortelle, symbole qui contraste avec la sainte image de la croix et qui est étranger aux rites sacrés de l’Église.

Chapitre 21 – Soulagement des âmes

La prière – Le Frère Corrado d’Offida.

– L’hameçon d’or et le fil d’argent

Après le saint sacrifice de la Messe, nous avons pour soulager les âmes une foule de moyens secondaires, mais bien efficaces aussi, quand on les emploie en esprit de foi et de ferveur.

D’abord c’est la prière, la prière sous toutes les formes. Les annales de l’Ordre séraphique parlent avec admiration du Frère Corrado d’Offida, un des premiers disciples de S. François. Il se distinguait par un esprit de prière et de charité qui contribuait grandement à l’édification de ses frères. Parmi ceux-ci il y en avait un, jeune encore, dont la conduite relâchée et turbulente troublait la sainte communauté; mais grâce aux prières et aux charitables exhortations de Corrado, il se corrigea entièrement et devint un modèle de régularité. Bientôt après cette heureuse conversion, il vint à mourir, et ses frères firent pour son âme les suffrages ordinaires.

Peu de jours s’étaient écoulés, lorsque le Frère Corrado se trouvant en prière devant l’autel, entendit une voix qui lui demandait le secours de ses prières. – « Qui êtes-vous ? dit le serviteur de Dieu. » – « Je suis, répondit la voix, « l’âme du jeune religieux que vous avez si bien ramené à la ferveur. – Mais « n’êtes-vous pas mort saintement ? Avez-vous encore tant besoin de prières ? – « Ma mort a été bonne, en effet, et je suis sauvé; mais à cause de mes anciens « péchés que je n’ai pas eu le temps d’expier, je souffre les plus rigoureux « châtiments, et je vous en supplie, ne me refusez pas le secours de vos prières. » Aussitôt le bon Frère s’inclinant devant le tabernacle récita un Pater suivi du Requiem aeternam. « O mon bon Père, s’écria l’apparition » que votre prière me procure de rafraîchissement ! Oh ! comme elle me soulage!

« Je vous en prie continuez. » – Corrado répéta dévotement les mêmes prières. « Père bien-aimé, reprit l’âme, je vous en conjure, encore ! encore! J’éprouve « tant de soulagement quand vous priez! » – Le charitable religieux continua ses prières avec une nouvelle ferveur, et répéta jusqu’à cent fois l’Oraison dominicale. Alors, avec un accent d’indicible joie, le défunt lui dit: « Je vous « rends grâces de la part de Dieu, ô Père chéri: je suis entièrement délivré; voici « que je me rends au royaume des cieux. »

On voit par l’exemple précédent combien les moindres prières, les plus courtes supplications sont efficaces pour adoucir les souffrances des pauvres âmes. J’ai lu quelque part, dit le P. Rossignoli, qu’un saint Évêque, ravi en esprit, vit un enfant, lequel, avec un hameçon d’or et un fil d’argent, tirait du fond d’un puits une femme qui s’y noyait. – Après son oraison, comme il se rendait à l’église, il aperçut ce même enfant agenouillé, priant sur une tombe du cimetière. « Que fais-tu là, mon petit ami, lui demanda-t-il ? – Je dis, répondit l’enfant, « Notre Père et Je vous salue Marie pour l’âme de ma mère, dont le corps repose « en ce lieu. » – Le prélat comprit aussitôt que Dieu avait voulu lui montrer l’efficacité de la prière la plus simple; il connut que l’âme de cette mère venait d’être délivrée, que l’hameçon d’or était le Pater, et que l’Ave était le fil d’argent de cette ligne mystique.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 18, 19

Chapitre 18 – Soulagement des âmes

Saint Malachie à Clairvaux

Nous ne devons point ici omettre le récit de la grâce toute particulière, qui valut à S. Malachie sa grande charité envers les âmes du purgatoire. Un jour qu’il se trouvait avec plusieurs personnes pieuses et les entretenait familièrement des choses spirituelles, il vint à parler du dernier passage. « Si on laissait, dit-il, à « chacun de vous le choix, à quel jour et en quel lieu souhaiteriez-vous de mourir ? » A cette question les uns indiquaient une fête, les autres une autre; ceux-ci tel endroit et ceux-là tel autre. Quand ce fut au tour du Saint de manifester sa pensée, il dit qu’il ne finirait nulle part plus volontiers sa vie qu’au monastère de Clairvaux, gouverné par S. Bernard, afin de jouir tout de suite des sacrifices de ces fervents religieux; et quant au temps, il préférerait, disait-il, le jour de la Fête des morts, afin d’avoir part à toutes les messes, à toutes les prières, qui se font ce jour-là pour les défunts dans tout le monde catholique.

Ce souhait de sa piété fut accompli de point en point. Il se rendait à Rome auprès du Pape Eugène III, quand, arrivé à Clairvaux, peu avant la Toussaint, il fut surpris par une grave maladie, qui l’obligea de s’arrêter dans cette pieuse maison. Il comprit bientôt que le Seigneur avait exaucé ses vœux, et s’écria avec le prophète: C’est ici le lieu de mon repos pour toujours: j’y demeurerai parce que je l’ai choisi (Psalm. 131). En effet le lendemain de la Toussaint, tandis que toute l’Église priait pour les défunts, il rendit son âme au Créateur.

La sœur Zénaïde

Nous avons connu, dit l’abbé Postel, une sainte religieuse, la sœur Zénaïde P. qui, attaquée d’une maladie affreuse depuis plusieurs années, demandait à Notre-Seigneur la grâce de mourir le jour de la Commémoration des morts, pour lesquels elle avait eu toujours une grande dévotion. Il lui fut accordé comme elle désirait. Le 2 novembre au matin, après deux ans de souffrances, supportées avec le courage le plus chrétien, elle se mit à chanter un cantique d’action de grâces, et expira doucement quelques instants avant l’heure où commence la célébration des messes dans toutes les églises.

Le sacrifice de la Messe – Le vénérable Joseph Anchieta et la messe de Requiem

On sait qu’il y a dans la liturgie catholique une messe spéciale pour les défunts: elle se célèbre en ornement noir et on la nomme messe de Requiem. On pourrait demander si cette messe est plus profitable aux âmes que les autres ? – Le sacrifice de la Messe, malgré la diversité des cérémonies est toujours le même, le sacrifice infiniment saint du Corps et du Sang de Jésus-Christ. Mais comme la messe des morts contient des prières particulières pour les âmes, elle leur obtient aussi des secours particuliers, du moins toutes les fois que les règles liturgiques permettent au prêtre de célébrer en noir. Cette opinion fondée sur l’institution et la pratique de l’Église, se trouve confirmée par un fait que nous lisons dans la vie du vénérable Père Joseph Anchieta.

Ce saint religieux de la Compagnie de Jésus, surnommé à juste titre le thaumaturge du Brésil, avait comme tous les saints une grande charité pour les âmes du purgatoire. Un jour, c’était pendant l’octave de Noël, où l’Église défend les messes de Requiem, le 27 décembre, fête de S Jean l’Évangéliste, cet homme de Dieu au grand étonnement de tous, monta à l’autel en ornement noir et célébra une messe de morts.

Son supérieur, le Père Nobréga, connaissant la sainteté d’Anchieta, ne doutait point qu’il n’agit par inspiration divine; néanmoins pour ôter à cette conduite le caractère d’irrégularité qu’elle paraissait avoir, il le reprit devant tous ses confrères. « Eh ! Quoi, mon Père, lui dit-il, ne savez-vous pas que l’Église « défend de célébrer en noir aujourd’hui ? Avez-vous donc oublié les règles « liturgiques ? » – Le bon Père, humble et obéissant, répondit avec une respectueuse simplicité que Dieu lui avait fait connaître la mort d’un Père de la Compagnie. Ce Père, son ancien condisciple à l’université de Coïmbre, et qui résidait pour lors en Italie au collège de la sainte Maison de Lorette, était mort cette nuit-là même. « Dieu, ajouta-t-il, en m’en donnant connaissance, m’a fait « comprendre que je devais aussitôt offrir pour lui le saint Sacrifice et faire tout « ce qui était en mon pouvoir pour soulager cette âme. – Mais, continua le « supérieur, savez-vous si la sainte Messe célébrée, comme vous l’avez fait, lui a « été utile ? – Oui, repris modestement Anchieta: immédiatement après la « commémoraison des morts, lorsque je disais ces paroles: A Dieu le Père Tout-Puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et gloire ! le Seigneur m’a « fait voir cette chère âme, délivrée de toute peine, monter au ciel, où l’attendait « la couronne. »

Chapitre 19 – Soulagement des âmes

Le sacrifice de la Messe

Nous venons de parler de l’efficacité du saint Sacrifice de la Messe pour le soulagement des âmes. C’est la foi vive à ce consolant mystère qui enflamme la dévotion des vrais fidèles, et adoucit l’amertume de leur deuil. La mort leur enlève-t-elle un père, une mère, un ami ? Ils tournent leurs yeux mouillés vers l’autel, qui leur offre le moyen de témoigner au cher défunt leur amour et leur reconnaissance. De là ces messes nombreuses qu’ils font célébrer, de là cet empressement pieux à assister en faveur des défunts au sacrifice de propitiation.

La vénérable Mère Agnès et la sœur Séraphique

La vénérable Mère Agnès de Langeac, religieuse Dominicaine dont nous avons déjà parlé, assistait à la sainte Messe avec la plus grande dévotion, et engageait ses sœurs à la même ferveur. Elle leur disait que ce divin sacrifice est l’action la plus sainte de la religion, l’œuvre de Dieu par excellence; et elle leur rappelait la parole des Livres saints: maudit soit celui qui fait l’œuvre de Dieu négligemment. Une sœur de la communauté, nommée sœur Séraphique, vint à mourir: elle n’avait pas assez tenu compte des salutaires avis de sa supérieure, et fut condamnée à un rude purgatoire.

La mère Agnès en eut connaissance. Dans un ravissement, elle se trouva en esprit au lieu des expiations, y vit beaucoup d’âmes dans les flammes, et reconnut parmi elles la sœur Séraphique, qui d’une voix lamentable lui demandait du secours. Touchée de la plus vive compassion, la charitable Supérieure fit tout ce qu’elle put pendant huit jours: elle jeûnait, communiait et assistait à la sainte Messe, pour la chère défunte. Comme elle priait avec beaucoup de larmes et de gémissements, conjurant la divine miséricorde par le précieux sang de Jésus-Christ, qu’il lui plût de tirer sa chère fille des flammes, et de l’admettre au bonheur de voir sa face; elle entendit une voix qui lui disait: Continue encore de prier, il n’est pas temps de la délivrer. La mère Agnès persévéra avec confiance, et deux jours après, tandis qu’elle assistait au divin sacrifice, au moment de l’élévation, elle vit l’âme de sœur Séraphique monter au ciel avec une extrême joie. Cette vue si consolante fut la récompense de sa charité et enflamma d’une nouvelle ardeur sa dévotion au saint Sacrifice de la messe.

Marguerite d’Autriche – L’archiduc Albert

Les familles, chrétiennes, où règne l’esprit de foi, se font un devoir de faire célébrer un grand nombre de messes pour leurs morts, selon leur condition et leur fortune: elles s’épuisent en de saintes prodigalités, pour multiplier les suffrages de l’Église et soulager ainsi les âmes. Il est rapporté dans la Vie de la reine Marguerite d’Autriche, femme de Philippe III, qu’en un seul jour, qui fut celui de ses obsèques, on célébra dans la ville de Madrid, près de onze cents messes pour le repos de son âme. Cette Princesse avait demandé mille messes dans son testament; le roi en fit ajouter vingt mille. – Quand l’archiduc Albert mourut à Bruxelles, sa veuve, la pieuse Isabelle, fit célébrer pour lui quarante mille messes; et pendant un mois tout entier, elle-même en entendit dix par jour, avec la plus grande piété (Le Père Munford, Charité envers les défunts).

Le Père Mancinelli

Un des plus parfaits modèles de la dévotion à la sainte messe et de la charité envers les âmes du purgatoire, fut le Père Jules Mancinelli de la Compagnie de Jésus. Les Sacrifices offerts par ce digne religieux, dit le P. Rossignoli (Merveille 23), semblaient avoir auprès du Seigneur une efficacité particulière pour le soulagement des défunts.

Les âmes lui apparaissaient fréquemment pour lui demander la grâce d’une seule messe.

César Costa, oncle du P. Mancinelli, était archevêque de Capoue. Un jour rencontrant son saint neveu fort pauvrement vêtu, malgré la rigueur du froid, il lui donna avec beaucoup de charité une aumône pour se procurer un manteau. A quelque temps de là, l’Archevêque mourut; et le Père étant sorti pour visiter ses malades, couvert de son nouveau vêtement, vit son oncle défunt venir à lui tout entouré de flammes, le suppliant de lui prêter son manteau. Le Père le lui donna, et le défunt s’en étant enveloppé, ses flammes s’éteignirent aussitôt. Mancinelli comprit que cette âme souffrait dans le purgatoire et qu’elle lui demandait de la soulager dans ses peines, en retour de la charité dont elle avait usé à son égard. Aussi, reprenant son manteau, il lui promit de prier pour elle avec le plus grand zèle, surtout à l’autel du Seigneur.

Ce fait fut si notoire et produisit une si salutaire impression, qu’après la mort du Père, on le reproduisit sur un tableau qui se conserve au collège de Macerata, sa patrie. On y voit le P. Jules Mancinelli à l’autel, revêtu des ornements sacerdotaux; il est un peu élevé au-dessus du marchepied de l’autel, pour signifier les ravissements dont Dieu le favorisait. De sa bouche sortent des étincelles, image de ses brûlantes prières et de sa ferveur pendant le saint Sacrifice. Au-dessous de l’autel on aperçoit le purgatoire et les âmes qui y reçoivent le bienfait des suffrages. Au-dessus, deux anges puisent dans des vases précieux et répandent une pluie d’or, qui marque les bénédictions, les grâces, les délivrances accordées à ces pauvres âmes, en vertu des Sacrifices du pieux célébrant. On y voit aussi le manteau, dont il a été parlé, et une inscription en vers dont voici le sens: O miraculeux vêtement, donné pour garantir des rigueurs du froid et qui a servi ensuite à tempérer les ardeurs du feu. C’est ainsi que la charité réchauffe ou rafraîchit, suivant la nature des maux qu’elle doit soulager.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 16, 17

Chapitre 16 – Soulagement des âmes

Liturgie de l’Église – Commémoration des morts

La sainte Église possède une liturgie particulière pour les défunts: elle se compose des vêpres, des matines, des laudes et de la messe, appelée communément messe de Requiem. Cette liturgie aussi touchante que sublime, à travers le deuil et les larmes fait briller aux yeux des fidèles la consolante lumière de l’immortalité. Elle se déploie aux funérailles de ses enfants, et surtout au jour solennel de la Commémoration des morts. La sainte Messe y tient la première place, elle est comme le centre divin auquel toutes les autres prières et cérémonies se rapportent. Le lendemain de la Toussaint, à la grande solennité des Trépassés, tous les prêtres doivent célébrer le Sacrifice pour les défunts; tandis que les fidèles se font un devoir d’y assister, et même d’offrir la sainte Communion, des prières et des aumônes, pour soulager leurs frères du purgatoire.

Cette Fête des défunts n’est pas très anicienne. Dès le principe l’Église a prié pour ses enfants trépassés: elle chantait des psaumes, récitait des prières, offrait la sainte messe pour le repos de leurs âmes. Cependant nous ne voyons pas qu’il y eût une fête particulière pour recommander à Dieu tous les morts en général. Ce ne fut qu’au Xe siècle, que l’Église, toujours dirigée par le Saint-Esprit, institua la Commémoration de tous les fidèles défunts, pour engager les fidèles vivants à remplir avec plus de soin et de ferveur, le grand devoir de la prière pour les morts, prescrit par la charité chrétienne.

Saint Odilon

Le berceau de cette touchante solennité fut l’abbaye de Cluni. Saint Odilon (Premier janvier), qui en était abbé à la fin du Xe siècle, édifiait la France par sa charité envers le prochain. Étendant jusqu’aux morts sa commisération, il ne cessait de prier et de faire prier pour les âmes du purgatoire. Ce fut cette tendre charité qui lui inspira d’établir dans son monastère de Cluni ainsi que dans toutes les dépendances, la fête de la Commémoration de tous les trépassés. On croit, dit l’historien Bérault, qu’il y fut engagé par une révélation du ciel; car Dieu daigna manifester d’une manière miraculeuse combien la dévotion d’Odilon lui était agréable. Voici comme la chose est rapportée par les historiens.

Tandis que le saint Abbé gouvernait son monastère en France, un pieux ermite vivait dans une petite île sur les côtes de Sicile. Un pèlerin français qui revenait de Jérusalem, fut jeté sur ce rocher par une tempête. L’ermite qu’il alla visiter, lui demanda s’il connaissait l’abbaye de Cluni et l’Abbé Odilon ? « Assurément, répondit le pèlerin, je les connais et me fais gloire de les connaître « ; mais vous, comment les connaissez-vous ? Et pourquoi me faites-vous cette « question ? – J’entends souvent, répliqua le solitaire, les malins esprits se « plaindre des personnes pieuses, qui, par leurs prières et leurs aumônes, « délivrent les âmes des peines qu’elles souffrent en l’autre vie; mais ils se « plaignent principalement d’Odilon, Abbé de Cluni, et de ses religieux. Quand « donc vous serez arrivé dans votre patrie, je vous prie au nom de Dieu d’exhorter « ce saint Abbé et ses moines à redoubler leurs bonnes œuvres en faveur des « pauvres âmes. »

Le pèlerin se rendit à l’abbaye de Cluni et s’acquitta de sa commission. En conséquence, saint Odilon ordonna que dans tous les monastères de son institut, on fit tous les ans, le lendemain de la Toussaint, la commémoration de tous les fidèles trépassés, en récitant dès la veille les vêpres des morts et le lendemain les matines; en sonnant toutes les cloches et en célébrant une Messe solennelle pour les défunts. – On conserve encore le décret qui en fut dressé à Cluni, l’an 998, tant pour ce monastère que pour tous ceux de sa dépendance. Une pratique si pieuse passa bientôt à d’autres églises, et devint après quelque temps l’observance universelle de tout le monde catholique.

Chapitre 17 – Soulagement des âmes

Sacrifice de la Messe – Le Frère Jean de l’Alverne, à l’autel

Les annales de l’ordre séraphique nous parlent d’un saint religieux appelé Jean de l’Alverne: il aimait ardemment Notre-Seigneur Jésus-Christ, et embrassait dans le même amour les âmes rachetées par son sang et si chères à son Cœur. Celles qui souffrent dans les prisons du purgatoire avaient une large part à ses prières, à ses pénitences, à ses Sacrifices. Dieu daigna un jour lui faire voir les admirables et consolants effets du divin Sacrifice offert, le jour des morts, sur tous les autels. Le serviteur de Dieu célébrait la messe pour les défunts en cette solennité, lorsque ravi en esprit, il vit le purgatoire ouvert et les âmes qui en sortaient, délivrées par la vertu du Sacrifice de propitiation: elles ressemblaient à d’innombrables étincelles qui s’échappaient d’une fournaise ardente.

On s’étonnera moins des puissants effets de la sainte messe, si l’on se rappelle que ce sacrifice est identiquement le même que celui que le Fils de Dieu offrit sur la croix: c’est le même prêtre, dit le saint Concile de Trente, c’est la même victime; il n’y a que le mode d’immolation qui diffère: sur la croix l’immolation fut sanglante, sur nos autels elle est non-sanglante.

Or le sacrifice de la croix étant d’un prix infini, celui de l’autel est aux yeux de Dieu d’une valeur égale. Remarquons toutefois, que l’efficacité de ce divin sacrifice n’est appliquée aux défunts que partiellement, et dans une mesure connue de la seule justice de Dieu.

Sainte Madelaine de Pazzi

La passion de Jésus-Christ et son précieux sang, répandu pour notre salut, sont un océan inépuisable de mérites et de satisfactions. C’est par la vertu de cette passion sainte que nous obtenons tous les dons et toutes les miséricordes du Seigneur. La seule commémoration qu’on en fait par manière de prière, lorsqu’on offre à Dieu le sang de son Fils unique pour implorer sa miséricorde, cette prière, dis-je, appuyée ainsi sur la passion de Jésus-Christ, est d’une grande puissance devant Dieu. Sainte Madeleine de Pazzi avait appris de Notre-Seigneur à offrir au Père éternel le sang de son divin Fils: c’était une simple commémoration de la passion. Elle la faisait cinquante fois chaque jour; et dans une de ses extases, le Sauveur lui fit voir un grand nombre de pécheurs convertis et d’âmes du purgatoire délivrées par cette pratique: « Toutes les fois, ajouta-t-il, qu’une créature offre à mon Père ce sang par lequel « elle a été rachetée, elle lui offre un don d’un prix infini. » – Si telle est la valeur d’une offrande commémorative de la passion, que dire du sacrifice de la Messe, qui est le renouvellement véritable de cette même passion ?

Saint Malachie et sa sœur

Beaucoup de chrétiens ne connaissent pas suffisamment la grandeur des Mystères divins qui s’accomplissent sur nos autels; la faiblesse de leur foi se joignant au manque de connaissance, les empêche d’apprécier le trésor qu’ils possèdent dans le divin sacrifice, et le leur fait regarder avec une sorte d’indifférence. Hélas ! Ils verront plus tard avec de douloureux regrets combien, ils se sont trompés. La sœur de saint Malachie, archevêque d’Armagh en Irlande nous en offre un frappant exemple.

Dans sa belle Vie de S. Malachie (8 novembre), S. Bernard loue hautement la dévotion de ce prélat envers les âmes du purgatoire. N’étant encore que diacre, il aimait à assister aux funérailles des pauvres et à la messe qu’on célébrait pour eux; il accompagnait même leurs corps jusqu’au cimetière, avec d’autant plus de zèle, qu’il voyait ces malheureux d’ordinaire trop négligés après leur mort. Mais il avait une sœur qui, toute remplie de l’esprit du monde, trouvait que son frère, en se rapprochant ainsi des pauvres, se dégradait, s’avilissait, et sa famille avec lui. Elle lui en fit des reproches et montra par son langage qu’elle ne comprenait ni la charité chrétienne, ni la divine excellence du sacrifice de la messe. – Malachie n’en continua pas moins l’exercice de son humble charité, se contentant de répondre à sa sœur qu’elle oubliait les enseignements de Jésus-Christ, et qu’elle se repentirait un jour de ses paroles indiscrètes.

Cependant le ciel ne laissa pas impunie l’imprudente témérité de cette femme: elle mourut jeune encore, et alla rendre compte au souverain Juge de sa vie peu chrétienne. Malachie avait eu à se plaindre d’elle; mais quand elle fut morte, il oublia tous les torts qu’elle avait eus à son égard; ne pensant plus qu’aux besoins de son âme, il offrit le saint sacrifice et pria beaucoup pour elle. A la longue cependant, ayant à prier pour bien d’autres défunts, il perdit un peu de vue sa pauvre sœur. On peut croire, ajoute le P. Rossignoli, que Dieu avait permis cet oubli en punition de l’insensibilité qu’elle avait témoignée envers les trépassés.

Quoi qu’il en soit, elle apparut à son saint frère pendant son sommeil. Malachie la vit se tenant au milieu de la cour qui s’étendait devant l’église, triste, vêtue de noir, sollicitant sa compassion et se plaignant de ce que depuis trente jours il ne l’avait plus soulagée. Il se réveilla en sursaut et se rappela qu’en effet depuis trente jours il n’avait plus célébré la messe pour sa sœur. Dès le lendemain il recommença à offrir pour elle le saint sacrifice. Alors la défunte lui apparut à la porte de l’église, assise sur le seuil et gémissant de n’y pourvoir entrer. Il continua donc ses suffrages. Quelques jours après il la vit entrer dans l’église et s’avancer jusqu’au milieu, mais sans pouvoir, malgré tous ses efforts se rapprocher de l’autel. Il fallait donc l’aider davantage, et le Saint offrit d’autres messes. Enfin quelques jours après, il la vit près de l’autel, vêtue d’habits magnifiques, toute rayonnante de joie et délivrée de ses peines.

On voit par-là, ajoute S. Bernard, combien grande est l’efficacité du saint Sacrifice pour ôter les péchés, pour combattre les puissances adverses, et pour introduire au ciel les âmes qui ont quitté la terre.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 14, 15

Chapitre 14 – Soulagement des âmes

La sainte Messe. – Le Père Gérard.

Voici des effets surnaturels d’un genre différent, mais qui rendent également sensible la vertu de la messe pour les défunts. Nous le trouvons dans les mémoires du Père Gérard, missionnaire jésuite anglais et confesseur de la foi, pendant les persécutions d’Angleterre au XVIe siècle. Après avoir raconté comment il reçut l’abjuration d’un gentilhomme protestant, marié à l’une de ses cousines, le Père Gérard ajoute: « Cette conversion en amena une autre, entourée de circonstances assez extraordinaires. Mon nouveau converti alla voir un de ses amis, dangereusement malade: c’était un homme droit, retenu dans l’hérésie plus par illusion que pour d’autres motifs. Le visiteur le pressant vivement de se convertir et de penser à son âme, obtint de lui la promesse de se confesser. Il l’instruisit de tout, lui apprit à exciter dans son âme la douleur de ses péchés, et alla chercher un prêtre. Il eut beaucoup de peine à en trouver un, et pendant ce temps le malade mourut. – Avant d’expirer, le pauvre mourant avait souvent demandé si son ami reviendrait avec le médecin qu’il avait promis de lui amener: il appelait ainsi le prêtre catholique.

Ce qui arriva ensuite sembla montrer que Dieu avait agréé la bonne volonté du défunt. Les nuits qui suivirent sa mort, sa femme, une protestante, vit dans la chambre une lumière qui s’agitait autour d’elle et pénétra même dans son alcôve. Effrayée, elle voulut que ses filles de service couchassent dans la chambre; mais celles-ci ne virent rien, bien que la lumière continuât de paraître aux yeux de leur maîtresse. La pauvre Dame envoya chercher l’ami, dont son mari avait attendu le retour avec un si vif désir, lui exposa ce qui se passait, et demanda ce qu’il y avait à faire.

Cet ami, avant de répondre, consulta un prêtre catholique. Le prêtre lui dit que, probablement, cette lumière était pour la femme du défunt un signe surnaturel, par lequel Dieu l’invitait à revenir à la vraie foi. La Dame fut vivement impressionnée de cette parole: elle ouvrit son cœur à la grâce et se convertit à son tour.

Un fois catholique, elle fit célébrer la messe dans sa chambre pendant assez longtemps; mais la lumière revenait toujours. Le prêtre considérant les circonstances devant Dieu, pensa que le défunt, sauvé par son repentir accompagné du désir de la confession, se trouvait au purgatoire et avait besoin de prières. Il conseilla à la Dame de faire dire la messe pour lui pendant trente jours, conformément au vieil usage des catholiques anglais. La bonne veuve le fit; et la nuit du trentième jour, au lieu d’une lumière, elle en aperçut trois: deux semblaient en soutenir une autre. Les trois lumières entrèrent dans l’alcôve, puis montèrent au ciel pour ne plus revenir. – Ces lumières mystérieuses semblent avoir indiqué les trois conversions et l’efficacité du sacrifice de la messe pour ouvrir aux défunts l’entrée au ciel.

Le trentain ou les trente messes de S. Grégoire

Le trentain, ou les trente messes qu’on dit pendant trente jours consécutifs, n’est pas seulement un usage anglais, comme l’appelle le P. Gérard; il est aussi fort répandu en Italie et dans d’autres pays de la chrétienté. On appelle ces messes les trente messes de S. Grégoire, parce que la pieuse coutume en semble remonter à ce grand Pape. Voici ce qu’il rapporte dans ses Dialogues, liv. 4, cham. 40.

Un religieux de son monastère, appelé Juste, avait reçu et gardé en propriétaire trois écus d’or. C’était une faute grave contre son vœu de pauvreté; il fut découvert et frappé d’excommunication. Cette peine salutaire le fit rentrer en lui-même, et quelque temps après il mourut dans de vrais sentiments de repentir. Cependant S. Grégoire, pour inspirer à tous les frères une vive horreur du crime de propriété dans un religieux, ne leva pas pour cela l’excommunication; Juste fut enterré à l’écart, et on jeta dans la fosse les trois écus, pendant que les religieux répétaient tous ensemble la parole de S. Pierre à Simon le Magicien: Pecunia tua tecum sit in perditionem, que ton argent périsse avec toi.

Quelque temps après, le saint Abbé, jugeant que le scandale était assez réparé, et touché de compassion pour l’âme de Juste, fit appeler l’économe, et lui dit avec tristesse: « Depuis le moment de sa mort notre frère défunt est torturé « dans les flammes du purgatoire; nous devons par charité nous efforcer de l’en « délivrer. Allez donc, et à partir d’aujourd’hui, ayez soin que le saint Sacrifice « soit offert pour lui pendant trente jours: n’en laissez-passer aucun sans que « l’Hostie de propitiation soit immolée pour sa délivrance. »

L’économe obéit ponctuellement. Les trente messes furent célébrées dans le cours de trente jours. Or quand le trentième jour fut venu et que la trentième messe fut finie, le défunt apparut à un Frère appelé Copiosus en disant: « Bénissez Dieu, mon frère: aujourd’hui même je suis délivré et admis dans la « société des Saints. »

C’est depuis lors que s’établit le pieux usage de faire célébrer des trentains de messes pour les défunts.

Chapitre 15 – Soulagement des âmes

La sainte Messe – Eugénie d’Ardoye

Rien n’est plus conforme à l’esprit chrétien que le soin de faire offrir le saint Sacrifice pour le soulagement des défunts; et ce serait un bien grand mal si le zèle des fidèles à cet égard venait à se refroidir. Aussi Dieu semble multiplier les prodiges pour les empêcher de tomber dans ce funeste relâchement. Voici un fait attesté par un prêtre respectable du diocèse de Bruges, qui le tenait de source première, et en avait toute la certitude d’un témoin oculaire. Le 13 octobre 1849 mourut dans la commune d’Ardoye, en Flandre, la fermière Eugénie van de Kerchove, épouse de Jean Wybo, âgée de 52 ans. C’était une femme pieuse, charitable, faisant l’aumône avec une générosité proportionnée à l’aisance de sa condition. Elle eut jusqu’à la fin de sa vie une grande dévotion à la S. Vierge et pratiquait l’abstinence en son honneur le mercredi et le samedi de chaque semaine. Quoique sa conduite ne fût pas exempte de certains défauts domestiques, elle était du reste fort édifiante et même exemplaire.

Une servante, appelée Barbe Vannecke, âgée de 28 ans, fille vertueuse et dévouée, qui avait assisté sa maîtresse Eugénie dans sa dernière maladie, continua à servir son maître Jean Wybo, veuf d’Eugénie.

Environ trois semaines après sa mort, la défunte apparut à cette servante dans les circonstances que nous allons rapporter. C’était au milieu de la nuit: Barbe dormait profondément, lorsqu’elle s’entendit appeler trois fois distinctement par son nom. Elle s’éveille en sursaut, et voit son ancienne maîtresse, la fermière Wybo, en habit de travail, jupon et jaquette courte, assise sur le bord de son lit. A cette vue, chose remarquable, bien que saisie d’étonnement, Barbe ne fut point effrayée et conserva toute sa présence d’esprit.

L’apparition lui adressa la parole: Barbe, lui dit-elle d’abord, en prononçant simplement son nom. – Que désirez-vous, Eugénie ? répondit la servante. – Prenez, dit la maîtresse, le petit râteau que je vous ai fait mettre en place bien souvent, remuez le tas de sable dans la chambrette que vous connaissez. Vous y trouverez une somme d’argent: employer-la pour faire célébrer des messes, au taux de deux francs, à mon intention; car je suis encore dans les souffrances. – Je le ferai, Eugénie, répondit Barbe; et au même moment l’apparition disparut. La servante, toujours calme, se rendormit et reposa tranquillement jusqu’au lendemain.

A son réveil, Barbe se crut d’abord le jouet d’un songe; mais son esprit était si frappé, elle avait été si bien éveillée, elle avait vu son ancienne maîtresse sous une forme si nette et si vivante, elle avait entendu de sa bouche des indications si précises, qu’elle ne put s’empêcher de dire: « Ce n’est pas ainsi « qu’on rêve. J’ai vu ma maîtresse en personne, qui s’est montrée à mes yeux et « qui m’a parlé: ce n’est pas un songe, mais une réalité. » – Elle s’en va donc prendre le râteau désigné, fouille le sable et en retire bientôt une bourse, contenant la somme de cinq cents francs.

Dans ces circonstances étranges et exceptionnelles, la bonne fille crut devoir recourir aux conseils de son curé, et alla lui exposer ce qui était arrivé. Le vénérable abbé R. alors curé d’Ardoye, répondit que les messes demandées par la défunte devaient être célébrées; mais, pour disposer de la somme découverte, il fallait le consentement du fermier Jean Wybo. Celui-ci consentit volontiers à un si saint emploi de cet argent, et les messes furent célébrées pour la défunte au taux de deux francs.

Cette circonstance des honoraires doit être signalée, parce qu’elle répond aux pieuses habitudes de la défunte. Le taux fixé par le tarif diocésain était d’environ un franc et demi; mais l’épouse Wybo, par dévouement pour le clergé, obligé, à cette époque de disette, de soulager une foule de pauvres, donnait deux francs pour toutes les messes qu’elle faisait célébrer.

Deux mois après la première apparition, Barbe fut réveillée de nouveau au milieu de la nuit. Cette fois sa chambre était illuminée d’une vive clarté, et sa maîtresse Eugénie, belle et fraîche comme dans ses plus beaux jours, revêtue d’une robe éblouissante de blancheur, se tenait devant elle et la regardait avec un aimable sourire: Barbe, lui dit-elle d’une voix claire et intelligible, je vous remercie: je suis délivrée. – Après avoir prononcé ces mots, elle disparut, la chambre rentra dans l’obscurité, et la bonne servante, émerveillée de ce qu’elle venait de voir, fut inondée de bonheur. Cette apparition fit la plus vive impression sur son esprit et elle en a conservé jusqu’à ce jour le plus consolant souvenir. C’est d’elle que nous tenons tous ces détails, par l’intermédiaire du vénérable abbé L. qui était vicaire à Ardoye quand ces faits sont arrivés.

Lacordaire et le prince Polonais.

Le célèbre Père Lacordaire, au début des conférences sur l’immortalité de l’âme, qu’il adressait, peu d’années avant sa mort, aux élèves de Sorèze, leur racontait le fait suivant.

« Le Prince polonais de X.… incrédule et matérialiste avoué, venait de composer un ouvrage contre l’immortalité de l’âme; il était même sur le point de le livrer à l’impression, quand, se promenant un jour dans son parc, une femme tout en larmes se jette à ses pieds, et lui dit avec l’accent d’une profonde douleur: « Mon bon Prince, mon mari vient de mourir… En ce moment, son âme est « peut-être au purgatoire, dans les souffrances !… Je suis dans une telle indigence, que je n’ai « pas même la petite somme qu’il faudrait pour faire célébrer la messe des « défunts. Que votre bonté daigne me venir en aide en faveur de mon pauvre mari ! »

Quoique le gentilhomme se tint pour convaincu que cette femme était abusée par sa crédulité, il n’eut pas le courage de la repousser. Une pièce d’or se rencontre sous sa main; il la lui donne, et l’heureuse femme de courir à l’église, et de prier le prêtre d’offrir quelques messes pour son mari.

Cinq jours après, vers le soir, le prince, retiré et enfermé dans son cabinet, relisait son manuscrit et retouchait quelques détails, quand, levant les yeux, il voit à deux pas de lui un homme vêtu comme les paysans de la contrée. « Prince, lui dit l’inconnu, je viens vous remercier. Je suis le mari de cette pauvre « femme qui vous suppliait, il y a peu de jours, de lui donner l’aumône, afin de « faire offrir le sacrifice de la messe pour le repos de mon âme. Votre charité a « été agréable à Dieu: c’est lui qui m’a permis de venir vous remercier. »

Ces paroles dites, le paysan polonais disparaissait comme une ombre. – L’émotion du Prince fut indicible et eut pour lui ce résultat: il mit au feu son ouvrage, et se rendit si bien à la vérité que sa conversion fut éclatante; il persévéra jusqu’à la mort.

Le Dogme du Purgatoire – Seconde partie – Chapitres 12, 13

Chapitre 12 – Moyens de secourir les âmes

La sainte Messe

Non, de tout ce qu’on peut faire en faveur des âmes du purgatoire, il n’est rien d’aussi précieux que l’immolation du divin Sauveur à l’autel. Outre que c’est la doctrine expresse de l’Église, manifestée dans ses conciles, beaucoup de faits miraculeux, authentiques, ne laissent point de doute à cet égard.

Religieux de Cîteaux délivré par l’Hostie salutaire

Nous avons déjà parlé d’un religieux de Clairvaux qui fut délivré du purgatoire par les prières de S. Bernard et de sa communauté. Ce religieux, dont la régularité avait laissé à désirer, était apparu après sa mort pour demander à S. Bernard des secours extraordinaires. Le saint Abbé avec tous ses fervents disciples, s’empressa de faire offrir des prières, des jeûnes et des messes pour le pauvre défunt. Celui-ci fut bientôt délivré, et apparut plein de reconnaissance à un vieillard de la communauté qui s’était intéressé plus particulièrement à lui. Interrogé sur l’œuvre d’expiation qui lui avait profité davantage, au lieu de répondre, il prit le vieillard par la main, le conduisit à l’église où l’on célébrait la messe en ce moment: « Voilà, dit-il en montrant l’autel, la grande force libératrice, qui a rompu mes chaînes, voilà le prix de ma rançon: c’est l’Hostie salutaire qui ôte les péchés du monde ! » (L’abbé Postel, Le purgatoire. Chap. 5. Cf. Rossign. Merv. 47.)

Le Bienheureux Henri Suzo

Voici un autre fait, rapporté par l’historien Ferdinand de Castille et cité par le Père Rossignoli. Il y avait à Cologne, parmi les étudiants des cours supérieurs de l’université, deux religieux dominicains d’un talent distingué, dont l’un était le Bienheureux Henri Suzo (25 janvier). Les mêmes études, le même genre de vie, et par-dessus tout le même goût pour la sainteté, leur avaient fait contracter une amitié intime, et ils se faisaient part mutuellement des faveurs qu’ils recevaient du ciel.

Quand ils eurent terminé leurs études, se voyant à la veille de se séparer pour retourner chacun dans leur couvent, ils convinrent et se promirent l’un à l’autre, que le premier des deux qui mourrait, serait secouru par l’autre, une année entière, de deux messes par semaine: le lundi, une messe de Requiem, selon l’usage, et le vendredi, celle de la Passion, autant que le permettraient les rubriques. Ils s’y engagèrent, se donnèrent le baiser-de-paix, et quittèrent Cologne.

Pendant plusieurs années ils continuèrent, chacun de son côté, à servir Dieu avec la plus édifiante ferveur. Le Frère, dont le nom n’est pas exprimé, fut le premier appelé au jugement, et Suzo en reçut la nouvelle avec de grands sentiments de soumission à la divine volonté. Quant à l’engagement qu’il avait pris, le temps le lui avait fait oublier. Il priait beaucoup pour son ami, s’imposait en sa faveur des pénitences nouvelles et bien des œuvres saintes, mais ne songeait point à dire les messes convenues.

Un matin qu’il méditait à l’écart dans une chapelle, il voit tout d’un coup paraître devant lui son ami défunt, qui, le regardant tendrement, lui reproche d’avoir été infidèle à une parole donnée, acceptée, sur laquelle il avait droit de compter avec confiance. – Le bienheureux, surpris, s’excusa de son oubli en énumérant les oraisons et mortifications qu’il avait faites, et qu’il continuait à faire pour un ami, dont le salut lui était aussi précieux que le sien même. « Est-ce donc, mon frère, ajouta-t-il, que tant de prières et de bonnes œuvres que j’ai offertes à Dieu pour vous, ne vous suffisent pas ? – » Oh ! non, non, mon frère, reprit l’âme souffrante; non, cela ne me suffit pas ! C’est le sang de Jésus-Christ qu’il faut pour éteindre les flammes dont je suis consumé; c’est l’auguste Sacrifice qui me rachètera de ces tourments épouvantables. Je vous en conjure donc, tenez votre parole, et ne me refusez pas ce que vous me devez en justice. »

Le Bienheureux s’empressa de répondre à cet infortuné qu’il s’acquitterait au plus tôt; et que, pour réparer sa faute, il célébrerait et ferait célébrer plus de messes qu’il n’en avait promis.

En effet, dès le lendemain, plusieurs prêtres à la prière de Suzo, s’unissant à lui, montaient à l’autel pour le défunt, et continuèrent les jours suivants cet acte de charité. Au bout de quelque temps, l’ami de Suzo lui apparut de nouveau, mais dans un tout autre état: il avait la joie sur le visage et une lumière très-pure l’environnait: « Oh ! merci, mon fidèle ami, lui dit-il; voici que, grâce au sang du Sauveur. Je suis délivré de l’épreuve. Je monte au ciel pour contempler Celui « que nous avons si souvent adoré ensemble sous les voiles eucharistiques. » Suzo se prosterna pour remercier le Dieu de toute miséricorde, et il comprit mieux que jamais l’inestimable prix du sacrifice auguste de nos autels (Rossignoli, Merveille 34, d’après Ferdinand de Castille).

Chapitre 13 – Soulagement des âmes

Sainte Elisabeth et la reine Constance

Nous lisons dans la vie de sainte Elisabeth de Portugal (8 juillet), qu’après la mort de sa fille Constance, elle connut le triste état de la défunte au purgatoire et le prix que Dieu exigeait pour sa rançon. La jeune princesse, mariée depuis peu au roi de Castille, fut ravie par une mort inopinée à l’affection de sa famille et de ses sujets. Elisabeth venait d’apprendre cette triste nouvelle, et elle se rendait avec le roi son mari dans la ville de Santarem, lorsqu’un ermite, sorti de sa solitude, se mit à courir derrière le cortège royal, en criant qu’il avait à parler à la reine. Les gardes le repoussaient; mais la Sainte s’étant aperçue de son insistance, donna ordre qu’on lui amenât ce serviteur de Dieu.

La sainte Messe

Dès qu’il fut en sa présence, il lui raconta que plus d’une fois, pendant qu’il priait dans son ermitage, la reine Constance lui était apparue et l’avait instamment conjuré de faire savoir à sa mère qu’elle gémissait au fond du purgatoire, qu’elle était condamnée à des peines longues et rigoureuses, mais qu’elle serait délivrée si pendant l’espace d’un an on célébrait chaque jour la Sainte Messe pour elle. – Les courtisans, qui avaient entendu cette communication, s’en moquaient tout haut, et traitaient l’ermite de visionnaire, d’intrigant ou de fou.

Quant à Elisabeth, elle se tourna vers le roi et lui demanda ce qu’il en pensait ? « Je crois, répondit le prince, qu’il est sage de faire ce qui vous est « marqué par cette voie extraordinaire. Après tout, faire célébrer des messes pour notre chère défunte, est une œuvre qui n’a rien que de très-paternel et de très chrétien. » – On chargea donc de ce soin un saint prêtre, Ferdinand Mendez.

Au bout de l’année, Constance apparut à sainte Elisabeth, vêtue de blanc et rayonnante de gloire. « Aujourd’hui, ma mère, lui dit-elle, je suis délivrée des peines du purgatoire et je monte au ciel. » – La sainte remplie de consolation et de joie se rendit à l’église pour remercier le Seigneur. Elle y trouva le prêtre Mendez qui lui déclara que, la veille, il avait fini de célébrer les trois cent soixante-cinq messes dont on l’avait chargé. La reine comprit alors que Dieu avait tenu la promesse qu’il lui avait faite par le pieux ermite, et elle lui en témoigna sa reconnaissance en versant d’abondantes aumônes dans le sein des pauvres.

S. Nicolas de Tolentino

Vous nous avez délivrés de nos persécuteurs et vous avez confondu ceux qui nous haïssaient (Psaume 43). Telles furent les paroles qu’adressèrent à l’illustre saint Nicolas de Tolentino les âmes qu’il avait délivrées en offrant pour elles le sacrifice de la messe. – une des plus grandes vertus de cet admirable serviteur de Dieu, dit le père Rossignoli (Merv. 21, Vie de S. Nic. de Tolentino, 10 sept.), fut sa charité, son dévouement pour l’Église souffrante. Pour elle il jeûnait souvent au pain et à l’eau, il se donnait des disciplines cruelles, il se mettait autour des reins une chaîne de fer étroitement serrée. Quand le sanctuaire s’ouvrit devant lui, et qu’on voulut lui conférer le sacerdoce, il recula longtemps devant cette sublime dignité; ce qui le décida enfin à se laisser imposer les mains, ce fut la pensée qu’en célébrant chaque jour, il pourrait assister plus efficacement ses chères âmes du purgatoire. De leur côté, les âmes qu’il soulageait par tant de suffrages, lui apparurent plusieurs fois pour le remercier ou pour se recommander à sa charité.

Pellegrino d’Osima

Il demeurait à Vallimanes, près de Pise, tout occupé de ses exercices spirituels, lorsqu’un samedi pendant la nuit, il vit en songe une pauvre âme en peine, qui le suppliait de vouloir bien, le lendemain matin, célébrer la sainte messe pour elle et pour quelques autres âmes, qui souffraient d’une manière affreuse au purgatoire. Nicolas reconnaissait très bien la voix, mais ne pouvait se rappeler distinctement la personne qui parlait ainsi. Il demanda donc qui elle était. – « Je suis, répondit l’apparition, votre défunt ami, Pellegrino d’Osima. Par « la miséricorde divine, j’ai évité les châtiments éternels par une sincère « pénitence, mais non les peines temporelles dues à mes péchés. Je viens au nom « de beaucoup d’âmes aussi malheureuses que moi, vous supplier d’offrir demain « la sainte messe pour nous: nous en espérons notre délivrance, ou du moins un « grand soulagement. » Le saint répondit avec sa bonté accoutumée: « Que le « Seigneur daigne vous secourir par les mérites de son sang précieux ! Mais cette « messe pour les morts, je ne puis la dire demain: c’est moi qui dois chanter au « chœur la messe conventuelle. – Ah ! Venez au moins avec moi, s’écria le « défunt, avec des gémissements et des larmes; je vous en conjure pour l’amour « de Dieu, venez contempler nos souffrances, et vous ne me refuserez plus: vous « êtes trop bon pour nous laisser dans de pareilles angoisses. »

Alors il lui sembla qu’il était transporté dans le purgatoire. Il vit une plaine immense, où une grande multitude d’âmes de tout âge et de toute condition étaient livrées à des tortures diverses et épouvantables: du geste et de la voix elles imploraient tristement son assistance. « Voilà, lui dit « Pellegrino, la situation de ceux qui m’ont envoyé vers vous. Comme vous êtes « agréable à Dieu, nous avons la confiance qu’il ne refuserait rien à l’oblation du « Sacrifice faite par vous, et que sa divine miséricorde nous délivrerait. »

A ce lamentable spectacle, le saint ne put retenir ses larmes. Il se mit aussitôt en prière pour soulager tant d’infortunés, et le lendemain matin il alla trouver son Prieur, lui rendit compte de sa vision et de la demande de Pellegrino concernant sa messe pour ce jour-là même. Le père Prieur, partageant son émotion, le dispensa pour ce jour et pour toute la semaine, de sa fonction d’hebdomadaire, afin qu’il pût offrir le saint sacrifice à l’intention demandée, et se consacrer tout entier au soulagement des pauvres âmes. Heureux de cette permission, Nicolas se rendit à l’église et célébra avec une dévotion extraordinaire la sainte Messe pour les défunts. Pendant toute la semaine, il continua d’offrir le saint sacrifice à la même intention, pratiquant en outre, jour et nuit des oraisons, des macérations et toutes sortes de bonnes œuvres.

A la fin de la semaine, Pellegrino lui apparut de nouveau, mais non plus dans un état de souffrance: il était revêtu d’une robe blanche, et environné d’une splendeur toute céleste, dans laquelle se montraient une foule d’autres âmes bienheureuses. Toutes ensemble lui rendaient grâces et l’appelaient leur libérateur, puis elles s’élevèrent au ciel en chantant le verset du Psalmiste: Salvasti nos de affligentibus nos, et odientes nos confudisti, vous nous avez délivrés de nos persécuteurs et vous avez confondu ceux qui nous haïssaient (Ps. 43). Les ennemis dont il est ici parlé sont les péchés, et les démons qui en sont les instigateurs.